Deux constats bien connus des médecins : le diabète et l'hyperglycémie constituent un facteur de risque cardiovasculaire majeur et inversement, la prévalence du diabète et des anomalies du métabolisme glucidique est élevée chez les patients présentant un syndrome coronaire aigu (SCA). En effet, parmi les sujets hospitalisés pour SCA, 30 à 40 % ont un diabète, 25 à 36 % une hyperglycémie à jeun ou une intolérance au glucose, et 30 à 40 % seulement sont exempts d'anomalies glucidiques.
De plus, le pronostic du SCA est plus sévère chez le diabétique. Enfin, il n'est pas rare qu'une hyperglycémie soit présente au cours d'un SCA sans pour autant que le sujet soit un diabétique connu. Toutes ces observations ont amené la Société francophone du diabète, en collaboration avec la Société française de cardiologie, à proposer un consensus sur la prise en charge du patient diabétique / hyperglycémique au cours et au décours immédiat d'un SCA (1). Les différentes phases du SCA, soins intensifs, hospitalisation post-soins intensifs, suivi et réadaptation cardiaque, ont été considérées.
ANOMALIES GLUCIDIQUES ET SCA
-› Le niveau de la glycémie au moment de l'admission pour SCA ne permet pas de poser le diagnostic de diabète, et ne présume pas non plus de l'évolution de la tolérance glycémique au décours du SCA. De nombreux patients souffrant de SCA présentent en effet à ce moment-là des anomalies glucidiques, qu'ils soient diabétiques ou non (hyperglycémie de stress). Toutefois, la glycémie à l'admission est utile car un résultat supérieur ou égal à 1,80 g/l justifie l'initiation d'un traitement précoce par insuline.
-› Afin de pouvoir affirmer l'existence d'une anomalie du métabolisme glucidique chez les patients porteurs d'un SCA, les experts recommandent de mesurer la glycémie à l'admission, la glycémie à jeun et l'hémoglobine glyquée (HbA1c) chez tous les patients. C'est toujours la glycémie à jeun qui détermine les modalités de prise en charge, mais un patient SCA ayant une HbA1c supérieure ou égale à 6,5 % peut également être considéré comme diabétique.
-› Chez les patients sans diabète connu dont l'HbA1c est inférieure à 6,5 %, les anomalies du métabolisme glucidique doivent être recherchées par un test de charge en glucose, c'est-à-dire en mesurant la glycémie 2 heures après la prise de 75 g de glucose par voie orale, 7 à 28 jours après le SCA, lorsque l'état du malade est stabilisé. C'est-à-dire le plus souvent après le retour du patient à domicile. En effet, la simple mesure de la glycémie à jeun dans un contexte de SCA conduit à un sous-diagnostic des anomalies glucidiques dans deux tiers des cas. Si le résultat est normal, le test doit être réitéré un an après.
-› La définition des différentes anomalies du métabolisme glucidique utilise les critères de l'OMS (Voir tableau 1).
EN USIC
-› Un mauvais contrôle glycémique, tant chez le diabétique connu que chez le sujet non diabétique ayant une hyperglycémie de stress, augmente le risque d'événements péjoratifs après infarctus du myocarde. Mais si plusieurs études ont montré dans ce contexte l'efficacité d'un traitement insulinique intensif (étude DIGAMI…), d'autres ne retrouvent pas ce bénéfice (étude DIGAMI-2, étude HI-5…). Par ailleurs, le risque d'hypoglycémies sous insuline n'est pas négligeable, avec son cortège d'effets secondaires. En pratique, de nombreux protocoles sont utilisés, variables tant par la dose initiale d'insuline que par le mode d'administration, l'objectif glycémique ou l'ajustement de la posologie.
-› Le texte de consensus propose d'initier un traitement par insuline par administration continue chez le sujet non diabétique connu dès que la glycémie à l'admission est supérieure ou égale à 1,80 g/l. Les doses recommandées initialement sont de 2 unités/h d'insuline rapide entre 1,80 et 3 g/l, 3 U/h entre 3 et 4 g/l, et 4 U/h au-delà de 4 g/l.
Si le diabète est connu, l'insulinothérapie, toujours en administration continue, est instaurée de la même façon lorsque la glycémie à l'admission est égale à au moins 1,80 g/l, mais aussi lorsque la glycémie pré-prandiale est supérieure ou égale à 1,40 g/l durant la période d'hospitalisation en unité de soins intensifs de cardiologie (USIC).
Chez le diabétique déjà traité par insuline et dont la glycémie à l'admission n'excède pas 1,80 g/l ou dont la glycémie post-prandiale reste inférieure à 1,40 g/l durant le séjour en USIC, le protocole d'insulinothérapie en cours avant la survenue du SCA peut être poursuivi.
-› Un objectif glycémique entre 1,40 et 1,80 g/l est recommandé pour la plupart des patients, à préférer à un objectif plus strict (1,10 à 1,40 g/l). Dans tous les cas, une baisse glycémique en dessous du seuil de 1,10 g/l n'est pas recommandée.
-› Lors de l'insulinothérapie par administration IV continue, la surveillance des glycémies capillaires doit être effectuée 1 heure après l'initiation du traitement, puis toutes les deux heures. Pour les patients ne recevant pas d'insuline IV en continu, les contrôles capillaires doivent avoir lieu avant chaque repas, 2 heures après les repas et au coucher.
EN SERVICE DE CARDIOLOGIE POST-USIC
-› Après le passage en USIC, il n'est pas obligatoire de maintenir l'insulinothérapie, et les autres traitements anti-diabétiques peuvent être envisagés. Tout dépend du profil du patient. Un avis diabétologique doit être pris dès que l'HbA1c atteint ou dépasse 8 % (Voir encadré 1).
-› La metformine n'est pas contre-indiquée après SCA en l'absence d'insuffisance rénale.
-› Concernant les sulfamides hypoglycémiants, il est recommandé d'éviter dans les suites d'un SCA les molécules de première génération, ainsi que le glibenclamide, qui d'après certaines études observationnelles, augmentent le risque de mortalité et le risque cardiovasculaire en post-infarctus.
-› Les glinides ne sont pas contre-indiqués en post-SCA. Quant à l'acarbose, il peut être utilisé notamment en cas d'hyperglycémie post-prandiale prédominante.
-› Les inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase-4 (gliptines) sont également utilisables en post-SCA, tout comme les analogues du Glucagon Like Peptide-1 (exénatide, liraglutide).
-› La pioglitazone n'est plus commercialisée en France, mais reste utilisée dans d'autres pays et dans ce cas, elle peut être administrée en post-SCA, sauf en cas d'insuffisance cardiaque ou lorsque la fraction d'éjection ventriculaire gauche est inférieure à 45 %.
DURANT LA RÉADAPTATION CARDIAQUE
-› Bien qu'aucune étude ne soit disponible concernant l'efficacité de la réhabilitation cardiaque après SCA spécifiquement chez les sujets diabétiques, il semble possible d'en attendre le même bénéfice que chez les autres sujets en post-SCA, à la fois en termes de morbidité et de mortalité. La période de réadaptation cardiaque est en effet un moment propice pour convaincre les patients des bénéfices de la pratique d'une activité physique régulière, non seulement du point de vue cardiovasculaire, mais aussi dans le but d'améliorer le contrôle glycémique. Le programme comprend des exercices en endurance et en résistance, ainsi que des exercices visant à améliorer la souplesse.
-› La glycémie capillaire doit être contrôlée avant chaque séance d'exercice physique chez tous les patients diabétiques, ainsi qu'à la fin de la séance et 4 à 6 heures après celle-ci chez les sujets traités par insuline ou insulino-sécrétagogues (sulfamides hypoglycémiants, glinides), afin de réduire le risque d'hypoglycémies.
-› Si la glycémie avant exercice physique est supérieure à 2,50 g/l, il est recommandé de rechercher une cétonurie à la bandelette. En l'absence de cétose, et si le patient ne présente aucun symptôme et est bien hydraté, la séance d'activité physique peut être réalisée en prenant la précaution de contrôler la glycémie au doigt toutes les heures durant la séance.
-› Durant la phase de réhabilitation, un avis en diabétologie doit être demandé si le diabète n'est pas contrôlé et si l'HbA1c est supérieure à 8 %, et/ou en cas d'hypoglycémies sévères ou répétées.
QUID DE LA DIÉTÉTIQUE ?
-› Durant l'hospitalisation, la quantité journalière de glucides dans le régime alimentaire ne doit pas être différente chez les diabétiques par rapport aux sujets non diabétiques. Un minimum de 150 g/jour de glucides est recommandé, en maintenant pour chaque repas une quantité fixe de glucides. Au moins 3 repas par jour sont nécessaires chez les diabétiques et le jeûne n'est pas recommandé.
-› Les aliments à faible index glycémique doivent être préférés aux aliments à index glycémique élevé. Le saccharose est à éviter si possible, sauf en cas d'hypoglycémie. Si le saccharose ne peut être supprimé, il est préférable de l'inclure dans les repas et il doit être comptabilisé dans les apports glucidiques journaliers.
-› Par ailleurs, les mesures de prévention cardiovasculaire, à mettre en œuvre dès le retour au domicile, incluent la réduction des graisses saturées (moins de 10 % des apports énergétiques totaux, et si possible moins de 7 %). Les acides gras trans doivent être évités. Il est recommandé d'adopter un régime de type méditerranéen, riche en fruits et légumes et qui apporte des acides gras mono-insaturés.
-› En cas d'hypertriglycéridémie avérée, les patients diabétiques en post-SCA doivent être adressés à un diététicien. Si la triglycéridémie est supérieure à 4 g/l, le fructose, qui stimule la production hépatique de triglycérides, doit être réduit, et la consommation de fruits limitée.
-› De façon générale, il est recommandé aux diabétiques ayant souffert d'un SCA de rencontrer un diététicien.
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