Dermatologie

MANIFESTATIONS CUTANÉES VASCULAIRES AU COURS DE LA GROSSESSE

Publié le 07/04/2017
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Plusieurs manifestations cutanées à tropisme vasculaire se rencontrent ou se majorent au décours de la grossesse. Elles n’ont, la plupart du temps, aucune conséquence pour la santé de la mère et du futur enfant.
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Crédit photo : SPL/PHANIE

Marianne, 27 ans, consulte car elle présente depuis quelques semaines des lésions arborescentes de couleur violette au niveau de la partie supérieure du thorax (photo 1). Elle a consulté un confrère qui lui a expliqué la nécessité d’effectuer un bilan biologique à la recherche d’une dysfonction hépatique. Il lui a aussi signifié une possible intoxication alcoolique pouvant être délétère pour son futur bébé (elle est enceinte : 12 semaines d’aménorrhée). Le bilan hépatique et les sérologies des hépatites sont normaux. Le diagnostic d’angiome stellaire avait bien été posé, mais l’origine est à mettre en relation avec la grossesse, et non avec une dysfonction hépatique.

ANGIOMES STELLAIRES ET GROSSESSE

Les angiomes stellaires se caractérisent par une partie centrale qui prend l’aspect d’une papule vasculaire surélevée et une partie périphérique constituée d’arborescences vasculaires de fin calibre.

La pression de la papule centrale entraîne un blanchissement des arborescences périphériques. De plus, il est possible d’observer un caractère pulsatile de ces formations. On les rencontre le plus souvent au niveau du membre supérieur : partie supérieure du thorax, visage, mains, bras et avant-bras.

► Origine. Le plus souvent, ces lésions s’observent au décours d’une insuffisance hépatocellulaire.

Cependant, au cours de la grossesse, des modifications vasculaires sont également observées, et elles expliquent le développement de ces angiomes stellaires : - une compression gravidique de l’axe ilio-cave ; - une réduction du tonus des muscles lisses périvasculaire responsable d’une réduction de la résistance vasculaire artérielle ;

- une angiogenèse augmentée sous l’impulsion de VEGFa (Vascular Endothelial Growth Factor), PIGF (Placenta Growth Factor), et les estrogènes.

► Caractéristiques cliniques. Les angiomes stellaires sont observés dans une fourchette comprise entre 30 et 60 % chez les patientes gravides ; cela en dehors de toute insuffisance hépatocellulaire. Le plus souvent ils se développent entre la 10e et 25e semaine d’aménorrhée.

Leur localisation préférentielle est la même que celle observée dans les autres situations : visage, partie supérieure du thorax, bras et avant-bras. Ces territoires sont ceux qui sont en rapport avec le drainage de la veine cave supérieure. Leur nombre augmente très progressivement au décours de la grossesse.

La présence d’angiomes stellaire est plus fréquente chez les patientes ayant une peau blanche (70 % des cas) que celles ayant une peau noire (11 %). Ces formations disparaissent à la suite de l’accouchement. Dans plus de 75 % des cas, elles régressent deux mois après la délivrance.

 Le traitement. Compte tenu de leur totale innocuité, il est conseillé de ne pas traiter ces lésions. Cependant, il est possible d’effectuer une électrocoagulation ou de recourir au laser pulsé. 

LES AUTRES MODIFICATIONS CUTANÉES VASCULAIRES

 L’érythème palmaire. On l’observe au 1er trimestre de la grossesse chez près de 27 % des patientes gravides. Cette dermatose est plus fréquente chez les patientes blanches (75 % des cas) que les noires.

Deux formes existent : une forme qui prédomine au niveau des éminences thénars et hypothénars, et une forme diffuse qui touche la totalité de la paume.

Deux facteurs contribuent à son développement : l’hyperthyroïdie et la congestion veineuse.

► Les angiomes plans ou tubéreux sont observés dans 5 % des cas en fin du premier trimestre de grossesse. Ces formations peuvent persister après l’accouchement.

► La congestion veineuse. Deux signes illustrent cet état : celui de Jacquemier (varices du vagin) et celui de Chadwick (teinte bleue de la muqueuse génitale).

► Une majoration des varices (dans 40 % des cas). Elles sont observées au niveau des membres inférieurs, de la région génitale et périnéale. Leur survenue est à mettre en relation avec des facteurs héréditaires, posturaux, une hyperpression veineuse et une fragilité du tissu élastique. Elles apparaissent au 2e mois de la grossesse et disparaissent de manière incomplète 3 mois après l’accouchement.

► L’instabilité vasomotrice qui se caractérise par des périodes associant pâleur et érythème. Il est possible, dans ces cas, de mettre en évidence un érythème réticulé des membres inférieurs (cutis marmorata).

► Les œdèmes des paupières, de la face et des membres inférieurs de couleur rose, et ne prenant pas le godet. On les rencontre en fin de grossesse, et ils doivent nous faire réfléchir au diagnostic différentiel de prééclampsie.

► Un purpura déclive peut être observé en fin de gestation. Il est secondaire à une fragilité et une plus grande perméabilité des capillaires.

Bibliographie

1 - Roger D, Baudrie JL, Vaillant L, Lorette G. Peau et grossesse. Encyclopédie médico-chirurgicale 2001 ;  98- 858-A-10.
2 - Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles.
Ed. Elsevier Masson 2017.
3 - Zerouali A, Zaraa I, Trojjet S et al. Modifications physiologiques de la peau au cours de la grossesse. La Presse médicale 2011 ; 40 : e-17- e-21.
4 - Habif TP. Maladies cutanées. Diagnostic et traitement. Ed. Elsevier 2008. 

 

FRANCES Pierre médecin généraliste 1 rue Saint Jean Baptiste 66650 Banyuls sur mer. SANSIQUIER Martin interne en médecine générale 34000 Montpellier. JEANNOU Bastien interne en médecine générale 34000 Montpellier. RANGER Marine externe 34000 Montpellier.

Source : lequotidiendumedecin.fr