Neurologie

LES SIGNES NON MOTEURS DE LA MALADIE DE PARKINSON

Publié le 18/02/2011
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Associés à la triade motrice de la maladie de Parkinson (tremblement, akinésie, hypertonie), les signes non moteurs liés à la maladie, d’une très grande variabilité entre les patients, sont multiples et ils « empoisonnent » la vie des parkinsoniens.

La maladie de Parkinson (MP) n’est pas une pathologie uniquement motrice, c’est aussi une maladie neuropsychiatrique. Elle doit être considérée comme une maladie systémique. Aussi, il importe d’être vigilant sur toutes ses manifestations autres que motrices qui peuvent être prises efficacement en charge, même si les traitements spécifiques ne sont pas encore assez nombreux. Ces manifestations surviennent de façon concomitante ou indépendante des fluctuations motrices au cours de l’évolution de la MP. Il est désormais reconnu qu’elles sont précoces, fréquentes et parfois même plus gênantes que les manifestations motrices elles-mêmes.

Les signes non moteurs sont globalement divisés en trois sous-groupes dominants : cognitivo-psychiques, dysautonomiques et sensitivo-douloureuses. Ces complications nécessitent une prise en charge personnalisée et des traitements individualisés.

LES TROUBLES PSYCHO-COMPORTEMENTAUX

De nombreux troubles psychiques sont décrits dans la MP, résultat de l’intrication de multiples facteurs dont les principaux sont les lésions neuropathologiques de la MP et les effets secondaires de certains traitements antiparkinsoniens.

Sans constituer un trouble psychique, l’acceptation de la réalité de cette maladie « démoralisante » s'avère souvent difficile. Être atteint d’une pathologie comme la MP entraîne brutalement chez le sujet un sentiment d’« obsolescence ». Il ne suit plus les règles de notre société contemporaine : vitesse, mouvement, action, transmission de ses émotions (la carence dopaminergique altère la mobilité du visage). Le patient peut être déçu de sa vie, ressentir un sentiment d’humiliation, sans être forcement dépressif. Pour l’aider, il importe de lutter contre le repli de soi que la maladie a tendance à créer en stimulant l’activité, encourageant les patients à vivre des moments inhabituels (petits voyages, visites, etc...). Une activité physique est toujours à conseiller tels la marche à grandes enjambées, la natation, le vélo ou le yoga par exemple.

La dépression

Souvent insidieuse, non avouée et donc non reconnue, la dépression touche 40 à 50 % des patients. Le trouble anxieux est presque constant.

« La dépression est plus fréquente dans la maladie de Parkinson que dans les autres maladies invalidantes neurodégénératives. Or elle n’est pas diagnostiquée dans plus de 50 % des cas et n’est pas traitée dans près de 60 % des cas ». On ne retrouve pas de corrélation entre la sévérité de la maladie et l’intensité de la dépression. Celle-ci pouvant survenir à tous les stades de la maladie y compris au stade pré-moteur. On observe deux pics de fréquence : au stade I, celui de l’annonce du diagnostic et au stade IV, celui de la perte d’autonomie avec une majoration au cours des phases ON/OFF accompagnées de dyskinésies.

Il faut en rechercher les signes caractéristiques : morosité de l’humeur, dysphorie, pessimisme, anxiété, irritabilité, plainte somatique, idées suicidaires (le suicide reste rare), agressivité. Le sentiment de culpabilité est retrouvé moins fréquemment. L’impact de cette dépression est important sur la qualité de vie, et complique les relations avec conjoints et aidants. Cet état dépressif doit être identifié précocement car à un stade tardif, il devient très difficile de le différencier de l’apathie et des troubles cognitifs. Le Pr Krystkowiak insiste : « il est essentiel de mieux diagnostiquer et de mieux évaluer la dépression chez nos patients parkinsoniens et de la traiter systématiquement ».

Le traitement de la dépression repose sur :

- Un antidépresseur en préférant les IRS. Il faut éviter les associations avec les IMAO et les tricycliques qui ont des effets anticholinergiques.

- Le traitement antidopaminergique qui améliore les fluctuations de l’humeur. Les agonistes dopaminergiques, tel le pramipexole, ont un effet antidépresseur dans la MP.

- Une psychothérapie est parfois nécessaire. Les thérapies cognitivo-comportementales ont montré une efficacité.

Les conduites addictives

Les traitements dopaminergiques, notamment les agonistes, sont parfois responsables, chez les jeunes parkinsoniens, de conduites addictives (jeux et dépenses inconsidérés, compulsions alimentaires…) qui nécessitent une réévaluation du traitement. Ces troubles du contrôle des impulsions ne sont pas rares et ont parfois des implications médico-légales. Il convient donc d’informer très clairement les patients à ce sujet notamment dès la mise en route d’un traitement par agoniste dopaminergique.

L’apathie

Elle se manifeste par un manque d’intérêt, une diminution des émotions et des sentiments ou une perte de la capacité à s’impliquer. Le patient parkinsonien peut ressentir une difficulté pour maintenir son attention, une certaine inertie psychique avec moins d’aisance pour réagir à une situation nouvelle ou pour échafauder des plans. L’apathie serait directement liée aux perturbations du système dopaminergique mais elle se recouvre avec d’autres perturbations telles que la dépression et la baisse de l’état cognitif. Il faut réajuster la médication dopaminergique et conseiller des prises en charge de type cognitivo-comportementale

Les troubles cognitifs

Ils sont souvent modérés et retentissent peu dans la vie quotidienne mais ils contre-indiquent le recours aux anti-cholinergiques et aux traitements neuro-chirurgicaux s’ils sont trop importants.

Leur intensité augmente avec l’âge. Les personnes âgées parkinsoniennes ont un risque nettement plus élevé d’évolution vers une démence (30 %). « Cette démence, de type sous cortico-frontale est responsable d’un syndrome dysexécutif dont les manifestations sont comportementales et instrumentales mais, contrairement à la maladie d’Alzheimer, on observe globalement un respect des fonctions phasiques, gnosiques et praxiques. Les médications anticholinestérasiques notamment la rivastigmine ont prouvé leur efficacité dans cette indication ; à noter que cette efficacité est supérieure dans l`indication maladie de Parkinson que dans la maladie l’Alzheimer », précise le Pr Krystowiak. Attention, des signes de démence survenant précocement dans la maladie doivent faire évoquer une démence à corps de Lewy.

Les hallucinations

Principalement visuelles et souvent favorisées par les traitements, elles peuvent s’associer aux troubles cognitifs. Il ne faut pas hésiter à questionner son patient sur ce sujet, un sentiment de honte l’amenant souvent à les cacher alors que les dédramatiser apaise son angoisse et celle de son conjoint. Il est utile de rechercher un facteur favorisant (iatrogénie, trouble ionique, infection, scanner éventuellement). Légères, ces hallucinations peuvent être négligées. Mal tolérées et/ou s’intégrant dans un tableau de « psychose dopaminergique », elles justifient une adaptation du traitement ou de la prise d’un neuroleptique n’aggravant pas le syndrome parkinsonien, le seul autorisé dans cette maladie étant la clozapine très efficace mais qui nécessite un contrôle hebdomadaire puis mensuel de la NFS .

LES TROUBLES DU SOMMEIL ET DE LA VIGILANCE.

Les troubles du sommeil sont extrêmement fréquents dans la MP, plus de la moitié des patients se plaignent de mal dormir. Il est nécessaire de les diagnostiquer précocement et de les traiter.

-› L’insomnie est la plainte la plus habituelle, il s’agit surtout d’un trouble du maintien du sommeil caractérisé par de longs réveils dans la nuit et un réveil final précoce. Le sommeil du parkinsonien est fragmenté, perturbé. Les causes sont multiples : angoisses nocturnes et humeur dépressive, crampes nocturnes notamment des orteils, difficulté à se retourner dans le lit, à remettre en place oreillers et couvertures, douleurs rachidiennes ou des membres inférieurs, syndrome des jambes sans repos, contractures musculaires douloureuses du petit matin... Il peut aussi exister une pollakiurie nocturne, avec fréquemment des mictions nocturnes longues et difficiles surtout si le patient est bloqué. Une prise de L-Dopa dispersible à action rapide permet d’éviter les blocages douloureux de fin de nuit. Des cauchemars intenses et une agitation nocturne liée à un trouble du sommeil paradoxal seront soulagés par quelques gouttes de clonazepam. Le syndrome des jambes sans repos est amélioré par un agoniste dopaminergique.

-› Les troubles de la vigilance ou hypersomnolence diurne peuvent résulter du mauvais sommeil de nuit ou d’un effet sédatif des médicaments (agonistes dopaminergiques surtout). Une somnolence excessive à l’arrêt d’une activité est handicapante pour un patient actif professionnellement. On peut proposer de l’amantadine ou de la sélégiline voire du modafanil dans les cas extrêmes. Des attaques brusques de sommeil sont plus rares (4 % des patients) mais dangereuses, lors de la conduite automobile en particulier.

LES TROUBLES DYSAUTONOMIQUES

Ces troubles végétatifs sont difficiles à prendre en charge.

-› L’hypotension orthostatique concerne près de 60 % des parkinsoniens. Elle est symptomatique chez environ un patient sur cinq. Elle est souvent iatrogène et doit être systématiquement recherchée. On peut proposer des conseils : éviter les levers rapides, les stations debout immobile prolongées, les températures élevées, les repas abondants. Parmi les solutions simples, on conseillera aux patients de boire 500 ml d’eau au début des repas et de porter des bas de contention. Quand l’hypotension orthostatique devient symptomatique, on propose une augmentation des apports sodés sinon de la dompéridone, de la fludrocortisone (hors AMM) ou la midodrine de délivrance hospitalière. Très efficace, ce dernier doit être prescrit matin et midi mais pas le soir compte tenu du risque d’hypertension nocturne reflexe.

