Georges, 66 ans, consulte, exaspéré par des douleurs à type de brûlures et des décharges électriques dans la région thoracique gauche survenus quelques semaines après un zona, accentués par le contact de ses vêtements, il n’est pas soulagé par les antalgiques habituels. Ce zona apparu lors d’un trek au Népal, il y a 2 mois, n’avait pu bénéficier d’un traitement par antiviral.
IDENTIFIER ET ÉVALUER LA DOULEUR
› Le vocabulaire utilisé par le patient permet de reconnaître le caractère neuropathique de ses douleurs. Ainsi certains mots de la douleur sont caractéristiques, tels que brûlure, décharges électriques... La douleur au contact des vêtements correspond à une allodynie.
› Dans le zona, il s’agit d’une douleur neuropathique périphérique par atteinte du ganglion sensitif et qui concerne donc un ou plusieurs dermatomes cutanés (correspondant notamment au territoire d’un ou plusieurs nerfs intercostaux pour le zona thoracique) (3).
› Le diagnostic des caractéristiques neuropathiques de la douleur est exclusivement clinique et s’appuie sur le DN4. Le diagnostic est établi sur un score d’au moins 4/10, valeur seuil, avec une spécificité de 90 % et une sensibilité de 83 %. Un score positif au questionnaire DN4 à la phase aiguë du zona s’accompagne d’un risque accru de développer une douleur chronique post-zostérienne (1).
› L’évaluation de la douleur mesure sa sévérité au cours de son évolution , son retentissement et son évolution sous traitement. Les échelles non spécifiques – EVA (visuelle analogique), EN (numérique entre 0 et 10), EVS (verbale simple: absente, faible, modérée, forte, extrêmement forte) sont utilisées. Le « questionnaire concis sur les douleurs » évalue le retentissement sur les activités quotidiennes. Le DN4 porte sur la nature des douleurs.
TRAITER LA DOULEUR NEUROPATHIQUE
Ces douleurs répondent peu ou pas aux antalgiques usuels. Plus précoce sera le traitement, moins grand sera le risque de passage à la chronicité.
› En première intention, on choisit (en expliquant au patient que le délai d’action des traitements peut être retardé de plusieurs jours voire semaines) :
- Un anti-épileptique : la prégabaline ou la gabapentine à doses progressives. Initier à doses faibles
(75 mg/jour pour la prégabaline, 300 mg/jour pour la gabapentine, voire moins en cas d’insuffisance rénale) et augmenter par palier en fonction de l’efficacité et de la tolérance en prévenant des effets indésirables possibles (somnolence, impression vertigineuse, fatigue et parfois prise de poids). La prégabaline présente l’avantage d’une pharmacocinétique linéaire permettant la mise en évidence d’une efficacité dose-réponse ce qui n’a jamais été établi pour la gabapentine, mais elle n’est pas mieux tolérée notamment aux doses maximales. Les doses efficaces sont de 1 800 à 3 600 mg/jour pour la gabapentine et de 150 à 600 mg/jour pour la prégabaline avec des effets inconstants pour la dose de 150 mg/jour (2).
- Ou un antidépresseur. L’efficacité des antidépresseurs tricycliques est largement établie dans les douleurs neuropathiques post-zostériennes, l’amitriptyline étant la plus utilisée. Leurs effets indésirables sont dépendants de la dose (sécheresse de la bouche, constipation, sueurs, troubles visuels, palpitations, rétention urinaire, troubles cognitifs, confusion, hypotension orthostatique.)
- L’association anti-épileptique et antidépresseur est justifiée en cas d’efficacité insuffisante de chacun des traitements en monothérapie.
- Les emplâtres de lidocaïne, bien tolérés, peuvent être associées en 1re intention au traitement par voie orale ou proposés seuls, notamment chez le sujet très âgé : jusqu’à trois emplâtres par 24 h peuvent être appliqués sur la zone douloureuse pendant une durée maximale de 12 h.
› En deuxième intention, on peut proposer un inhibiteur de recapture sélectif de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), en particulier la duloxétine dont l’AMM est restreinte à la douleur neuropathique du diabétique, mais dont l’efficacité a été établie sur d’autres douleurs chroniques, neuropathiques ou non.
› La prescription de tramadol est possible en cas d’échec, mais attention à leur utilisation en association avec les antidépresseurs à fortes doses, en raison d’un risque de syndrome sérotoninergique ; en outre, le tramadol est souvent mal toléré chez le sujet âgé.
› La prescription d’opioïdes forts n’est proposée qu’en dernière intention, seule ou en association.
› Les patchs de haute concentration de capsaïcine sont désormais disponibles pour ces patients, mais en réserve hospitalière. Ils ont l’avantage d’une durée d’action prolongée après une application pendant une heure sur la zone douloureuse, mais leur application s’accompagne initialement de douleurs liés aux propriétés de la capsaïcine (brulûre initiale par sensibilisation des nocicepteurs, puis désensibilisation secondaire).
› L’efficacité de ces traitements est souvent partielle, le tiers à la moitié des patients étant soulagés par les traitements (douleur améliorée d’environ 50 %).
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