Endocrinologie

L’HYPOTHYROÏDIE

Publié le 20/04/2018
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Hypothyrodie

Hypothyrodie
Crédit photo : SPL/PHANIE

L’hypothyroïdie est définie comme une diminution de la production des hormones thyroïdiennes. Elle est le plus souvent acquise secondaire à une atteinte de la glande thyroïde (hypothyroïdie primaire ou périphérique). Il s’agit de la pathologie thyroïdienne la plus fréquente, touchant environ 5 % de la population (1). En 2004, la prévalence d’une TSH supérieure ou égale à 4 mUI/mL était estimée à 4,2 % des hommes (45-60 ans), 7,6 % des femmes de 35 à 44 ans et 11,8 % des femmes de 45 à 60 ans (étude SUVIMAX (2).

Le diagnostic biologique repose sur le dosage de la thyréostimuline hypophysaire (TSH) élevée en cas d’hypothyroïdie d’origine basse (figure 1). Les hormones thyroïdiennes sont abaissées dans la forme patente et normales dans l’hypothyroïdie frustre.

Le traitement est simple, certaines situations nécessitent plus de vigilance (femmes enceintes, sujets âgés ou coronariens). Les maladies auto-immunes thyroïdiennes sont les causes les plus fréquentes mais, de nouvelles étiologies apparaissent, suite aux nouvelles thérapeutiques en oncologie telles que les immunothérapies.(Rétrocontrôle négatif) (figure 1).

LES ASPECTS CLINIQUES

Les symptômes

La clinique de l’hypothyroïdie est très variable, fonction de l’intensité du déficit et du patient. L’hypothyroïdie est souvent découverte à un stade précoce sur un dosage systématique de TSH, ou sur des symptômes peu spécifiques (asthénie, prise de poids).

► Les symptômes sont en lien avec un hypométabolisme. Une asthénie aussi bien physique que psychique est présente dans 80 % des cas (3). Il peut s’y associer une constipation ainsi qu’une frilosité. Sur le plan cardio-vasculaire, une bradycardie est possible ainsi qu’une augmentation modérée de la pression artérielle diastolique et une diminution de la pression artérielle systolique. La perte des effets inotrope et chronotrope des hormones thyroïdiennes occasionne une diminution du débit cardiaque de repos. La vascularisation des tissus diminue en lien avec une augmentation des résistances périphériques.

► L’hypothyroïdie est associée à une augmentation de l’athérosclérose et de la maladie coronarienne, possiblement secondaire à l’hypercholestérolémie et à l’augmentation de la pression artérielle.

Sur le plan neurologique, il peut être noté une diminution des performances intellectuelles, ainsi qu’un syndrome dépressif. Le sujet âgé peut présenter des troubles de la vigilance ou un tableau de démence. Les crampes sont fréquentes.

L'hypothyroïdie peut occasionner une dysménorrhée chez la femme, une hypofertilité et une baisse de la libido dans les deux sexes.

Une étude comparant la symptomatologie entre sujets atteints et sujets contrôles montre la difficulté de trouver des signes sensibles et spécifiques (4).

L'examen clinique

À l’examen clinique, peuvent être présents des signes d’infiltration cutanéo-muqueuse, ou myxœdème. Le visage rond paraît infiltré, bouffi avec des paupières gonflées. La peau est sèche, froide, pâle et peut présenter une coloration jaunâtre appelée « carotinodermie ». Les phanères peuvent également être atteints, avec des chutes de cheveux, des ongles cassants et une dépilation (signe de la « queue du sourcil »).

Les caractéristiques cliniques de la palpation de la glande dépendent de l’étiologie de l'hypothyroïdie. La thyroïde peut être augmentée de volume (maladie d’Hashimoto) ou atrophique. Elle est souvent ferme.

Le coma myxœdémateux, devenu exceptionnel, associe un coma calme profond à une hypothermie et une bradycardie. Un épanchement péricardique et/ou une dilatation du myocarde assourdissent les bruits du cœur.

LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

En cas de suspicion d'hypothyroïdie, le dosage de première intention est la TSH. Le prélèvement peut être fait tout au long de la journée ; les variations nycthémérales n'ont pas de répercussion en clinique.

► D’autres signes biologiques peuvent accompagner l’hypothyroïdie :

– Une anémie modérée normocytaire et normochrome

– Des troubles de la coagulation : diminution du facteur VIII, mais aussi des facteurs II, VII, X

– Une hypercholestérolémie (élévation du LDL-cholestérol et baisse du HDL-cholestérol) et une hypertriglycéridémie

ÉTIOLOGIE

Les différentes étiologies

► En France, la cause la plus fréquente (60 % des cas) est l’atteinte auto-immune. Elle se traduit par une infiltration lymphocytaire de la glande thyroïde décrite pour la première fois en 1912 par le japonais Hashimoto. Deux pathologies sont regroupées sous cette entité.

En présence d’un goitre, il s’agit d’une thyroïdite lymphocytaire d’Hashimoto. En l’absence de goitre, on parle alors de thyroïdite lymphocytaire chronique atrophique, qui correspond probablement à l’évolution naturelle de la thyroïdite d’Hashimoto. Les anticorps anti-thyroperoxydase sont positifs chez 95 % des patients (5). Les anticorps anti thyroglobuline sont plus rarement positifs, dans 60 à 80 % des cas. Ils sont également moins sensibles car présents chez des individus sains. Au fil du temps, le titre des anticorps diminue, parallèlement à la diminution de la masse thyroïdienne fonctionnelle.

La thyroïdite du post-partum, touche environ 5 % des femmes dans l’année suivant l’accouchement avec un pic à 4 mois de post-partum. Elle est dans un tiers des cas précédée d’une phase d’hyperthyroïdie, qui peut être retrouvée à l’interrogatoire. Dans 80 % des cas il s’agit d’une atteinte transitoire, justifiant un essai d’arrêt du traitement à un an. Le risque de récidive lors des grossesses suivantes est de 70 %.

La iatrogénie est la deuxième cause la plus fréquente (27 % des patients).

L’hypothyroïdie peut être secondaire à la prise d’iode radioactive 131 ou à la chirurgie thyroïdienne. La radiothérapie cervicale, y compris à distance de l’irradiation, peut provoquer une hypothyroïdie. Une surveillance régulière et prolongée de la TSH est donc recommandée chez tout sujet ayant eu une irradiation cervicale antérieure.

Le lithium et les cytokines sont pourvoyeuses d’hypothyroïdie. L’apparition d’une hypothyroïdie sous amiodarone ne nécessite pas l’arrêt de celle-ci. Des médicaments utilisés plus récemment en oncologie tels que les inhibiteurs des tyrosines kinases et les immunothérapies sont des nouvelles causes d’insuffisance thyroïdienne.

La carence en iode est, en France, une cause rare d’hypothyroïdie.

Diagnostic étiologique

► L’enquête étiologique doit d’abord rechercher des antécédents ou des thérapeutiques pouvant expliquer l’hypothyroïdie.

► En leur absence, il convient de doser les anticorps anti-thyroperoxydase (antiTPO) et de réaliser une échographie thyroïdienne.

Les anticorps antithyroglobuline ne sont recommandés qu’en cas de négativité des anticorps anti-thyoperoxydase. Leur dosage ne doit pas être renouvelé, leur surveillance n’ayant pas d’intérêt lors du suivi.

La scintigraphie thyroïdienne n’a pas d’indication dans les hypothyroïdies.

► La recherche d’hypothyroïdie est recommandée dans les dyslipidémies ne s’améliorant pas sous traitement, dans le bilan initial de démence et de dépression, ainsi qu’en cas de constipation tenace.

TRAITEMENT

Mise en route du traitement

Le traitement de toute hypothyroïdie repose sur la prise de lévothyroxine synthétique per os (T4).

La dose nécessaire se situe aux alentours de 1,7 µg/kg/jour. La posologie doit ensuite être adaptée à chaque patient en fonction du taux de TSH.

► Une prise unique, le matin à jeun, à distance de toute alimentation (au moins 20 à 30 minutes avant le petit-déjeuner) est préconisée. La prise à jeun permet de diminuer les variations d’absorption et d’améliorer l’équilibre hormonal. La lévothyroxine ne doit pas être prise de façon concomitante à des médicaments diminuant son absorption telle que les inhibiteurs de la pompe à protons, les supplémentations en calcium ou en fer.

► L'institution d'une opothérapie substitutive augmente le débit cardiaque et peut démasquer une maladie coronarienne connue ou non. Pour choisir la posologie initiale, l’âge du patient ainsi que la présence de comorbidités sous-jacentes sont à prendre en compte. Chez un patient jeune sans atteinte cardiaque, le traitement peut être débuté à dose efficace d’emblée.

► Chez le patient âgé, la dose nécessaire se situe plutôt aux alentours de 1,3 µg/kg/jour. Dans cette population ainsi que chez les coronariens, il est préférable de débuter un traitement par dose faible en augmentant les doses par palier de 15 jours.

