« Nous sommes loin en France d’une crise des opioïdes comme en connaissent les USA, et nous sommes plutôt dans les bons éléves de l’Europe. Mais nous constatons néanmoins une nette augmentation des prescriptions d’opioïdes et des usagers devenus dépendants », prévient le Dr Anne-Priscille Trouvin, rhumatologue, Hôpital Cochin. Ainsi en 2017, 17 % des Français se sont vu prescrire au moins une fois des opioïdes, et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) rapporte une multiplication par plus de deux des hospitalisations qui leur sont liées. D’où de futures recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur le bon usage des opioïdes dont les grandes lignes ont dévoilées lors du 34e congrès français de rhumatologie.
Les paliers obsolètes
Il ne s’agit pas d’entraver la prise en charge de la douleur, mais de la préciser. Globalement, et ce n’est pas nouveau, il est rappelé qu’il ne faut plus se référer aux paliers, on peut être plus délétère avec des opioïdes faibles fortement dosés qu’avec des opioïdes forts utilisés à bon escient. L’instauration doit se faire de façon progressive et s’inscrire dans le cadre d’une approche multimodale incluant aussi des mesures non médicamenteuses.
Pas d'indication dans de nombreuses douleurs aigues courantes
Dans les douleurs aigues, les opioïdes sont indiqués en première intention si elles sont sévères (EVA>6/10), en les associant toutes les fois où cela est possible avec des antalgiques non opioïdes et des mesures non médicamenteuses. Ils peuvent être proposés en deuxième intention dans les douleurs modérées en l’absence d’amélioration avec les autres antalgiques. « Mais même si la douleur est sévère, ils ne sont pas recommandés pour des douleurs dentaires, la lombalgie aigue, les traumatismes osseux simples, les coliques néphrétiques, les épisodes aigus des douleurs abdomino-pelviennes de même que dans la crise migraineuse », insiste la rhumatologue.
En médecine ambulatoire, si le rapport bénéfice/risque est jugé favorable, les opioïdes sont prescrits sous forme à libération immédiate, à la dose efficace la plus faible possible, et pour une durée la plus courte possible, 14 jours au maximum. Au-delà une forme LP peut être discutée. Le fentanyl transmuqueux d’action rapide n’est pas indiqué dans la douleur aigue en raison du risque important de détresse respiratoire et de troubles de l’usage.
Douleurs chroniques : évaluer le risque de troubles de l’usage
Dans les douleurs chroniques non cancéreuses, les opioïdes ne seront envisagés qu’après avoir essayé les autres alternatives thérapeutiques, médicamenteuses ou non. Ils peuvent être prescrits dans les douleurs type lombalgie avec ou sans radiculalgie chronique, les douleurs liées à une arthrose, à des pathologies évolutives (neurodégénératives, situation palliative, etc.) voire les douleurs neuropathiques.
Ils ne seront proposés qu’après une évaluation des facteurs de risque de troubles de l’usage (échelle ORT) et des autres prescriptions. La forme à libération immédiate ou la LP sont laissées au libre choix du médecin ; l’association des deux est possible après avoir expliqué comment utiliser ceux à libération immédiate. Dans les situations à risque de surdosage ou de mésusage, on peut envisager la prescription d’un kit de naloxone prêt à l’emploi pour pouvoir faire face à une détresse respiratoire.
Il n’y a pas assez de données pour les préconiser dans les douleurs pelviennes chroniques ou les douleurs musculosquelettiques autres que celles vues ci-dessus. Ils ne sont pas recommandés dans les céphalées primaires ou les douleurs dysfonctionnelles et contrairement à ce que préconisaient les recommandations sur la fibromyalgie, le tramadol ne doit être envisagé dans la fibromyalgie qu’après avis spécialisé (médecin de la douleur, rhumatologue ou addictologue).
Le fentanyl transmuqueux n’a pas sa place dans les douleurs chroniques et le fentanyl transdermique ne doit pas être utilisé pour initier le traitement
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