Frédéric Boiron, Association des directeurs d'hôpital (ADH)

« Le management de droit divin, c'est terminé ! »

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Publié le 19/05/2016
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LE QUOTIDIEN : Quel état des lieux faites-vous des risques psychosociaux des médecins à l'hôpital ?

FRÉDÉRIC BOIRON : On ne peut nier la réalité des difficultés relationnelles ou d'autre nature entre praticiens hospitaliers (PH). Ici, les patients arrivent avec leur peur, leur mal-être, leur souffrance. Si tout va bien, ils repartent sans. Les PH, eux, vivent dans cet environnement en tension au quotidien.

Difficile d'établir une échelle des risques psychosociaux. Par contre, on peut affirmer que même minoritaires, ces situations de conflit risquent de se multiplier aujourd'hui.

Plus contestataires et éclairés, les patients y sont pour quelque chose. Le CHU de Saint Étienne, que je dirige, enregistre par exemple 300 à 350 réclamations par an. Ça joue sur la psychologie du médecin.

Ceci étant dit, attention au fantasme ! L'hôpital n'est pas la mine de sel non plus.

Comment expliquer cette hausse des tensions ?

Avec la pression économique accrue, l'hôpital est soumis a des injonctions contradictoires. Cela crée des crispations nouvelles dans les équipes.

L'évolution des prises en charge a bouleversé les habitudes. On regroupe des services, on déplace des personnels, on réorganise bien plus souvent. Il y a dix ans, la pédiatrie nécessitait 10 à 15 jours d'hospitalisation quand 48 heures suffisent désormais.

Les relations entre personnes ont changé. Le management de droit divin, c'est terminé ! Souci : les médecins n'ont toujours pas appris à gérer une équipe sur les bancs de la fac. Ce n'est pas un reproche. Je sais qu'il est extrêmement difficile de diriger des personnes avec respect et sans excès de militarisme.

Que faire pour améliorer la situation ?

Le relationnel reste le domaine le plus conflictuel, le plus à risque pour les médecins. Quand ça craque dans un service, c'est très souvent à cause de deux PH en conflit.

Au CHU de Saint Étienne, nous avons donc créé la cellule Inter-med pour aider les médecins à résoudre leurs difficultés (cf. page ci contre). C'est une conciliation entre pairs, sans rapport hiérarchique. Trois services et quatre médecins ont saisi cet outil. Je ne peux vous dire de quoi il en retourne exactement car je ne suis pas au courant. Et c'est très bien ainsi.

Ne doit-on pas aller plus loin qu'une simple médiation entre pairs ?

On protocolise tout, on veut se couvrir de tous les risques ! C'est impossible. Il faut accepter d'être impuissant. Des situations similaires au drame épouvantable de l'hôpital Pompidou se produisent ailleurs qu'à Paris.

Médecins et directeurs, nous sommes tous soumis à une part de risques. Pendant longtemps, nous avons eu du mal à l'admettre, car nous travaillons dans la fonction publique. Et un fonctionnaire, ça travaille et ça se tait. Le mythe de la carapace a eu la vie dure. Fort heureusement, nous nous en détachons peu à peu désormais. 

Propos recueillis par A. B.- I.

Source : Le Quotidien du médecin: 9497