L'hôpital Grand Paris-Nord est déclaré d'utilité publique, les organisations et militants craignent une catastrophe sanitaire

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Publié le 22/03/2022
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Crédit photo : S.Toubon

Le projet hospitalier pharaonique du Campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen Grand Paris-Nord a été déclaré d'utilité publique par la préfecture de Seine-Saint-Denis le 14 mars dernier. Ainsi, sauf retournement de situation inattendu, il remplacera à l’horizon 2028 les hôpitaux Bichat à Paris et Beaujon à Clichy dans les Hauts-de-Seine. Il abritera des activités médico-chirurgicales de deux hôpitaux, dont une maternité et un pôle universitaire réunissant les activités d'enseignement et de recherche d'Université Paris Cité, en médecine, odontologie et soins infirmiers.

Le feu vert de la préfecture intervient après une enquête publique et l'avis de la commission d'enquête qui a rendu un avis favorable tout en pointant trois « réserves » : conserver une capacité d'accueil globale équivalente à celle des deux hôpitaux existants, veiller aux conditions d'accès et préserver un service de maternité. Pour l’AP-HP, cette décision de la préfecture est donc le signe que des « réponses de nature à lever les réserves » ont été apportées.

Manifestation devant l'hôpital Bichat

Si tout se passe comme prévu, le campus se déploiera sur 7,2 hectares à Saint-Ouen. Ses 230 000 m² de surface de plancher seront réservés au sud à l'hôpital (60 % du site) et, au nord, à l'université (40 %). Le futur hôpital Grand Paris-Nord aura une capacité de 900 lits, ce qui signifie que « 305 lits de médecine, chirurgie, obstétrique disparaîtront du bassin de vie du Nord parisien en pleine expansion démographique », dénonçait en janvier dernier le collectif « Pas ça, pas là, pas comme ça » et le comité de défense de Bichat et Beaujon. Telles sont les raisons pour lesquelles une cinquantaine de personnes ont manifesté ce mardi devant l’hôpital Bichat. Plus de 200 professionnels de santé et usagers avaient également publié une tribune dans « Le Monde » fin 2020 pour demander à Olivier Véran de retoquer le projet « comptable » d'hôpital Grand Paris Nord.

Contacté par « Le Quotidien », le Dr Hakim Bécheur, chef du service d’hépatogastroentérologie et cancérologie digestive de Bichat, considère de son côté que le futur hôpital aura « 238 lits en moins », contre « environ moins 400 lits avant la crise sanitaire », ce qui signifie que la mobilisation de ces dernières années a en partie porté ses fruits. Mais, au final, « cela fait quand même 25 % de diminution par rapport à l’existant », poursuit le gastroentérologue. Il en conclut donc que le préfet n’a pas tenu compte de la principale réserve de la commission d'enquête : « le capacitaire devait correspondre a minima à l’existant ». Seul motif de satisfaction : « La maternité n’était pas prévue, mais elle serait préservée à la moitié de sa capacité actuelle », croit savoir le médecin.

Suppression de postes

Autre motif d’inquiétude : le projet pourrait entraîner la suppression de « 600 et 1 000 postes de soignants », poursuit le Dr Bécheur. Selon lui, le ratio patient/soignant devrait être d’un infirmier pour 14 patients dans le futur hôpital, « ce qui serait dramatique, car c’est l’une des raisons pour lesquelles l’hôpital manque d’attractivité les personnels », alerte le gastro-entérologue qui précise que « beaucoup d’études ont montré que, au-delà d’un infirmier pour huit patients, la mortalité augmentait ».

Plus inquiétant encore peut-être : les deux sites d’urgences de deux établissements sont saturés, obligeant de nombreux transferts de patients, selon le collectif « Pas ça, pas là, pas comme ça » et le comité de défense de Bichat et Beaujon. Une analyse confirmée par le Dr Bécheur : « À l’heure actuelle, quand vous vous présentez à Bichat pour être hospitalisé aux urgences, vous n’avez pas la possibilité d’être hospitalisé dans un tiers des cas. À Beaujon, ce chiffre grimpe à 50 %. Donc imaginez la situation avec 250 ou 300 lits en moins… ». En particulier, dans le deuxième territoire le plus pauvre de France, « où la majorité des gens n’ont pas les moyens d’aller dans le secteur privé et s’adressent en priorité à l’hôpital public », conclut le Dr Hakim Bécheur.

C’est donc pour s’opposer à cette baisse drastique de l’offre de soins dans le bassin de vie où l’augmentation démographique devrait être « d’au moins 10 % dans les dix prochaines années », que les plusieurs organisations (CGT, collectif inter-höpitaux, etc.) « réfléchissent à une action en justice devant le tribunal administratif ».


Source : lequotidiendumedecin.fr