CONTRAIREMENT aux premières informations qui ont circulé, il n’y a eu ni erreur de manipulation, ni contamination à l’origine de l’alerte. « C’est en fait une erreur de procédure qui m’a conduite à activer le traitement standard prévu pour ce type de circonstances, rectifie le Dr Pascale Briand, directrice générale de l’AFSSA. La mise en culture du produit issu d’une stérilisation thermique à 100 degrés a révélé que le bacille de charbon n’avait pas été totalement désactivé dans l’environnement de biosécurité P3, alors que les tubes avaient déjà été transférés vers un laboratoire classé P2. »
Immédiatement prévenue, la DG, qui se trouvait en comité de direction, alertait la cellule mobile d’intervention biologique des sapeurs-pompiers, ainsi que le SAMU 94, présents peu après avec un spectaculaire déploiement de moyens mobiles. Chacune des cinq employées de l’agence qui se trouvaient dans le laboratoire P2, dont deux avaient possiblement inhalé des spores, étaient alors transportées séparément au service des maladies infectieuses de La Pitié-Salpêtrière (Paris 13 e), l’un des trois établissements de l’AP-HP (avec Necker et Bichat) à disposer des moyens d’isolement dans le cadre du plan Co-Reb (coordination régionale des risques épidémiques et biologiques). Les cinq sujets ont été hospitalisés dans des chambres individuelles d’isolement, avec sas, les équipes soignantes intervenant avec les masques et les gants prévus par le protocole.
« En l’absence de tout symptôme, chacune des personnes a reçu un traitement à base de fluoroquinolones, précise le Pr François Bricaire, chef du service des maladies infectieuses, présent dès leur arrivée, vers 19 h 30. Pour quatre d’entre elles, la prise en charge n’a occasionné aucune difficulté particulière. Mais la cinquième, sans présenter le moindre signe de contamination, a mal réagi psychologiquement à l’impossibilité d’entrer en contact avec son entourage autrement que par téléphone. » Après avoir été gardées en observation une vingtaine d’heures, les laborantines ont pu quitter l’établissement, avec une antibiothérapie (amoxicilline) et elles seront revues dans le service dans une dizaine de jours.
Débriefings à suivre à La Pitié.
Finalement, commente le Pr Bricaire, « même si, comme toujours, certains s’interrogeront sur l’importance des moyens qui ont été mis en uvre et qui peuvent parfois paraître excessifs, les procédures ont été appliquées sans faille ; les événements se sont déroulés comme lors d’un exercice en réel et ils ont fourni une bonne illustration de notre système de précaution, dès qu’il y a suspicion de contamination avec une substance utilisable en bioterrorisme. » De fait, des débriefings vont suivre avec les membres des différentes équipes du service d’infectiologie. Elles ne semblent pas inutiles, eu égard au renouvellement des équipes formées à ces prises en charge et aux émotions exprimées par certains à l’occasion de cette alerte.
À l’AFSSA aussi, Pascale Briand, qui exprime son « intense soulagement » alors qu’aucune séquelle ne semble à déplorer parmi les membres de son laboratoire, reconnaît que « c’est toujours bouleversant d’apprendre la survenue d’un incident auquel ont été exposés des collaborateurs de l’agence. Les membres du laboratoire ont témoigné du sang-froid de professionnels exercés à manipuler de manière habituelle des matériaux dangereux à potentiel zoonotique ». En l’occurrence, le laboratoire d’études et de recherches en pathologie animale est un laboratoire national de référence (LNR) en santé animale pour la brucellose, le charbon bactéridien, la chlamydiose aviaire, la morve, la tuberculose, la tularémie, la fièvre aphteuse, la maladie vésiculeuse du porc et la peste équine. S’agissant de la fièvre charbonneuse, maladie toujours présente en France, où la bactérie peut survivre dans la terre et contaminer herbe, eau et plantes pendant des années, les travaux sont effectués régulièrement à des fins de diagnostic et de caractérisation des souches.
Après la décontamination du local P2, le laboratoire devait reprendre dès hier ses activités. Mais sur le site de l’AFSSA, les établissements voisins, parmi lesquels l’École nationale vétérinaire, ont vécu quelques heures sous haute tension, avec les sirènes hurlantes et les gyrophares des véhicules de secours qui quadrillaient le secteur, alors qu’aucune information précise n’était encore diffusée.
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