L’objectif du traitement dans le cadre du diabète de type 2 est de juguler l’hyperglycémie et prévenir l’apparition des complications micro- et macroangiopathiques. Au vu de l’épidémie mondiale du diabète, l’enjeu économique est de taille et cela implique une utilisation judicieuse des moyens thérapeutiques existants pour limiter les dépenses liées à la prise en charge du diabète, sans oublier que l’efficacité, la tolérance et le bénéfice cardio-vasculaire doivent être les principaux atouts des médicaments hypoglycémiants.
LE CONTEXTE
La physiopathologie du diabète de type 2 est bien connue et caractérisée par trois anomalies métaboliques(1) :
- un déficit de la fonction bêtacellulaire,
- un état d’insulinorésistance au niveau des tissus périphériques (muscles et tissu adipeux)
- un état d’insulinorésistance hépatique.
L’homéostasie glucidique
La conséquence de ces anomalies métaboliques est une production hépatique accrue de glucose et une utilisation diminuée du glucose au niveau des tissus périphériques. Pour ramener la glycémie à des taux normaux, il convient de réduire la production hépatique du glucose et de sensibiliser les tissus périphériques à l’action de l’insuline. Par quels moyens ? Par des médicaments qui stimulent la sécrétion d’insuline résiduelle, car l’insuline freine la production hépatique du glucose et augmente son utilisation et par des mesures qui rétablissent l’insulinosensibilité, des mesures hygiéno-diététiques et/ou pharmacologiques.
Il y a quelques années, le traitement du diabète de type 2 était relativement simple avant la mise éventuelle à l’insuline, car il faisait appel seulement à deux classes thérapeutiques : les biguanides (des insulinosensibilisateurs) et les sulfamides hypoglycémiants (des insulinosécréteurs). Le contrôle glycémique était insuffisant car ces types de médicaments agissent essentiellement au niveau de la glycémie à jeun et moins sur la glycémie postprandiale.
Or, la détérioration de l’homéostasie glucidique se fait en trois étapes successives (2) de gravité croissante. La première étape est caractérisée par la perte du contrôle postprandial pour des diabètes d’une durée moyenne de 4 ans. La deuxième étape implique une détérioration du contrôle glycémique qui précède et qui suit le petit-déjeuner et concerne les diabètes d’une durée moyenne d’évolution de l’ordre de 8 ans. La troisième et dernière étape se traduit par une hyperglycémie basale à la fois en période nocturne et interprandiale et intéresse les diabètes qui durent depuis plus de 10 ans.
L’évolution de l’arsenal thérapeutique
Ainsi, l’arsenal thérapeutique pour la prise en charge de la glycémie postprandiale était insuffisant. L’apparition sur le marché de la classe des inhibiteurs des alpha-glucosidases (acarbose) et des glinides (repaglinide) a comblé ce manque. Malgré cela, comme le diabète de type 2 est une maladie évolutive, l’utilisation de ces classes de médicaments s’est avérée limitée, avec un échappement thérapeutique progressif. La sortie des glitazones, médicaments de l’insulinorésistance, a apporté des solutions sans résultats spectaculaires toutefois et mais au prix d’une prise de poids, d’œdèmes, voire d’insuffisance cardiaque.
= La classe des incrétinomimétiques est la dernière apparue dans la catégorie des antidiabétiques. Elle a été développée à partir de « l’effet incrétine ». En quoi consiste cet effet ? Dans les années soixante, des chercheurs ont mis en évidence une différence de réponse insulinique après l’administration orale ou intraveineuse de glucose. C’est cette différence de sécrétion insulinique que l’on appelle « l’effet incrétine » (3). Deux hormones sont impliquées : le glucagon like peptide 1 (GLP-1) et le glucose-dependent insulinotropic polypeptide (GIP). Ces hormones sont sécrétées par l'intestin en réponse à l'alimentation et stimulent la sécrétion d'insuline en réponse au glucose. On estime qu'environ 50 % de la sécrétion d'insuline en réponse à un repas est liée à « l'effet incrétine ». Le GLP-1 stimule l'insulinosécrétion et freine le glucagon de façon glucodépendante et a un effet trophique sur la masse ß cellulaire. Par ailleurs, le GLP-1 ralentit la vidange gastrique et régule la prise alimentaire et l'appétit. Le GLP-1 est rapidement dégradé par une enzyme, la dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4). Dans le diabète de type 2, « l'effet incrétine » est très altéré en rapport avec un déficit en GLP-1.
Deux approches thérapeutiques ont été développées : les analogues du GLP-1 et les inhibiteurs de la DPP-4. Ces derniers, hautement sélectifs, réduisent la dégradation endogène du GLP-1 et induisent ainsi des effets similaires au GLP-1 avec moins d'effets secondaires.