-› Les troubles urinaires avec pollakiurie nocturne et urgences mictionnelles, parfois incontinence urinaire, sont fréquents et retentissent sur la qualité de vie d’autant plus que le patient a une mobilité réduite par l’akinésie. Compte tenu de l’âge habituellement élevé des patients, ils justifient un bilan incluant un examen uro-dynamique afin d’expertiser le fonctionnement vésico-sphinctérien et d’adapter le traitement. Le traitement repose sur l’optimisation dopaminergique, la rééducation, la prescription d’anticholinergiques - trospium, tolterodine, oxybutynine - en prenant garde de ne pas induire des troubles psychiatriques chez les parkinsoniens avec déclin cognitif- , prescription d’alphabloquants. Quand cela ne suffit pas, des injections de toxine botulique dans le détrusor peuvent être réalisées.

-› Les troubles sexuels : la dysfonction érectile touche environ 60 % des hommes. Les femmes quant à elles, sont surtout gênées par une sécheresse vaginale et une anorgasmie. Ces troubles sont peu évoqués lors des consultations alors qu’ils altèrent la qualité de vie et la relation du couple. Ils peuvent être précoces mais la sévérité de la maladie et l’existence d’une dépression sont les facteurs les plus importants et constamment associés aux difficultés sexuelles. Ils nécessitent d’identifier ce qui revient à l’évolution de la maladie et ce qui est d’ordre psychologique. L’origine de ces troubles est souvent mixte.

Une hypersexualité est parfois observée, généralement secondaire à un traitement par agoniste dopaminergique

-› Les troubles digestifs. Une constipation est retrouvée chez près de 80 % des patients, il faut adapter le traitement dopaminergique et recourir aux traitements symptomatiques, essentiellement les laxatifs non irritants

-› L’hypersialorrhée est invalidante sur le plan social : baver et saliver de façon excessive sont des plaintes fréquentes du patient parkinsonien. Il s’agirait en fait davantage d’un trouble de la déglutition que d’un excès de sécrétion salivaire. Elle peut être soulagée par un collyre atropinique (atropine 1 %) en conseillant de mettre une goutte dans la bouche 3 à 4 fois par jour. Sinon, on a recours aux anticholinergiques ou aux tricycliques voire de plus en plus souvent à des infiltrations de toxine botulinique dans les glandes parotides et/ou sous-maxillaires.

LES DOULEURS CHRONIQUES

Fréquentes et méconnues, les douleurs touchent 60 à 70 % des parkinsoniens quel que soit le stade évolutif de la maladie, parfois même avant que celle-ci soit diagnostiquée. La douleur représente le syndrome initial chez environ 10 à 20 % des parkinsoniens, dans ce cas elle est habituellement de type pseudo-rhumatismal mécanique scapulaire évoquant une capsulite rétractile.

Les manifestations douloureuses dans la maladie de Parkinson sont multiples et hétérogènes. On distingue cependant deux grands types de douleurs :

- Les douleurs de type mécanique périphérique, seraient dues à un excès de nociception lié aux symptômes moteurs. Elles regroupent les douleurs musculosquelettiques, dystoniques et radiculaires. Il peut s’agir de douleurs à type de crampe consécutives aux dystonies et aux dyskinésies, de raideur musculaire siégeant avec prédilection dans le cou, les muscles paravertrebraux, les mollets, de douleurs péri-articulaires au niveau des épaules, de contractures douloureuses du pied ou des orteils…

- Les douleurs neuropathiques sont liées à une altération des mécanismes de transmission et d’intégration de la douleur, elles touchent préférentiellement le membre le plus affecté par la maladie.

Du fait de la dégénérescence des neurones dopaminergiques, il pourrait exister une altération de la perception douloureuse chez le patient parkinsonien responsable d’un abaissement des seuils douloureux ce qui fait que le patient parkinsonien ressent de façon exagérée la douleur.

L'évaluation et l'identification de la douleur chez le parkinsonien sont complexes, car, souvent, d'autres pathologies rhumatismales sont intriquées. Les critères suivants doivent être recherchés :

- douleur fluctuante ou non avec l'état moteur,

- douleur prédominante sur la partie du corps la plus atteinte,

- amélioration ou non par les médicaments dopaminergiques.

-› La prise en charge thérapeutique de ces symptômes est souvent difficile ; les douleurs par excès de nociception nécessitent une adaptation du traitement dopaminergique, les douleurs de type neuropathique le recours à certains antiépileptique ou antidépresseurs.

Le kinésithérapeute va aider à prévenir les déformations articulaires, améliorer l’amplitude des mouvements et leur rapidité, enseigner une gymnastique personnelle autonome biquotidienne avec exercices d’étirement musculaire qui peuvent contribuer au soulagement des douleurs mécaniques périphériques.

Dr Catherine Freydt (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr) sous la direction scientifique du Pr Pierre Krystkowiak (Service de neurologie, CNRS UMR 8160, CHU Amiens-Picardie Place Victor Pauchet - 80054 Amiens Cedex)

Source : lequotidiendumedecin.fr