Mme C., 51 ans, secrétaire, vient en consultation car elle présente depuis peu des modifications douloureuses de la coloration des doigts, de façon bilatérale. Parmi ses antécédents, on ne retiendra qu’une hypertension artérielle traitée depuis 5 ans par diurétique. Lors de la consultation son PA est à 13/7.
Quelques données épidémiologiques
Le phénomène de Raynaud (ou syndrome de Raynaud) est un acrosyndrome vasculaire très fréquent. La prévalence est de 11 % chez la femme et 8% chez l’homme. 80% sont idiopathiques et bénins (1). Le médecin confronté à ce genre de situation doit savoir reconnaître ce phénomène, le distinguer des autres acrosyndromes vasculaires (érythermalgie, acrocyanose, engelures) et suspecter les formes secondaires.
Quels sont les signes cliniques ?
Le phénomène de Raynaud (PR) correspond à une réponse vasospastique exagérée des extrémités (doigts des mains, parfois pieds, nez, oreilles) déclenchée par le froid, une émotion.
Il s’agit d’un diagnostic d’interrogatoire (le trouble est rarement constaté lors de la consultation). Habituellement, l’évolution se déroule en 3 phases :
- ischémique ou syncopale : blanche et froide, de quelques minutes ou plus, parfois totalement isolée,
- asphyxique : bleue, accompagnée de dysesthésies le plus souvent douloureuses, de 15 à 30 minutes,
- de récupération ou reperfusion : rouge, doigts tuméfiés, rouges et douloureux, de quelques minutes.
Quelle démarche étiologique ?
Dans la majorité des cas le PR est primitif mais il est parfois le sympt=C 3me d’une pathologie générale (lupus, sclérodermie, Gougerot-Sjögren, dermatomyosite, vascularite..), endocrinienne (phéochromocytome,..), néoplasique, d’une artériopathie dégénérative, inflammatoire ou traumatique (syndrome du défilé costoclaviculaire,..), d’origine médicamenteuse (bêtabloquants,..), ..
Le diagnostic différentiel entre le phénomène de Raynaud idiopathique (ou maladie de Raynaud) et le phénomène de Raynaud secondaire est d’abord orienté par la clinique. L'anamnèse recherche une exposition particulière (solvant, silice, eau de javel,..), un RGO, des arthralgies ou une atteinte cutanée, une dyspnée, des antécédents obstétricaux et familiaux.., L’examen des mains : télangiectasies, séquelles éventuelles de troubles trophiques, aspect des doigts, (boudinés et siège d’arthralgies dans la syndrome de Sharp, infiltrés dans la sclérodermie), la palpation des pouls, la manœuvre de Allen, ; l’examen général enfin à la recherche des signes classiques de sclérodermie ou de lupus notamment.
Le diagnostic de maladie de Raynaud repose sur certains critères (2) :
- crises vasospastiques précipitées par le froid ou un stress émotionnel,
- crises symétriques touchant les 2 mains,
- absence de troubles trophiques (gangrène ou nécrose),
- aucun symptôme ou signe suggestif d’une cause secondaire,
- capillaroscopie normale,
- absence de syndrome inflammatoire,
- recul évolutif de plus de 2 années,
- recherche d’auto-anticorps négative, notamment AAN
Un âge de survenue supérieur à 30 ans, un phénomène de Raynaud bilatéral de localisation asymétrique ou de topographie digitale atypique (atteinte du pouce en dehors de l’ensemble des doigts de la main, atteinte isolée du 5ème ou des 2 derniers doigts), des épisodes intenses et douloureux associés à des manifestations trophiques de type infarctus pulpaire ou nécrose digitale, sont autant de signes qui feront suspecter un phénomène de Raynaud secondaire(1,3)
L’étiologie la plus fréquente est la sclérodermie évoquée en présence de télangiectasies périunguéales.
Un PR unilatéral doit faire évoquer une cause loco-régionale telle qu’un syndrome du défilé thoraco-brachial, un syndrome du marteau hypothénar ou une maladie liée à l’utilisation d’engins vibrants.
Quels examens complémentaires ?
Lors de l’apparition d’un phénomène de Raynaud, 50% des connectivites ou maladies de système (sclérodermie, lupus,...) sont déjà cliniquement présentes, 50% d’entre elles se manife steront ultérieurement (1).
Ce n’est que lorsque l’enquête étiologique est négative et au terme de 2 années de surveillance d’un PR d’allure primitive que le diagnostic de maladie de Raynaud peut être retenu. Il arrive cependant qu’une sclérodermie vienne compliquer un PR d’apparence banale évoluant depuis plusieurs années. C’est la raison pour laquelle un bilan minimum est justifié chez toute personne consultant pour un PR et dont l’examen clinique est négatif.
Ce bilan doit comporter a minima un hémogramme, une recherche d’anticorps anti-nucléaires (AAN) en IFI et une capillaroscopie. Si le taux d’AAN est supérieur ou égal à 1/100 une recherche spécifique d’anticorps sera effectuée la plupart du temps par un spécialiste (anti-centromères, anti Scl 70, antiDNAnatifs,...)(4).
La capillaroscopie périunguéale, examen non invasif et peu coûteux, permet de dépister une connectivite en mettant en évidence une microangiopathie sous forme d’une raréfaction et/ou d’une désorganisation du lit capillaire périunguéal, associé A 0 la présence de mégacapillaires.
En cas de troubles trophiques, l’exploration sera complétée par d’autres examens (échodoppler artériel, radiographie des mains et des poumons, cryoglobuline, antiphospholipides, CPK..) généralement prescrits par le spécialiste.
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