Les maladies sexuellement transmissibles (MST) ou infections sexuellement transmissibles (IST) regroupent les chlamydiae, la gonococcie, la syphilis, les condylomes génitaux, et d’autres affections, non traitées ici, comme la lymphogranulomatose vénérienne, l’herpès, les hépatites B et C et le VIH.
Quelques notions essentielles
• Toute découverte d'une IST justifie la recherche d'une autre IST ; une co-infection est fréquente.
• Toutes les IST favorisent la transmission d'autres affections sexuellement transmissibles, notamment le VIH
• Il faut toujours penser aux sujets contact : tous les partenaires doivent être traités en même temps.
• Certaines IST se transmettent facilement par le sexe oral non protégé en particulier le gonocoque et la syphilis
• La prise en charge des IST doit être considérée comme une urgence
• Nombre de IST passent inaperçues ce qui favorise la transmission et l’extension de l’affection.
La prévention et le dépistage des IST sont essentiels et il faut penser à en parler à ses patients homosexuels ou faisant partie d’une population à risque (bisexuels, consommateurs de substances psychoactives, prises de risque sexuel…) (5).
Si communiquer sur ce sujet est plus aisé lorsque le motif de consultation est une pathologie génitale ou une prise de risque sexuel, d’autres occasions peuvent être propices. Même si ce n’est pas toujours simple, le sujet des IST est ainsi parfois délicat à aborder dans les populations de migrants.
Tous les jeunes sexuellement actifs (surtout en cas de partenaires multiples) sont exposés aux chlamydias et à HPV, parfois aussi au VIH. Un dialogue avec ses patients sur les pratiques sexuelles et leurs risques peut avoir un réel impact préventif.
CERVICITE ET URETRITES : CHLAMYDIAE TRACHOMATIS ET GONOCOQUE
Les deux agents infectieux les plus souvent isolés en France lors des urétrites ou cervicites non compliquées sont Neisseria gonorrhoae et Chlamydia trachomatis.
• Toute suspicion d'urétrite ou de cervicite doit être confirmée biologiquement pour confirmer le diagnostic, réaliser un antibiogramme et aussi surveiller l'épidémiologie de ces infections.
• Toute modification des secrétions vaginales doit être considérée comme suspecte en cas de rapport sexuel non protégé.
• Le traitement est dit « minute » c’est à dire en monodose sauf dans les cas de formes disséminées (salpingite, orchi-épididymite, prostatite, arthrite…). A noter que les localisations pharyngées ou rectales ne sont pas considérées comme des formes disséminées..
• Ce traitement est à administrer lors de la consultation, ce qui en améliore l’observance et limite la dissémination.
• On ne le rappelle jamais trop : traiter le ou les partenaires est impératif.
C. Trachomatis: diagnostiquer mais aussi dépister systématiquement chez les jeunes
Les chlamydiæ sont l'infection bactérienne sexuellement transmissible la plus fréquente. Des études récentes indiquent que 3,2 % des jeunes filles entre 18 et 25 ans, tranche d’âge où la prévalence est la plus élevée, sont porteuses de chlamydiae?; cette contamination pourrait atteindre 10 % dans certains départements. Chez les hommes, la prévalence maximale se situe entre 20 et 29 ans (8).
Les garçons ont des symptômes dans 50 % des cas seulement (écoulement urétral séreux peu abondant, gène urétrale, brûlures mictionnelles).
L'infection chez les jeunes filles passe totalement inaperçue dans 90 % des cas, se traduisant par une cervicite asymptomatique. Cette pauvreté de symptômes pose un réel problème car l’extension de la bactérie aux voies génitales hautes (salpingite) est dangereuse pour la fécondité féminine car pouvant être responsable à distance de stérilité tubaire, de grossesse extra-utérine, de douleurs pelviennes chroniques.
Les personnes atteintes étant le plus souvent asymptomatiques, elles transmettent de ce fait l’infection à leurs partenaires sexuels.
• Le diagnostic, en cas d’infection, repose sur l’identification de la bactérie :
– Chez l’homme « la recherche de chlamydia se fait de préférence sur le premier jet urinaire, le prélèvement urétral étant douloureux et mal supporté. »
– Chez les homosexuels, il est très recommandé de pratiquer un écouvillonnage anal qui peut être réalisé par le patient lui-même et un écouvillonnage pharyngé.
– Chez la femme symptomatique, le prélèvement est réalisé au niveau de l’endocol.
• Dépister en dehors des épisodes infectieux.
« Dépister les Chlamydiae, et largement, doit devenir systématique chez les jeunes compte tenu de la fréquence des formes asymptomatiques et du risque pour les filles, insiste le Pr Janier. C’est simple, il convient de proposer un test de dépistage aux femmes entre 18 et 25 ans, à renouveler annuellement en cas de changement de partenaire. Les garçons ne risquent rien pour eux-mêmes mais ils transmettent l’affection, aussi il faut demander une PCR dans le premier jet urinaire, une fois par an. » En Angleterre cette recommandation est en vigueur depuis 2003. L’Anaes l’avait envisagé en 2003 (6).