Certains auteurs préconisent la mise concomitante de lévothyroxine et de triiodothyronine (T3). Cependant, il a été mis en évidence une majoration des palpitations sans bénéfice clinique.

Polémique autour du Lévothyrox®

Le Lévothyrox® correspond à la lévothyroxine produite par le laboratoire Merck. 2,3 millions de personnes en France sont traitées par ce médicament. En 2012, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a demandé un changement de formule au laboratoire afin d’améliorer la stabilité de celui-ci. Les excipients ont été modifiés avec remplacement, entre autres, du lactose par du mannitol et ajout d’une faible dose d’acide citrique anhydre.

► À partir de mars 2017, la nouvelle formule est apparue progressivement dans les officines. À compter de juin 2017, les patients ont rapporté de nombreux effets indésirables. L’ANSM les a recensés de mars à novembre 2017. Lors de son rapport du 31 janvier 2018, 26 848 cas étaient comptabilisés. Ce sont donc 0.75 % des patients traités par Lévothyrox® qui ont signalé des effets indésirables à l’ANSM, même si d’autres patients ont pu en souffrir sans les déclarer. Les effets les plus fréquemment décrits étaient l’asthénie, les céphalées, l’insomnie et les vertiges. Ces effets étaient déjà rapportés sous Lévothyrox® ancienne formule, cependant à une fréquence inférieure.

1 745 cas comportaient un suivi suffisant du bilan thyroïdien. Chez ces patients, un tiers présentait un déséquilibre hormonal. Lorsque l’équilibre hormonal est resté stable, nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’explication scientifique validée concernant la symptomatologie décrite.

En cas de symptomatologie sous nouvelle formule de Lévothyrox®, un contrôle de la TSH permet de s’assurer que la nouvelle formule n’a pas entraîné de déséquilibre hormonal.

Dorénavant, plusieurs médicaments à base de lévothyroxine sont à la disposition des patients ayant souffert d’effets indésirables. La lévothyroxine Henning® (Sanofi), ainsi que le Thyrofix® (Unipharma) sont destinés à rester sur le marché français. L’ancienne formule de Lévothyrox® (actuellement Euthyrox®), doit disparaître du marché courant 2018 (tableau 2). À partir d’avril 2018, le laboratoire Génévrier introduira sur le marché une nouvelle formule TCAPS, comportant un seul excipient : la glycérine. Ces capsules molles ne seront initialement pas remboursées (le prix estimé est de 9 euros par mois).
Il est à noter que la lévothyroxine en gouttes est à réserver aux enfants et ne devrait pas être prescrite à des adultes. De plus, la prise de ce traitement est plus contraignante : produit à garder au froid et nombre de gouttes à compter précisément à chaque prise.

Les patients sans symptomatologie sous Lévothyrox® nouvelle formule sont encouragés à poursuivre leur traitement.

SURVEILLANCE

La surveillance du traitement repose sur le dosage de la TSH. Les normes du laboratoire, utiles dans la majorité des situations, ne prennent pas en compte l’âge, le sexe ou l’origine ethnique du patient. Si l’on dispose d’un dosage préexistant à la pathologie, il permet d’indiquer la zone d’équilibre physiologique du patient.

Le dosage de TSH est à réaliser 4 à 6 semaines après l’introduction de la lévothyroxine. Il doit être répété 6 semaines après chaque modification de dose. Une fois l’objectif thérapeutique obtenu, la surveillance de la TSH est semestrielle ou annuelle.

La cause la plus de fréquente de déséquilibre hormonal sous traitement est la mauvaise observance. Une malabsorption (maladie cœliaque) ou la prise de médicaments diminuant l’absorption (6) peuvent également être en cause.

CAS PARTICULIERS

Hypothyroïdie fruste

L’hypothyroïdie fruste ou infra-clinique est définie par une TSH augmentée associée à des taux d’hormones thyroïdiennes libres T3 et T4 normales, persistant durant au moins un moins. En cas de suspicion, la première étape est le contrôle du bilan thyroïdien à 1 mois. Environ un tiers des hypothyroïdies frustes va évoluer vers une hypothyroïdie avérée. Un autre tiers verra son taux de TSH se normaliser spontanément.

Si la TSH s’élève au-dessus de 10 mUi/L, elle favorise la dysfonction diastolique et l’insuffisance cardiaque ainsi que des troubles neurologiques. Un traitement est donc recommandé si la TSH est supérieure à 10mUI/L.

