Le bureau Europe de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) vient d'émettre le premier rapport dédié à la santé des migrants, qu'il définit comme « toute personne qui traverse une frontière internationale pour s'installer durablement dans un lieu différent de son lieu de résidence, quel que soit son statut légal [...] et la durée de son séjour. ».
Selon ce rapport, les migrants présentent à leur arrivée moins de maladies non transmissibles que les Européens, avec un faible risque de maladie cardiovasculaire, d'AVC ou de cancer (à l'exception des cancers viro induits). Cette particularité, appelée « healthy migrant effect », est liée au fait que seuls les plus jeunes et les plus valides tentent l'aventure de l'émigration. Mais une fois installés en Europe, les migrants voient leur état de santé se dégrader à mesure que leur séjour se prolonge. Leurs risques de maladie chronique s'aggrave alors.
La démographe Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement et co-auteure en France de l'étude ANRS PARCOURS, le confirme : « A âge égal, la mortalité des migrants est moins élevée que celle des Européens natifs, explique-t-elle au « Quotidien ». Cela étant dit, leur état de santé dépend de la durée de séjour. Ils adoptent plus facilement des comportements moins bons pour la santé : alcool, tabac et alimentation grasse. » Dans l’enquête Parcours, il a été observé des prévalences de surpoids plus importantes chez les migrants d'origine africaine installés en France depuis une durée médiane de 11 ans que dans les populations restées en Afrique.
Pour la démographe, les données manquent sur l'évolution de la santé des migrants. « On ne dispose d'enquêtes fouillées que sur la périnatalité ou des pathologies comme le VIH ou l'hépatite B, poursuit-elle. Et on n'a presque jamais d'information sur la durée de séjour dans les études. »
L'accès aux soins en question
Ce constat étant posé, quid de l'accès au soin des populations migrantes ? En France, la situation est globalement bonne. Au sein des participants à l’enquête Parcours, 54 % des hommes et 67 % des femmes avaient ouvert leurs droits (Sécurité sociale, CMU ou AME) un an après leur arrivée en France. Au bout de 2 ans, ils étaient 76 % des hommes et 82 % des femmes à avoir accès au système de soin français.
Mais de tels droits ne garantissent pas une bonne prise en charge, comme le constate Annabel Desgrées du Loû. « Une équipe a travaillé sur la prévention et le dépistage cancer du col de l'utérus et du cancer du sein, explique-t-elle. Elle avait démontré que la proportion de femme ne bénéficiant d'aucun dépistage ou d'un dépistage suboptimal est plus importante chez les migrants et leurs enfants que dans le reste de la population générale ». Un prolongement du travail effectué avec l'étude ANRS Parcours concluait sur la difficulté d'accès aux soins pour certains migrants d'Afrique subsaharienne, en particulier pour ceux qui ont l'AME ou la CMU.
Rétablir la dynamique vaccinale
Le rapport de l'OMS formule plusieurs préconisations pour améliorer l'accès aux soins des populations migrantes, à commencer par la nécessité de s'assurer du statut vaccinal des nouveaux arrivants. Il est également suggéré de mettre en œuvre un statut légal pour tous les migrants, y compris illégaux, pour leur permettre de faire appel aux systèmes de soin. Ces préconisations figuraient déjà dans le plan du comité régional de l'OMS établi en 2016, le rapport estime que la moitié des pays de la région Europe réalise des « efforts significatifs pour s'y conformer ».
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