• Ce dépistage chez la jeune fille est réalisé à partir d’une auto prélèvement vulvo-vaginal effectué par elle-même, à son domicile, à l'aide d'un kit d’utilisation très facile fourni par le laboratoire.
• Le traitement est simple et efficace dans 95 % des cas environ:
- azithromycine: 1 g en une monodose,
- ou doxycycline : 200 mg/jour en deux prises par voie orale pendant 7 jours
Le gonocoque devient résistant aux quinolones
Le gonocoque dont l’incidence avait beaucoup diminué entre 1985 et 2000 est en recrudescence actuellement. La gonococcie touche surtout les hommes (94 %), en particulier les homosexuels, (65 % des cas déclarés dont 15 % sont infectés par le VIH) (4).
L’infection est rare chez la femme mais il faut se méfier de son caractère asymptomatique ; elle passe souvent inaperçue ou se manifeste par les leucorrhées ou une irritation vulvaire (6). La complication majeure est le risque de salpingit.e
Chez l’homme, l’infection se traduit le plus souvent par une inflammation du canal de l’urètre avec un écoulement purulent plus ou moins épais, une dysurie, des brûlures mictionnelles. La bactérie peut infecter le rectum (portage anal chez l’homosexuel masculin et chez la femme) et le pharynx, localisation fréquente et le plus souvent totalement silencieuse. Beaucoup de gonococcies se transmettant actuellement par le sexe oral, examiner le pharynx est imperatif.
L’incubation de la gonococcie est courte (2 à 5 jours).
« Surtout, ne traitez pas sans avoir fait un prélèvement bactériologique, l’antibiogramme est indispensable compte tenu de l’augmentation des résistances aux traitements », précise le Pr Janier. Le prélèvement d’un écoulement (urétral, vaginal…) est effectué, au mieux, le matin avant toilette génito-urinaire, avec examen direct du frottis et mise en culture avec recherche de N. gonorrhoeae. Au niveau pharyngé ou ano-rectal, l’examen direct n’étant pas réalisable en raison de la richesse des flores bactériennes locales, le diagnostic repose sur la seule mise en culture.
Les recommandations concernant le traitement ont changé du fait de l’évolution rapide de la résistance de N. gonorrhoeae aux quinolones (43 % de souches résistantes à la ciproflaxine en 2006)(4). Les quinolones ne doivent absolument plus être utilisées en traitement de première intention pour les infections à N. gonorrhaeae de même que les cyclines et pénicillines.
« Le traitement antigonoccocique est une urgence et doit être instauré sans attendre le résultat des prélévements afin d’interrompre la contamination», insiste le Pr Janier.
Ce traitement repose sur la ceftriaxone (500 mg en IM en dose unique), qui représente l’antibiothérapie de choix.
Seulement en cas de refus d’injection, la cefixime (400 mg per os, dose unique) est utilisée mais elle est moins bactéricide que la ceftriaxone. En cas de contre-indication aux bêta- lactamines, la spectinomycine (2 g en une injection) est employée mais elle est sans efficacité sur les localisations pharyngées (3). Suivant l’antibiogramme le traitement sera au besoin réévalué.
Un traitement anti-Chlamydiæ doit être associé du fait de la fréquente co-infection : azithromycine en dose unique ou une doxycycline (200 mg/jour en deux prises pendant 7 jours).
Après une inf0ection à chlamydia ou gonocoque :
Les rapports sexuels doivent être protégés par des préservatifs):
- pendant 7 jours après un traitement en dose unique ou jusqu'à la fin d'un traitement en plusieurs prises et jusqu'à disparition des symptômes;
- systématiquement avec tout partenaire occasionnel ou inconnu.
Le patient doit être revu :
– à J3 si les symptômes persistent pour adapter le traitement aux résultats de l’antibiogramme;
– à J7 systématiquement pour vérifier la guérison clinique;
– donner et commenter les résultats des sérologies;
– apporter des conseils de prévention (2).
LA SYPHILIS
La syphilis précoce augmente progressivement depuis 2000. La maladie est réapparue au moment ou les patients ont pu avoir accès aux multithérapies antivirales, ce qui suggère que l’avènement de traitement efficaces contre le VIH s’est accompagné d’un relâchement dans la prévention des pratiques sexuelles à risque.
La syphilis se développe surtout chez les hommes homo- ou bisexuels, (90 % des cas en France dont plus de 40 % d’entre eux sont infectés par le VIH). Elle doit être systématiquement recherchée chez les patients ayant des facteurs de risque (antécédents IST, homo- ou bisexuels avec multipartenaires…). « Tout homosexuel ayant des rapports sexuels variés doit bénéficier chaque année d’une sérologie de syphilis, c’est encore plus impératif pour les patients séropositifs pour le VIH. »
La maladie évolue en trois phases : une phase primaire avec un chancre (lésion ulcérée, souvent mais pas toujours indolore) localisé sur les organes génitaux, bucco-pharyngé ou anal. La lésion survient en moyenne trois semaines après le contact, une phase secondaire quelques semaines plus tard avec une éruption cutanée, des adénopathies et une phase tertiaire plusieurs mois ou années plus tard.
« Une syphilis doit être évoquée devant toute ulcération muqueuse qu’elle soit génitale, buccale ou anale. »
• Le diagnostic repose sur la recherche du tré-ponème dans les lésions et la sérologie qui se positive environ 8 jours après l’apparition du chancre.
• La syphilis est très facile à traiter si elle est diagnostiquée précocement : une injection IM de pénicilline 2,4 millions d’unités (Extencilline®) en dose unique pour une syphilis précoce (en gardant 30 minutes le patient sous surveillance), trois injections pour les tardives. En cas d’allergie, on propose la doxycicline (100 mg deux fois pendant 14 jours), mais cette attitude est non validée en cas d’infection par le VIH.
• La surveillance est clinique avec une sérologie VDRL à 3 mois, six mois et un an.
LES CONDYLOMES ANO-GENITAUX EXTERNES
Les condylomes acuminés sont des tumeurs bénignes d’origine virale dues aux papillomavirus humain (HPV). La précocité des premiers rapports, le nombre de partenaires sexuels, le multipartenariat sont autant de facteurs de risque d’exposition au HPV. Plus de 70 % des hommes et des femmes font au moins une infection HPV au cours de leur vie, le plus souvent asymptomatique (1).
Il faut distinguer les condylomes ano-genitaux externes principalement associés à des HPV à très faible risque oncogène et les condylomes cervicaux et anaux ( type 16 et 18 en particulier) dont le rôle oncogène est établi. L’infection par ces derniers accroit considérablement le risque de développement et le taux de progression des néoplasies cervicales. « Le risque d’apparition d’un cancer anal chez l’homosexuel impose une surveillance proctologique annuelle. »
• Le vaccin actuel protège contre les HPV 6,11,16 et 18. Le taux decouverture vaccinale est actuellement d’environ 32 % (9).
• Il existe trois types de lésions, souvent associées :
-les condylomes acuminés (crêtes de coq) qui sont des formations charnues, pédiculées, roses ou rouges, confluant en masse molle Leur diagnostic est aisé. Ils sont très contagieux. La régression spontanée des condylomes acuminés est notée chez 70 % des adolescentes et des femmes jeune, aussi il est important d’expliquer au patient à la fois la bénignité de ces lésions et aussi la fréquence des récidives.
-Les condylomes papuleux pigmentés ou non qui s’ils sont rouges ou leucoplasiques, doivent inciter à une biopsie.
- les condylomes plans, plus difficiles à diagnostiquer, souvent infra clinique, siègent exclusivement sur les muqueuses génitales et notamment le col utérin ; le cancer du col utérin est associé dans plus de 90 % des cas au HPV (16-18 notamment). Aussi, ils doivent être recherchés systématiquement chez tout patent ayant des lésions acuminées par un examen clinique minutieux chez l’homme et, chez la femme, par un frottis cervicovaginal et un test à l’acide acétique à 5% et éventuellement une colposcopie. « Le test HPV est trop souvent demandé alors qu’il n’est pas justifié en dépistage mais seulement dans des indications précises essentiellement un frottis douteux » remarque Michel Janier.
• Le traitement des condylomes externes n’est ni simple, ni parfaitement codifié et il peut être laborieux.
Le choix dépend beaucoup du patient et du dermatologue.
– La podophyllotoxine (la podophylline n’est plus guère utilisée) est un antimitotique appliqué par le patient lui-même – ou le médecin – à raison d’une application matin et soir pendant trois jours consécutifs par semaine pendant 3 semaines. Dans près de 50 % des cas, le produit entraine une irritation ou des érosions locales.
– Le 5 FU est surtout utilisé sur la vulve.
– L’acide tricloracétique concentré plus efficace sur les lésions muqueuses
– La cryothérapie
– Le laser dans les lésions profuses
– L’imiquimod crème à 5%: trois applications par semaine pendant 6 semaines
– L’exérèse chirurgicale dans certains cas.
• On conseille des rapports protégés pendant environ trois mois après le traitement, deux examens normaux à trois mois d’intervalle permettent d’envisager l’arrêt des préservatifs. La majorité des récidives à lieu à 3 mois.
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