À QUOI VONT SERVIR les quatre séances de négociation conventionnelle qui se tiennent à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 18 décembre ? Les acteurs du landerneau médical se posent la question. À commencer par des représentants de syndicats de médecins libéraux que « le Quotidien » a interrogés. À peine le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM) annonçait l’ouverture des négociations que la ministre le prenait à contre-pied. « Un arbitre sera nommé et un règlement arbitral élaboré », assurait Roselyne Bachelot lors des Tribunes libérales de la FMF (voir notre édition du 23 novembre). Les propos de la ministre de la Santé étaient sans ambiguïté. Elle précisait à cette occasion ne pas souhaiter la conclusion d’une nouvelle convention qui ne respecterait pas les bases démocratiques. Autrement dit, elle rejetait une convention qui ne serait pas précédée de nouvelles élections. Le ministère de la Santé a depuis nuancé les propos de Roselyne Bachelot. Il indique que le règlement arbitral demeure une « hypothèse ».
Ce couac illustre bien le flou artistique qui entoure l’avenir de la convention médicale qui arrive à son terme le 11 février 2010. Certains syndicalistes évoquent ouvertement « l’absence de communication » voire de profondes « divergences » entre le ministère de la Santé et l’Assurance-maladie. Quoi qu’il en soit, les syndicats de médecins seront bien présents ce matin au siège de l’UNCAM. La thématique du jour : « renforcer un égal accès à des soins de qualité ». Trois autres réunions sont prévues les 2, 11 et 18 décembre. Elles seront consacrées à la « qualité de la pratique médicale », « l’efficience de la prise en charge des patients et la démarche de simplification » et enfin à la « rénovation des modes de rémunération des médecins ». La CSMF et le SML, qui ont se sont opposés à la reconduction de la convention et réclamé l’ouverture des négociations arrivent à l’UNCAM avec des projets. MG-France, la FMF et Alliance sont beaucoup plus réservés sur l’intérêt de ces rencontres. Voilà ce que nous ont confié leurs présidents respectifs.
• Dr Michel Chassang (CSMF) : « Le directeur de l’UNCAM est mandaté par son conseil d’administration pour ouvrir ces négociations. Il a reçu des orientations et rien ne s’oppose à ce qu’on entame les discussions. Prétendre comme l’a fait la ministre, de façon imprudente, que c’est le règlement arbitral qui va se mettre en place, c’est s’asseoir sur les partenaires conventionnels. Ce n’est pas acceptable. La question aujourd’hui est simple. Veut-on permettre au système conventionnel d’exister ou remet-on cela dans deux ans ? Les médecins ont intérêt à garder un système conventionnel et à conclure un accord avant le 11 janvier. C’est possible. Sans cela, il y a fort à parier que la régionalisation prendra le pas sur la convention. C’est l’avenir du système conventionnel qui est en jeu. Nous sommes dans la démarche d’aboutir à un accord conventionnel. Ensuite, les élections auront lieu et les possibilités de dénonciation d’une convention existent. »
• Dr Christian Jeambrun (SML) : « Nous pouvons nous entendre sur une nouvelle convention d’ici le 11 janvier. Nous avons quatre réunions pour le faire, dépêchons-nous de nous mettre au boulot ! Ensuite les agences régionales de santé se mettront en place, les élections auront lieu et s’il faut renégocier quelque chose, nous serons prêts. La nomination d’un arbitre ? Jouons le match avant de tirer les penaltys. S’il y a un règlement arbitral, il sera ce que propose l’arbitre et ce qu’accepteront les partenaires. " Arbitral " ne veut pas dire " minimal ". Et si l’arbitre est du niveau de Bertrand Fragonard, qui connaît bien le terrain, il ne prendra aucun risque pour les patients et les assurés. »
• Dr Martial Olivier-Koehret (MG-France) : « Ces négociations n’ont pas lieu d’être. Je ne comprends rien à cette subite accélération de l’UNCAM alors que la ministre dit que l’on va vers un règlement arbitral. L’Assurance-maladie doit appuyer la politique du gouvernement. Aujourd’hui, cette politique, c’est le développement de la médecine de premier recours, les maisons de santé. Il faut trouver des acteurs pour porter la médecine générale. Je ne retrouve pas celà dans les thématiques de discussion proposées. Le bilan de la convention de 2005 est catastrophique et le directeur de l’UNCAM veut nous faire une convention à l’ancienne, sans mener au préalable d’enquête de représentativité et sans élections. Dans ces conditions, nous sommes prêts à signer un avenant qui revaloriserait la médecine générale. Mais signer une convention complète pour cinq ans serait un hold-up sur la loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires] . Vouloir nous faire signer un texte et nous dire que nous pourrons nous y opposer dans deux ans n’a aucun sens. À la minute où une convention sera signée, les signataires demanderont à ce que les élections soient repoussées à 2012. »
• Jean-Claude Régi (FMF) : « Nous souhaitons une nouvelle convention qui soit basée sur de nouvelles bases démocratiques, après des élections professionnelles. La convention doit prendre en considération la loi. Or, va-t-on vers cela ? Je suis opposé par principe au règlement arbitral, qui est la négation même du syndicalisme, mais je ne vais pas m’accrocher à cette négociation que je n’ai pas voulue. Et un règlement arbitral ne pourra pas nous imposer pire que la convention telle qu’elle risque d’être négociée maintenant. Nous évoluons dans un contexte complexe. Que peut-on obtenir d’une négociation ? Le C à 23 euros dans plusieurs mois ? Un secteur optionnel dont on ne veut pas ? Cette négociation conventionnelle me semble bien mal partie. »
• Dr Félix Benouaich (Alliance) : « A quoi sert de négocier si tout est décidé dans le cadre du règlement arbitral ? Quelles sont les compétences des syndicats et des caisses aujourd’hui ? Je suis intimement persuadé que ces négociations n’iront pas très loin et qu’il y aura un règlement arbitral. Le gouvernement n’est pas prêt à laisser aboutir une négociation. Il veut éviter un clash juste avant les élections régionales. Et d’ailleurs, que peut-on négocier ? Je suis pessimiste sur l’issue de ces négociations. Je ne souhaite pas la fin du partenariat conventionnel mais je n’accepterai pas n’importe quoi non plus. Alliance n’a pas signé le protocole d’accord sur le secteur optionnel. L’UNCAM a-t-il le souhait d’aboutir ? Jusqu’où son directeur peut-il aller ? Je suis persuadé qu’il n’a pas la main. »
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