« L'alliance », Renan Targhetta, 27 ans, y croit dur comme fer.
« À l'hôpital, on fait partie d'une communauté, développe-t-il. Mon exercice de directeur se fera en partenariat avec les médecins et les autres professionnels. Il n'y a pas d'opposition entre ma future profession et celle du praticien hospitalier, plutôt un équilibre, et même une alliance. »
Renan Targhetta est élève directeur d'hôpital à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), membre de la 57e promotion Albert Camus. Diplômé de Sciences Po, le jeune homme termine son cursus de deux ans par le stage obligatoire de neuf mois, qui se déroule dans son cas au CHU de Lille. En janvier 2020, lui et 82 autres élèves (de 23 à 51 ans) seront diplômés, prêts à reprendre les rênes d'un hôpital français. 54 % sont des femmes de 29 ans en moyenne, 60 % sont diplômés Bac + 5 (IEP, master II action publique) et ont intégré le cursus par concours externe ; les autres, plus âgés, ont déjà une expérience professionnelle (concours interne).
Rapport de force
Finances, ressources humaines, système d'information, logistique, achats… Où commencer sa carrière une fois diplômé ? Renan Targhetta vise les RH, « médicales ou non ». « C'est le cœur du métier ! », s'enthousiasme-t-il.
Si une unité d'enseignement est bien consacrée à la gestion des personnels, aucune n'est propre aux médecins qui, aux dires de cette étudiante de 25 ans, le mériteraient peut-être. « C'était ma première question arrivée à l'école, se souvient-elle : comment se passent les relations avec les médecins ? Nous ne sommes pas leur chef hiérarchique : comment doit-on les gérer ? » La jeune femme, qui a embrassé la carrière de directeur d'hôpital par « envie de terrain », fait son dernier stage dans un CH où « ça se passe bien avec les médecins ». « Nous sommes obligés de les appréhender autrement que les autres personnels, vu leur statut particulier. Et la pénurie médicale joue terriblement sur nos relations, cela instaure un rapport de force. C'est un facteur extérieur aggravant. »
À défaut d'une formation ad hoc, l'EHESP compense en invitant régulièrement des praticiens hospitaliers à s'exprimer devant les étudiants. Deux sujets récemment évoqués : les hôtels hospitaliers et la régulation des flux aux urgences.
De l'autre côté de la barrière
C'est surtout par le terrain que les futurs directeurs apprennent à côtoyer, comprendre et se faire entendre du monde médical. La moitié de leur formation est composée de stages. Fabien Gourdon, 42 ans, a déjà eu une vie avant l'EHESP. Il a travaillé avec des médecins mais a compris leur quotidien et leurs « difficultés » en les suivant pendant plusieurs jours dans leurs services, « en faisant des "vis ma vie" », précise Fabien Goudon, en chirurgie plastique et au bloc de l'hôpital Henri-Mondor (AP-HP).
C'est également dans les couloirs de l'hôpital, « de l'autre côté de la barrière », davantage que sur les bancs de l'école de Rennes, que les trois futurs directeurs d'hôpital sont confrontés au schisme culturel qui les sépare des médecins.
Leurs éléments de communication ont beau être rodés (« être dans le dialogue », « valoriser les forces médicales en présence », « éthique de la transparence »), impossible, parfois, de se comprendre, malgré leurs efforts. La jeune étudiante de 25 ans refuse la critique du manager isolé dans sa tour d'ivoire. « On nous reproche notre côté "techno", ce que j'entends puisque c'est lié à notre mode de recrutement. Mais faire des directeurs d'hôpital des modèles de managers désincarnés, non ! Cette vision existe aussi dans le privé. Elle est propre à notre société ».
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