L’apparition progressive de nouvelles molécules antidiabétiques rend la tâche plus difficile concernant le choix et le moment de la mise en place de ces médicaments, mais offre heureusement des opportunités d’une bien meilleure prise en charge des diabétiques de type 2.
LES ANALOGUES DU GLP-1
Les modifications de structure de ces analogues par rapport au GLP-1 humain ralentissent ou suppriment la dégradation par la DPP-4.
La prescription des analogues du GLP-1 s’accompagne d’une baisse de l’HbA1c de 1 % en moyenne et d’une perte pondérale de 2-3 kg en moyenne. L’efficacité du traitement par les agonistes du GLP-1 est semblable à celle de l’insuline dans le diabète de type 2, mais avec une perte de poids et non pas une prise de poids comme c’est souvent le cas sous insuline (4).
-› Le premier analogue du GLP-1 commercialisé en France a été l’exénatide. L’analogie de structure avec le GLP-1 est de 53 %. Comme le GLP-1, l’exénatide stimule la sécrétion d’insuline et diminue la sécrétion du glucagon de façon glucodépendante ; de même, elle ralentit la vidange gastrique, diminue l’appétit et la prise alimentaire. La demi-vie est de 2,4 heures et l’administration se fait par voie sous-cutanée grâce à un stylo prérempli semblable aux stylos d’insuline.
=La dose de démarrage est de 5 µg x 2/jour pendant un mois, pour tester la tolérance, puis une dose de 10 µg x 2/jour est préconisée pour atteindre l’effet optimal.
=Les principaux effets secondaires sont des nausées voire des vomissements, surtout en début du traitement avec une amélioration progressive de la symptomatologie après quelques semaines, mais avec persistance dans certains cas. Bien que quelques cas de pancréatite aient été décrits sous traitement par exénatide, la plupart résolus avec l’arrêt du traitement, des données récentes ne semblent pas permettre d’incriminer un risque significatif de pancréatites.
=L’association de l’exénatide à la metformine n’induit pas d’hypoglycémie. Par contre, l’association avec des sulfamides hypoglycémiants peut occasionner des hypoglycémies, ce qui nécessite généralement une diminution de moitié de la posologie du sulfamide. Le traitement par exénatide est indiqué en association avec la metformine et/ou un sulfamide hypoglycémiant (SH). L’exénatide est contre-indiquée en cas de grossesse ou d’allaitement, ainsi qu’en cas d’insuffisance rénale sévère.
-› Le liraglutide est un autre analogue du GLP-1, disponible en France depuis quelques semaines. Il s’agit d’un analogue du GLP-1 humain avec une homologie de structure de 97 %.
= La demi-vie est de 11-15 heures avec une durée d’action de 24 heures, plus longue que pour l’exénatide, ce qui permet de se contenter d’une injection/jour en sous-cutané. Le mécanisme d’action est le même que pour l’exénatide. Afin d’améliorer la tolérance gastro-intestinale, le liraglutide est initié à la dose de 0,6 mg par jour. Après au moins une semaine de traitement, la dose est augmentée à 1,2 mg. En fonction de la réponse clinique, après au moins une semaine de traitement, certains patients pourront être amenés à bénéficier d’une augmentation de la dose de 1,2 mg à 1,8 mg afin d’obtenir un meilleur contrôle glycémique. Une dose quotidienne supérieure à 1,8 mg n’est pas recommandée.
= L’effet au niveau pondéral est semblable à celui de l’exénatide avec un effet propre au niveau de la pression artérielle systolique, sans que le mécanisme en soit encore bien clair.
= Le liraglutide est indiqué dans le traitement du diabète de type 2 en association avec :
- la metformine ou un sulfamide hypoglycémiant chez les patients n’ayant pas obtenu un contrôle glycémique adéquat,
- la metformine et un sulfamide hypoglycémiant ou la metformine et une thiazolidinedione chez les patients n’ayant pas obtenu un contrôle glycémique adéquat sous ces bithérapies.
L’association au sulfamide hypoglycémiant peut exposer à des hypoglycémies, raison pour laquelle la dose de sulfamide doit être réduite généralement.
=Le liraglutide n’est pas indiqué pendant la grossesse ni l’allaitement, et chez les patients avec une insuffisance rénale modérée à sévère (clairance de la créatinine <60 ml/min). Les effets indésirables les plus fréquents sont gastro-intestinaux (nausées et vomissements) en début de traitement et ont tendance à s’estomper après plusieurs semaines de traitement.
=Une alerte avait été donnée sur une augmentation de la calcitoninémie voire un risque de néoplasie médullaire thyroïdienne. Les données issues des essais cliniques et les données expérimentales sont aujourd’hui rassurantes, en particulier du fait de l’absence de récepteur en GLP-1 sur les cellules thyroïdiennes humaines.
LES INHIBITEURS DE DPP-4
Les gliptines sont des inhibiteurs compétitifs de la DPP-4 et empêchent ainsi la dégradation du GLP-1. À ce jour, deux molécules sont commercialisées : la sitagliptine et la vildagliptine. La demi-vie de la sitagliptine est plus longue (12-14 heures) que celle de la vildagliptine (2,5 heures), ce qui permet une administration à une dose unique de 100 mg/jour le matin, par rapport à la vildagliptine qui est administrée à une dose d’HMG/jour.
-› La baisse du niveau d’HbA1c est en moyenne de 0,8 à 1 % (5).
= Les inhibiteurs de DPP-4 sont bien tolérés sur le plan digestif.
=Les effets indésirables les plus couramment observés sous sitagliptine sont les infections des voies respiratoires supérieures et avec la vildagliptine, les tremblements, les céphalées, des sensations vertigineuses et nausées. Les gliptines ne doivent pas être utilisées chez des patients ayant une insuffisance rénale modérée à sévère (clairance de la créatinine < 50 ml/min) et la vildagliptine ne doit pas être prescrite chez des patients ayant une insuffisance hépatique ou une insuffisance cardiaque (classe III ou IV NYHA).
=La sitagliptine est indiquée (AMM) en monothérapie orale si la metformine est contre-indiquée ou mal tolérée, en bithérapie en association à la metformine ou un sulfamide hypoglycémiant ou une glitazone, en trithérapie en association à la metformine et un sulfamide hypoglycémiant, enfin en association à l’insuline. Quant à la vildagliptine, elle peut être associée en bithérapie à la metformine, un sulfamide hypoglycémiant ou une glitazone ; mais non dans le cadre d’une trithérapie orale ni en association avec l’insuline.
LES INCRETINOMIMETIQUES EN PRATIQUE
Malgré un arsenal thérapeutique plus important qu’auparavant, si l’on compare les résultats observés lors de l’étude Entred 2007 (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) aux objectifs des recommandations (6), l’écart demeure encore important : pour l’équilibre glycémique, environ la moitié des patients en monothérapie et en bithérapie n’atteignent pas les objectifs (7). Si le rôle de la prise en charge hygiéno-diététique reste primordial, la stratégie pharmacothérapique ne doit pas être négligée. Est-ce que les nouvelles molécules pourront faire la différence en pratique dans l’atteinte des objectifs glycémiques ? Nous manquons aussi de recul quant à leur sécurité d’emploi à grande échelle et à long terme.
-› La place des incrétinomimétiques dans la prescription chez le diabétique de type 2 est différente selon qu’on considère les analogues du GLP-1 ou les gliptines(Tableau 1).
=Les gliptines ont leur place en bithérapie, car elles sont remboursées en association à la metformine ou à un sulfamide, donc elles se positionnent précocement dans l’escalade thérapeutique. Certes leur coût est supérieur aux associations classiques, mais la tolérance est meilleure, avec un risque moindre d’hypoglycémie et un effet neutre au niveau du poids. La sitagliptine a aussi l’avantage d’une utilisation à toutes les étapes, même en association à l’insuline, ce qui n’est pas le cas pour la vildagliptine.
= Concernant les analogues du GLP-1, l’exénatide est remboursé en trithérapie, en association à la metformine + SH. Quant au liraglutide, il est remboursé en bithérapie en association à la metformine ou SH et de même, en trithérapie, en association à la metformine + SH ou metformine + thiazolidinediones.
Si l’exénatide trouve sa place en trithérapie juste avant l’insuline, le liraglutide peut aussi être prescrit en bithérapie et en plus peut être associé à la metformine + glitazone, ce qui n’est pas le cas pour l’exénatide.
Le liraglutide peut s’administrer à n’importe quel moment de la journée en respectant un horaire à peu près stable, tandis que l’exénatide doit être administré dans l’heure qui précède le repas. La voie injectable et la tolérance médiocre au niveau digestif sont les principaux inconvénients des analogues du GLP-1, mais leur efficacité au niveau glycémique (de 1 à 1,5 % d’abaissement de l’HbA1c) et au niveau pondéral offre une bonne alternative thérapeutique. La perte de poids est souvent un objectif thérapeutique recherché et la baisse de l’HbA1c concorde à la perte de poids.
En outre, l’apparition des formes d’action plus longue comme le liraglutide et prochainement sans doute d’analogues d’action encore prolongée ouvre un plus large champ à leur usage.
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