Deux fois moins élevé en France que celui atteint dans certains grands pays comparables, le taux de chirurgie ambulatoire a été érigé en priorité stratégique nationale. Le gouvernement, qui espère un milliard d’euros d’économies sur ce poste en trois ans, a fixé un premier objectif ambitieux : dès 2016, 50 % des interventions devront être pratiquées en ambulatoire. Suppressions de lits de chirurgie conventionnelle, rationalisation de l’organisation, changement des habitudes et des mentalités : l’hôpital est bousculé.
Des séjours hospitaliers moins fréquents, moins longs. En dévoilant son plan d’économies pour l’assurance-maladie (10 milliards d’euros sur trois ans), Marisol Touraine a insisté sur la mue attendue du système hospitalier. Le développement de la chirurgie ambulatoire - définie en France par un temps d’hospitalisation inférieur à 12 heures - permettrait de dégager 1 milliard d’euros, calcule le gouvernement.
C’est nettement moins que les 5 milliards d’euros d’économies imaginés par la Cour des comptes. L’objectif est tout de même ambitieux, car la France ne parvient pas à combler son retard en raison de très fortes disparités régionales et d’une mobilisation inégale des établissements. Environ 40 % seulement de la chirurgie y est pratiquée en ambulatoire (tous secteurs confondus), contre plus de 65 % en Europe du Nord. La ministre de la Santé veut fixer des objectifs par région et par pathologie. « Pour l’opération de la cataracte, on peut tendre vers les 100 % », a-t-elle déclaré aux « Échos ». Des actes lourds sont concernés désormais (anévrisme de l’aorte, hernie discale...), même si les deux tiers de la chirurgie ambulatoire se concentrent en France sur une dizaine de gestes (tableau).
Redimensionner les capacités hospitalières
En 2012, le taux d’ambulatoire était de 23 % en CHU, 31 % en centre hospitalier, 37 % en hôpital privé non lucratif (ESPIC), 15 % en centre de lutte contre le cancer, et... 49 % en clinique. Bon élève, l’hospitalisation privée ? « L’hôpital général fait logiquement moins d’ambulatoire que la clinique spécialisée sur la cataracte », nuance Yves Gaubert, du pôle financier de la FHF (Fédération hospitalière de France).
La FHF estime que 550 millions d’euros peuvent être dégagés en attribuant le tarif ambulatoire à l’ensemble des séjours chirurgicaux de courte durée (moins de 4 jours) et sans comorbidité associée. « L’économie immédiate est limitée, estime Yves Gaubert. Pour faire de vraies économies, il faut jouer sur les coûts de production. C’est-à-dire fermer des lits, des unités de chirurgie classique, pour économiser sur le personnel, le chauffage, l’entretien... ». Selon la Cour des comptes, le parc chirurgical conventionnel est sous-utilisé : les lits d’hospitalisation à temps complet sont occupés à 67 % seulement, alors que le parc ambulatoire pourrait absorber plus d’un million d’interventions supplémentaires.
Suppression des surcapacités en chirurgie conventionnelle, mise en place d’unités dédiées en ambulatoire : l’évolution paraît inéluctable. Mais trois ans pour économiser un milliard, c’est sans doute un peu court : « Réorganiser les hôpitaux prendra du temps. Cela suppose des investissements pour adapter les locaux », selon Yves Gaubert.
Révolution de l’organisation
L’hôpital Jean Verdier (AP-HP), à Bondy (Seine-Saint-Denis), a un service de chirurgie ambulatoire pionnier en digestif. Après 6 mois de préparation, l’équipe propose la gastrectomie verticale pour les obèses. Le Pr Corinne Vons, chef du service et présidente de l’association française de chirurgie ambulatoire, est convaincue que l’avenir est à l’ambulatoire. Pas seulement en chirurgie. « A-t-on besoin d’héberger pour bien soigner ? On devrait se poser chaque jour la question, y compris en médecine ».
Ne se lance pas qui veut. « Il faut acquérir des compétences particulières », reprend le Pr Vons, qui signale le démarrage, en novembre 2014, d’un DIU de chirurgie ambulatoire à Paris 6 et 13. « Les chirurgiens ont peur de se lancer, par crainte de l’accident, note Corinne Vons. Ce n’est pas plus risqué : la gestion du risque est simplement différente. C’est une révolution de l’organisation, tout est prévu à l’avance. Des « check-list » à chaque étape nous permettent de faire la chirurgie lourde ».
Dans son service à Jean Verdier, une vingtaine de lits ont fermé. La chirurgie ambulatoire permet des économies, oui, mais ce n’est pas une baguette magique, met en garde le Pr Vons.
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