Réformes

Un nouveau statut qui fragilise les PH

Publié le 16/12/2010
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Crédit photo : S. toubon/« le quotidien »

« AVEC LA réforme du statut de PH, il y a un risque réel d’assujettissement des praticiens hospitaliers. Désormais, ces derniers dépendent directement du directeur de leur établissement et non plus d’une autorité indépendante, en l’occurrence le ministère de la santé », explique le Dr Alain Mercuel, chef de service dans le centre hospitalier Saint-Anne à Paris et secrétaire général de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDEPP).

La loi Hôpital, patients, santé, territoire (HPST) avait en 2009 suscité une vague de mobilisation sans précédent des praticiens hospitaliers contre le renforcement des pouvoirs des directeurs. « La réforme des statuts, introduite par cette loi, s’est faite sans aucun débat avec les syndicats et les intersyndicales », constate le Dr Mercuel, en rappelant que la psychiatrie a une spécificité : « c’est la seule discipline où l’on peut traiter les patients sous la contrainte. Jusque-là, cette spécificité avait toujours été prise en compte dans les réformes, y compris celle d’Hôpital 2007. Avec ce nouveau statut, on perd une indépendance pourtant absolument essentielle par rapport à cette spécificité », souligne le Dr Mercuel.

Avant cette réforme, la nomination des PH était prononcée par le ministère de la santé après un avis de la commission statutaire nationale. « Quand il y avait deux candidatures pour un même poste, on étudiait les deux dossiers, on regardait les CV, l’ancienneté, les titres et travaux des deux PH. On essayait de mesurer l’adéquation entre le profil des postes et la carrière du PH. Désormais, il n’y a plus de tiers entre le directeur et les PH. La commission nationale statutaire n’est plus qu’une chambre d’enregistrement », indique le Dr Mercuel.

Désormais, la nomination du PH est faite par le directeur sur avis du chef de pôle et du président de la Commission médicale d’établissements (CME). « Ce n’est même pas la CME dans son ensemble qui se prononce. Et le chef du service concerné n’a pas non plus d’avis à donner. Cela va entraîner un recrutement local induit et soumis à une certaine subjectivité », souligne le Dr Mercuel, en craignant que cela n’entraîne une perte d’indépendance professionnelle des praticiens hospitaliers. « C’est problématique notamment par rapport à cette spécificité des soins sous contrainte. Les psychiatres sont régulièrement soumis à des pressions des maires ou de la préfecture pour prononcer ou non des hospitalisations ou pour lever ou non des hospitalisations. Jusque-là, on était totalement libres de nos décisions. Là, on peut très bien imaginer qu’un psychiatre se retrouve fragilisé en raison de sa dépendance directe du pouvoir du directeur. Il y a aussi un risque d’assujettissement au niveau des missions annexes du PH (formation, enseignement, expertises…) qui sont désormais soumises à l’autorisation du directeur. Notre souci n’est pas tant de protéger les PH que de protéger les malades », indique le Dr Mercuel qui, comme l’ensemble des syndicats et des intersyndicales, réclame désormais une loi spécifique de santé mentale ou « au moins » un grand chapitre « santé mentale » dans une loi de santé publique.

D’après un entretien avec le Dr Alain Mercuel, centre hospitalier Sainte-Anne à Paris et secrétaire général de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDEPP).

 ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes