La recherche d’une protéinurie (excrétion urinaire de protéines, dont l’albumine), sa détermination et sa quantification au moins annuelle font partie du bilan des patients avec une MRC mais aussi des patients avec facteurs de risque de MRC (diabète, HTA, obésité, pathologies cardiaques et vasculaire, etc.). L’albumine est la protéine urinaire prépondérante dans la plupart des maladies rénales ; elle est un des marqueurs les plus précoces de pathologies glomérulaires, y compris la néphropathie diabétique (où elle apparaît généralement avant la diminution du DFG).
Le dosage d’albuminurie doit être couplé à celui de la créatininémie et à l’estimation du DFG par la formule CKD-EPI. La mesure s’effectue à partir d’un échantillon d’urine (préférentiellement les urines du matin) et le prélèvement sanguin n’exige pas d’être à jeun. Le résultat transmis est le rapport albuminurie/créatininurie (RAC).
Trois catégories peuvent alors être distinguées (on ne parle plus désormais de microalbuminurie) :
1) A1 Albuminurie normale : RAC < 30 mg/g (< 3 mg/mmol),
2) A2 Albuminurie modérément augmentée : RAC entre 30 et 300 mg/g (entre 3 et 30 mg/mmol),
3) A3 Albuminurie augmentée : RAC > 300 mg/g (> 30 mg/mmol).
L’évaluation de la protéinurie sur les urines de 24 heures ne se fait plus dans le cadre du dépistage. Les bandelettes urinaires, peu sensibles, ne sont plus non plus utilisées dans cette indication mais réservées au diagnostic des cystites ou à l’autosurveillance.
Certaines protéinuries sont de « fausses » protéinuries : en présence d’un saignement de la voie urinaire, dans les néovessies selon Bricker, protéinurie orthostatique chez certains patients de grande taille et de faible IMC.
Une augmentation transitoire de l’albuminurie ou de la protéinurie peut être retrouvée en cas de fièvre, d’infection urinaire, d’exercice physique intense moins de 24 heures auparavant, s’il existe une insuffisance cardiaque congestive.
Les questions à se poser
1. Le patient est-il diabétique ? La confirmation d’une protéinurie traduit alors une néphropathie diabétique (le plus souvent glomérulaire) dont il convient de faire le bilan. Les objectifs glycémiques et tensionnels sont revus.
2. Le patient a-t-il des facteurs de risque cardiovasculaire ? HTA et MRC entretiennent des liens étroits ; IEC et ARA 2 sont alors à privilégier.
3. Le patient a-t-il des ATCD de néphropathie familiale ? Le dépistage d’une protéinurie glomérulaire est indispensable avec dosage de la créatinine.
4. Le patient a-t-il une maladie rénale connue ? Les néphropathies glomérulaires sont celles s’accompagnant le plus souvent d’une protéinurie, facteur pronostique majeur (fibrose rénale). Quel est le déclin de son DFG annuel ? Est-ce un progresseur rapide de l’insuffisance rénale ?
5. Le patient a-t-il des ATCD particuliers, une autre pathologie ou des symptômes évocateurs d’une autre pathologie (myélome, maladies auto-immunes, affections urologiques, médicaments néphrotoxiques) ? Une pathologie urologique passée ou stabilisée reste un facteur de risque de MRC à dépister annuellement
Qui et quand faut-il adresser au néphrologue ?
- le patient non diabétique avec une microalbuminurie ou protéinurie non expliquée (toute protéinurie est pathologique si elle est persistante) ;
- les sujets ayant un DFG inférieur à 60 ml/min ou une HTA et une protéinurie ;
- les patients diabétiques avec une albuminurie supérieure à 300 mg/g créatininurie ou résistante au traitement. Une atypie comme des kystes rénaux ou une hématurie associée ;
- une protéinurie néphrotique (supérieure à 3 g/24 heures) ou une dégradation rapide du DFG requiert un avis néphrologique urgent.
En suivi, la néphroprotection médicamenteuse se résume en un double objectif thérapeutique tensionnel : PA < 130/80 mmHg et RAC < 300 mg/g de créatininurie (ou 30 mg/mmol), d’où la nécessité de le doser annuellement.
Chez ces patients à très haut risque, le principal risque statistique est la survenue d’un accident cardio-vasculaire.
À retenir
- La protéinurie est un facteur de risque majeur et indépendant pour la mortalité cardiovasculaire et la progression de l’insuffisance rénale.
- La protéinurie peut avoir une origine glomérulaire ou tubulaire.
- Les patients à risque d’atteinte rénale et à haut risque cardiovasculaire doivent avoir une mesure du DFG et de l’albuminurie chaque année.
- Une protéinurie persistante est toujours pathologique.
Dr Caroline Martineau - D’après un entretien avec le Dr Amaury Ben Henda (néphrologue libéral ; hôpital privé de Bois-Bernard ; coresponsable de la commission Parcours Patient du réseau Nephronor)
Pour aller plus loin : HAS. Guide du parcours de soins – Maladie rénale chronique de l’adulte (MRC). Actualisation septembre 2023.
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