Il n’y a pas été démontré de bénéfices cliniques à traiter lorsque la TSH reste inférieure à 10mUi/L (7). La conférence de consensus de l’HAS de 2007 préconise un traitement en cas de positivité des anticorps anti-TPO en raison du risque de conversion en hypothyroïdie avérée (8). Il n’est pas recommandé de débuter un traitement lorsque la TSH est entre 4 et 10 mUi/L en l’absence d’anticorps anti-TPO.

Femme enceinte

Pendant la grossesse, l'augmentation du taux de thyroxine binding globulin (TBG) sous l'effet des estrogènes et l'augmentation du volume de distribution occasionne une augmentation des besoins et donc de la production des hormones thyroïdiennes (en particulier pendant le premier trimestre).

Les besoins en lévothyroxine des femmes enceintes hypothyroïdiennes augmentent d'environ 30 % à 50 % entre le début et la fin de la grossesse.

Chez la femme déjà traitée par lévothyroxine, une augmentation de posologie d’au moins 30 % est nécessaire précocement puis pendant toute la durée de la grossesse. L’objectif thérapeutique est d’obtenir une TSH entre la norme inférieure du laboratoire et 2,5 mUi/L.

Chez la femme non traitée, toute TSH supérieure à 4mUI/L, doit entraîner la mise sous lévothyroxine. Entre 2,5 et 4mUi/L, le traitement peut être proposé en cas de présence des anticorps anti-TPO (8) (9).

Hypothyroïdie centrale ou insuffisance thyréotrope

L’hypothyroïdie centrale est liée à un déficit de l’hormone hypophysaire TSH. La symptomatologie est comparable, souvent associée à d’autres déficits hormonaux. Le bilan hormonal montre une TSH normale ou abaissée avec des hormones périphériques abaissées. Le seul dosage de la TSH ne permet pas le diagnostic. Mais l'incidence faible (50 cas/1 million d'habitants) ne justifie pas un dépistage systématique.

Les causes principales sont tumorales (adénomes hypophysaires, craniopharyngiome), vasculaires (apoplexie hypophysaire, syndrome de Sheehan), iatrogènes (chirurgie ou radiothérapie de la région hypothalamo-hypophysaire).

Le traitement repose également sur la prise de lévothyroxine. Le suivi se fait par contre sur l’obtention d’une T4 dans le tiers supérieur de la norme. La TSH ne permet pas d'adapter la posologie de lévothyroxine et ne doit pas être dosée. 

Bibliographie
1. Golden SH, Robinson KA, Saldanha I, Anton B, Ladenson PW. Prevalence and Incidence of Endocrine and Metabolic Disorders in the United States: A Comprehensive Review. J Clin Endocrinol Metab. juin 2009;94(6):1853‑78.
2.         Valeix. Statut thyroïdien et fréquences des dysthyroïdies chez les adultes inclus dans l’étude SU.VI.MAX en 1994-1995. Annales d’endocrinologie. déc 2004;
3.         Delemer B, Aubert J-P, Nys P, Landron F, Bouee S. An observational study of the initial management of hypothyroidism in France: the ORCHIDEE study. Eur J Endocrinol. 1 déc 2012;167(6):817‑23.
4.         Zulewski H, Müller B, Exer P, Miserez AR, Staub J-J. Estimation of Tissue Hypothyroidism by a New Clinical Score: Evaluation of Patients with Various Grades of Hypothyroidism and Controls 1. J Clin Endocrinol Metab. mars 1997;82(3):771‑6.
5.         Caturegli P, De Remigis A, Rose NR. Hashimoto thyroiditis: Clinical and diagnostic criteria. Autoimmun Rev. avr 2014;13(4‑5):391‑7.
6.         Carvalho GA, Paz-Filho G, Mesa Junior CO, Graf H. MANAGEMENT OF ENDOCRINE DISEASE: Pitfalls on the replacement therapy for primary and central hypothyroidism in adults. Eur J Endocrinol. 28 févr 2018;EJE-17-0947.
7. Rodondi N, den Elzen WPJ, Bauer DC, Cappola AR, Razvi S, Walsh JP, et al. Subclinical Hypothyroidism and the Risk of Coronary Heart Disease and Mortality. JAMA. 22 sept 2010;304(12):1365.
8.         HAS. HYPOTHYROÏDIES FRUSTES CHEZ L’ADULTE : DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE. avr 2007;
9.         Alexender E. Guidelines of the American Thyroid Association for the Diagnosis and Management of Thyroid Disease During Pregnancy and the Postpartum. 2017;

 

Dr Clotilde Saïe, Pr Laurence Leenhardt (unité thyroïde et tumeurs endocrines, hôpital Pitié Salpêtrière, Sorbonne université)

Source : lequotidiendumedecin.fr