Grand âge : 85 % des Ehpad publics en déficit, la FHF esquisse son projet de loi « idéal »

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Publié le 04/01/2023
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Crédit photo : Twitter FHF

Décidée à nourrir le débat sur le grand âge, la Fédération hospitalière de France (FHF) a dévoilé mardi les contours d’un « projet de loi idéal » pour une société de la longévité. Forte de 20 propositions, cette « ébauche » de texte s’inscrit dans la continuité du volet « Bien vieillir » du Conseil national de la refondation (CNR) santé et de la récente proposition de loi de la majorité pour « bâtir la société du bien vieillir en France ».

Effet ciseaux

Pour Arnaud Robinet, il y a une double urgence à réformer le secteur du grand âge, si l’on tient compte de son « insoutenabilité financière » et de « la dynamique démographique » – avec 2,5 millions de personnes supplémentaires de plus de 80 ans d’ici à 20 ans.

Le constat du maire de Reims s'appuie sur les résultats d'une enquête exclusive de la fédération sur la situation budgétaire « dégradée » de plus de 350 Ehpad publics en fin d’exercice 2022 (soit près de 15 % de ces structures). Depuis 2019, les finances se sont détériorées en raison d’un « effet ciseaux important » (baisse des recettes, hausse des dépenses), explique Marc-Antoine Thevenot, responsable adjoint du pôle autonomie et parcours de la FHF.

85 % des Ehpad publics dans le rouge

Dans le contexte inflationniste, les charges d’hébergement (personnel, alimentation, fluides, électricité, etc.) ont bondi en moyenne de 9 % entre 2019 et 2022. Dans le même temps, les revalorisations (point d’indice, Ségur) n'ont pas toujours été compensées. Quant aux recettes, elles ont chuté en raison de la baisse de l’activité, en partie conjoncturelle (crise sanitaire, affaire Orpea). La déconnexion entre l’évolution des charges et les prix de journée hébergement (administrés par les conseils départementaux) a compliqué encore l'équation financière. 

Conséquence, « 85 % des Ehpad publics » anticipaient un déficit important à la fin de l'année 2022 (contre 45 % qui avaient terminé l'année 2019 en léger déficit). Cette situation a un impact direct sur la capacité d’investissement des Ehpad et 40 % d'entre eux ont rencontré des « difficultés de trésorerie », selon la même enquête. 

Modèle à revoir

Pour le patron de la FHF, cette étude met en évidence que le modèle de financement des Ehpad « n’est plus du tout adapté et ne permet pas d’investir ». C'est pourquoi Arnaud Robinet appelle le gouvernement à « indexer les recettes des Ehpad publics sur l’évolution des coûts », comme il vient de le faire pour le secteur privé commercial. Mais à plus long terme, c’est le modèle économique qui doit être révisé « en revoyant la répartition des coûts entre les usagers et les différents financeurs publics », précise la FHF.

C'est dans ce contexte compliqué que les propositions de la fédération ont vocation à relever le défi majeur de la transition démographique. Selon les calculs du lobby hospitalier, les pouvoirs publics devraient consacrer « 10 milliards d'euros supplémentaires par an » au secteur du grand âge, d'ici à 2030, en prévoyant l’affectation de nouvelles ressources pour la branche autonomie.

100 000 nouveaux postes d’ici à 2030

Plusieurs mesures de ce « projet de loi idéal » ambitionnent de restaurer l'attractivité des métiers du grand âge. Revendication centrale, la FHF milite pour la création de « 100 000 postes supplémentaires » d’ici à 2030 à domicile et en établissement médico-social pour un coût estimé de 4,5 milliards d’euros. Objectif : rehausser de 25 % le taux d’encadrement dans les Ehpad. À ce stade, le gouvernement a prévu de créer 3 000 postes de plus en 2023, loin des créations massives d'emplois réclamées par la FHF…

Pour y parvenir, Arnaud Robinet préconise de renforcer la formation, d'augmenter le nombre de places dans les écoles, de développer la validation des acquis de l'expérience et l'apprentissage, de poursuivre la revalorisation des salaires et de mettre en place une vraie campagne de recrutement des métiers. Côté ressources médicales toujours, la FHF suggère de garantir un « temps de médecin prescripteur » aux résidents d’Ehpad n’ayant pas de médecin traitant disponible.

La FHF réclame aussi la pérennisation des aides à l'investissement prévues dans le Ségur de la santé, « soit 500 millions par an » pour moderniser les Ehpad. Le fléchage d'une petite partie des crédits alloués à la CNSA pourrait y contribuer.

Mais pour financer l'essentiel de ces mesures, la réforme des retraites semble la piste la plus logique, plaide Arnaud Robinet. Celle-ci « devra avoir un impact solidaire pour répondre au défi majeur de la prise en charge de nos aînés. Une partie des économies réalisées devra pouvoir financer ce plan sur 10 ans », prône le maire de Reims.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr