L’ECBU pratiqué devant l’altération de l’état général de cette femme de 84 ans, vivant en EPHAD et aux antécédents de nombreuses infections urinaires, a révélé la présence d’Escherichia coli BLSE. Elle est hospitalisée et traitée par un carbapénème. Un mois après sa sortie, le même germe est retrouvé mais l’état général s’étant amélioré, il est décidé de ne pas la traiter à nouveau.
QUE SONT LES GERMES E. COLI BLSE ?
› Les bétalactamases à spectre étendu (BLSE) sont des enzymes bactériennes qui inactivent les bétalactamines à l’exception des céphamycines et des carbapénèmes. Elles constituent le principal mécanisme de résistance aux bétalactamines chez les entérobactéries et notamment Escherichia coli.
› L’émergence d’E. coli BLSE est en passe de devenir une problématique très préoccupante de santé publique. Initialement surtout observées en milieu hospitalier, ces bactéries multirésistantes sont en forte progression en ville; selon le réseau RAISIN, leur prévalence a été multipliée par 10, passant de 0,6 à 6,1 % entre 2006 et 2011. Et la France n’est pas le pays le plus touché, l’incidence des BLSE étant nettement supérieure dans d’autres pays surtout au sud (Grèce, Turquie, Asie, Maghreb…).
Certaines situations augmentent le risque d’être infecté par un E. coli BLSE : hospitalisation prolongée, séjour en soins intensifs, traitement antérieur avec de multiples antibiotiques (ce qui est le cas de cette patiente), voyages dans les pays à forte prévalence.
POURQUOI CES MULTIRESISTANCES APPARAISSENT ?
› La multirésistance aux antibiotiques est un phénomène « naturel » apparaissant à la suite de leur utilisation ; ce sont les antibiotiques eux-mêmes qui provoquent la synthèse de l’enzyme bactérienne qui capture les gênes de résistance et permet leur expression. Cette résistance peut s’exprimer au travers de plusieurs mécanismes : production d’une enzyme modifiant ou détruisant l’antibiotique, modification de la cible de l’antibiotique, imperméabilisation de la membrane de la bactérie… Plus préoccupant encore, ce phénomène de résistance acquise entraine l’apparition subite d’une résistance à un ou plusieurs antibiotiques auxquels la bactérie était auparavant sensible, ce qui restreint considérablement les possibilités thérapeutiques.
› La dissémination des BLSE a été favorisée par l’utilisation massive de céphalosporines : la résistance d’E. coli aux céphalosporines de troisième génération a été multipliée par plus de 9 depuis 2002 (8 % actuellement) et 18 % sont devenues résistantes aux quinolones contre 8 % en 2002.
FAUT-IL TOUJOURS HOSPITALISER ?
Ces souches E. coli BLSE ne sont pas plus virulentes que d’autres et entraînent des infections urinaires classiques. Tout le problème réside dans la difficulté de leur traitement.
› Il est indispensable d’hospitaliser systématiquement tout patient ayant une infection urinaire compliquée, comme cela a été fait pour cette femme mais ce n’est pas justifié pour les IU simples.
Dans l’EPHAD de cette patiente, les précautions d’isolement standard doivent être respectées.
L’ANTIBIOTHERAPIE OPTIMALE
› Il convient de lire attentivement l’antibiogramme de cette patiente, et ce ne sera qu’en l’absence d’autre choix, qu’un carbapénème sera prescrit. A chaque fois que possible, il est recommandé d’utiliser une alternative thérapeutique. Les carbapénèmes, antibiotiques réservés à l’usage hospitalier, dont le spectre est le plus large de toutes les bétalactamases, doivent être utilisés en dernier recours et réservés aux infections sévères du fait du haut risque de développement de carbapénemases, résistances pouvant à terme conduire à une impasse thérapeutique totale. Il n’y a pas de relève actuellement en antibiothérapie (16 nouveaux antibiotiques ont été mis sur le marché entre 1983 et 1987 et seulement 2 entre 2008 et 2012).
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