La consommation de benzodiazépines et d’hypnotiques est élevée en France et les recommandations qui limitent les durées de prescription à respectivement 12 et 4 semaines posent problème aux médecins. Ces derniers sont responsables de 84 % des prescriptions.
Et contrairement à l’opinion commune sur la démission des médecins généralistes vis-à-vis des patients consommateurs chroniques de ces produits, une enquête menée par le département universitaire nantais de médecine générale et parue dans Exercer (1) montre que la réalité est plus nuancée et révèle des possibilités d’évolution réelles.
-› Cette étude observationnelle a été réalisée par 21 internes de médecine générale auprès de 56 médecins généralistes. Elle reposait sur l’observation directe de l’interaction médecin patient. Une grille préétablie permettait de relever des indicateurs permettant de caractériser le patient, le médecin, des éléments d’évaluation clinique, le contexte de prescription et la nature préalable au renouvellement.
-› L’observation directe de 245 consultations aboutissant à un renouvellement prolongé de benzodiazépines ou hypnotiques apparentés, n’a pas permis de valider l’hypothèse selon laquelle la demande des patients fait pression sur la prescription et induit une perte d’autonomie professionnelle.
Deux cent quarante-cinq consultations avec renouvellement de benzodiazépines non conformes aux durées recommandées ont été observées. Il en ressort que des indices de réévaluation du traitement ont été observés dans 60,4 % des cas.
À savoir : l’efficacité du traitement a été évaluée dans 40,4 % des cas ; les tentatives d’arrêt par le patient ont été recherchées dans près d’une fois sur quatre (et en cas de réponse positive, le médecin se renseignait 2 fois sur 3 sur les motivations et les effets de cette expérience) ; dans environ 40 % des cas, la posologie a été discutée (elle a été le plus souvent maintenue (57,6 %), parfois diminuée (38,4 %) et rarement augmentée (4 %) ; la possibilité d’un sevrage a été évoquée un peu moins d’une fois sur quatre ; les effets secondaires ont été évalués dans 14,3 % des cas ; une prise en charge alternative a été proposée dans 16 % des consultations.
-› La durée moyenne des traitements était de 70 mois. L’ancienneté de la relation médecin-patient était de 10,7 ans en moyenne et les patients étaient quasiment tous des habitués.
-› La population bénéficiant d’une réévaluation était significativement plus jeune (64 ans contre 68,8 ans). De même, les traitements étaient en moyenne plus courts (58,3 versus 86,9). Les patients étaient aussi plus récents dans la patientèle (9,8 versus 12 ans).
-› La demande explicite du patient, souvent considérée comme un facteur déterminant dans la décision de prolonger le traitement, amenait à une réévaluation plus fréquente de la prescription (63,7 % versus 57,7 %). Lorsque cette demande intervenait au milieu de la consultation, elle provoquait systématiquement une discussion.
-› La complexité des situations (comorbidités physiques et/ou psychiatriques, facteurs médico-sociaux défavorables au sevrage, etc.), identifiées dans 54,7 % des cas, ne faisait pas passer au second plan la réévaluation des traitements.
Aux auteurs de pointer en conclusion l’importance de l’ancienneté du traitement et l’âge des patients comme facteurs limitant la discussion de prescription.
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