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Dossier

Les territoires s'alarment, Buzyn promet des garanties

Petites maternités dangereuses : fermetures programmées ?

Par Martin Dumas Primbault - Publié le 15/04/2019
Petites maternités dangereuses : fermetures programmées ?

berceau
S. Toubon

Une étude de la DREES (service des études du ministère), publiée en octobre 2017, fournit une statistique révélatrice d'une lame de fond. Entre 1995 et 2016, la France a perdu 299 maternités sur 816, soit 37 % de ses établissements.

Le chiffre a de quoi faire peur, notamment dans les zones rurales où ces portes closes éloignent les parturientes du lieu d’accouchement le plus proche. Une étude (2014 ) du Dr Évelyne Combier, réalisée en Bourgogne sur 139 196 femmes, montrait que pour des temps de trajet supérieurs à 45 minutes, les risques sont sensiblement accrus. « Les taux bruts de mortinatalité passent de 0,46 % à 0,86 % et ceux de la mortalité périnatale de 0,64 % à 1,07 % », écrivait la pédiatre retraitée, chercheuse en santé publique.

Selon les défenseurs des petites maternités, les fermetures vont se poursuivre dans les prochaines années sous l'effet de la « loi Buzyn » qui prévoit d'un côté la labellisation de 500 à 600 « hôpitaux de proximité » (sans chirurgie ni maternité) et, de l'autre, un nouveau régime des autorisations d'activités de soins.

Pas étonnant, dans ce contexte, de voir naître, partout en France, des mouvements de citoyens et d’élus engagés pour le maintien d’un service public hospitalier de proximité. À Saint-Claude (Jura), Bernay (Eure) ou encore Die (Drôme), la mobilisation n’a pas obtenu gain de cause. À Remiremont (Vosges) ou Thann (Haut-Rhin), les comités de défense multiplient les actions protestataires (notre reportage ci-dessous). Beaucoup d’entre eux se sont retrouvés du 22 au 24 mars pour les états généraux des maternités organisés au Blanc (lire page 3).

Sécurité et attractivité médicale

Pour justifier les arbitrages, la ministre de la Santé brandit l’argument de la sécurité médicale. « Partout où la présence suffisante de pédiatres, gynécologues-obstétriciens, sages-femmes et anesthésistes permet de garantir la sécurité des mères et des enfants, nous maintenons les accouchements dans les maternités locales », s'est défendue la ministre dans « Le JDD », fin mars. Il n'y aura pas de fermeture de service d'accouchement pour des raisons financières, assure-t-elle. 

Si des décrets fixent à 300 accouchements par an le seuil minimal d'activité pour les maternités, une vingtaine d'établissements sous ce seuil ont été maintenus pour des raisons  d'isolement géographique. Or, la répétition des gestes chirurgicaux et obstétricaux est un gage de sécurité mais aussi d'attractivité médicale. « Un obstétricien qui fait moins d’un accouchement par jour voire moins de trois par semaine n’est pas intéressé à venir travailler dans un hôpital », a souligné il y a quelques jours Agnès Buzyn devant l'Association des journalistes de l'information sociale (AJIS).

En février, une vingtaine de praticiens hospitaliers – leaders syndicaux et responsables de collèges médicaux – ont publié une tribune intitulée « le maintien de certaines maternités est dangereux ». La semaine dernière, Action praticiens hôpital (APH) et Jeunes Médecins, deux syndicats médicaux, ont lancé un appel à la responsabilité politique, dénonçant une « désinformation générale » qui « occulte les risques de maintenir des maternités aux équipes fragiles, instables et n’offrant pas toutes les garanties de sécurité ».

Filières de périnatalité

Consciente que le dossier est explosif, Agnès Buzyn vient de proposer des garanties aux parturientes, sous la forme d'un « pack de services » appelé « engagement maternité ». Il est censé garantir la sécurité de « chaque femme dont le domicile se trouve à plus de 30 minutes d'une maternité » (lire ci-contre). Au menu : remboursement de trajets, hôtels hospitaliers et recours aux sages-femmes libérales.

Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), c'est la méthode du gouvernement qui pèche. « On ne peut pas appliquer une politique de manière mécanique pour décider du maintien ou non d'une maternité, assure-t-on au pôle offre de soins de la fédération. Il faut une réflexion territoire par territoire ». La FHF prône l'inscription des filières de périnatalité dans les projets de santé de territoire afin de définir, via une concertation, les solutions qui concilient qualité et proximité, « tout en restant intransigeant sur la sécurité des soins ». Une équation impossible ?

Martin Dumas Primbault