Affaire Naomi : « L’opératrice aurait dû transférer l’appel à un médecin régulateur », souligne le directeur des Hôpitaux de Strasbourg

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Publié le 18/05/2018
gautier

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Crédit photo : DR

« Manquement » aux procédures de la part de l'opératrice du SAMU (dans le ton utilisé et la non-transmission au médecin régulateur), absence de signalement de l’événement indésirable grave et d'accompagnement de la famille : le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, Christophe Gautier, revient sur les conditions de prise en charge de l’appel de détresse de Naomi Musenga, le 29 décembre dernier. Il précise que « ce jour-là, l'activité était certes soutenue mais pas exceptionnelle ».

LE QUOTIDIEN : En savez-vous maintenant davantage sur le déroulé des événements du 29 décembre, et sur les erreurs commises ce jour-là ?

CHRISTOPHE GAUTIER : Nous avons acquis la forte présomption d’un manquement aux procédures de la part de l’opératrice du SAMU. Outre son ton, qui ne correspond pas à l’empathie que l’on doit attendre de la part d’un personnel hospitalier, l’opératrice aurait dû transférer l’appel à un médecin régulateur, or elle ne l’a pas fait.

Ce jour-là, l’activité était certes soutenue, mais pas exceptionnelle. Par ailleurs, l’opératrice en était à son 2e jour de travail consécutif après une période de 15 jours de congés. Dans le cadre de l’enquête administrative, j’ai prononcé le 9 mai la suspension à titre conservatoire de l’opératrice. 

Naomi Musenga a finalement été hospitalisée avec plusieurs heures de retard à la suite de cet appel non pris au sérieux. Elle est décédée quelques heures plus tard et a été déposée à la morgue. Comment se sont déroulées ces procédures ?

N'étant naturellement pas autorisé à prendre connaissance des éléments médicaux de ce dossier, je ne peux que vous préciser que le traitement hospitalier proprement dit, de même que les conditions de conservation du corps à la morgue puis de réalisation de l’autopsie, ont été parfaitement conformes aux protocoles. Le rapport d’autopsie avait déjà été communiqué à la famille début avril, et pourra évidemment être utilisé dans le cadre des enquêtes en cours.

La famille de Naomi a obtenu la bande magnétique de l’enregistrement de l’appel, diffusée plusieurs semaines plus tard. Une procédure de signalement d’événement indésirable n'aurait-elle pas dû être lancée immédiatement ?

Cette procédure aurait dû être lancée, et ne l’a pas été ! Il était normal que la famille obtienne la bande, mais pas de cette manière. La question des conditions de transmission de cette bande à la famille est d’ailleurs au cœur des trois enquêtes qui sont actuellement en cours.

La procédure de signalement de l’événement indésirable grave aurait quant à elle dû porter sur les conditions de traitement de l’appel. Une procédure de signalement aurait dû être enclenchée lors de la remise de la bande enregistrée à la famille de Naomi Musenga. La remise de cette bande aurait également dû faire l’objet d’un accompagnement auprès de la famille.

Des syndicats posent la question des restrictions budgétaires et des contraintes en matière de personnel. Comment éviter le renouvellement d’un tel drame ?

Notre établissement mène constamment des actions pour améliorer son fonctionnement et ses procédures. Ma responsabilité est d’apporter mon plein concours aux enquêtes qui se déroulent actuellement afin de faire la lumière sur un drame qui affecte toute notre communauté.

Plusieurs collaboratrices du SAMU ont été violemment prises à partie, notamment sur les réseaux sociaux, alors qu’elles n’avaient rien à voir avec cette affaire et ne travaillaient même pas ce jour-là. Comment réagissez-vous à ces menaces et agressions ?

Nous soutenons totalement notre personnel face à ces comportements inadmissibles, et les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ont d’ailleurs eux aussi porté plainte pour outrage et menace contre leurs agents. Sur place, nous avons pris des mesures concrètes, notamment pour sécuriser le site du centre d’appels, et nous proposons aux agents concernés un accompagnement et un soutien, associant la médecine du travail et les services d’aide psychologique au personnel.

Propos recueillis par Denis Durand de Bousingen

Source : lequotidiendumedecin.fr