Une réforme hospitalière inaboutie ?

La Cour des comptes se paye les GHT

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Publié le 13/10/2020
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Pensés pour améliorer l'accès aux soins et rationnaliser certaines fonctions supports, les 136 groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont, d'après les sages de la rue Cambon, failli à leur mission.

C'était la grande réforme structurante de l'hôpital public rêvée par Marisol Touraine. Lancés en 2016, les groupements hospitaliers de territoire (GHT), au nombre de 136, n'ont pas eu l'effet escompté, tacle quatre ans plus tard la Cour des comptes dans un rapport au vitriol.

Aux dires des sages de la rue Cambon, ces regroupements d'hôpitaux obligatoires ont même échoué dans leur double mission – et raison d'être – : accroître l'efficacité de l'offre de soins publique et rechercher une rationalisation des modes de gestion. La ministre de la Santé de François Hollande avait chiffré à 400 millions d'euros sur trois ans les économies liées à la création des GHT, dont 270 millions d'euros au titre de la concentration des fonctions support, 50 millions sur le recours à l’intérim médical et 38 millions sur la mutualisation de la permanence des soins.  

Premier constat : les GHT n'apportent pas une réponse « suffisante » à la question de l'égal accès aux soins ni n'ont d'« impact notable, tant en matière d’offre de soins que de consommation de soins sur le territoire ». 

Certains, pourvus de deux hôpitaux seulement, n'ont pas la taille critique suffisante pour y prétendre ; d'autres « petits GHT aux faibles moyens » dans des territoires défavorisés n'ont pas les reins assez solides pour agir seuls. La réforme pèche également par son hétérogénéité : 38 GHT ne disposent pas d’un plateau technique suffisant pour prendre en charge les infarctus du myocarde ; faute d'unité neurovasculaire, 24 ne sont pas aptes à délivrer des soins en cas d'AVC ; 61 ne proposent pas d’hospitalisation à domicile (HAD) ; 28 sont dépourvus d’activité de psychiatrie. Le nombre d’établissements détenteurs d’un bloc opératoire n’a pas évolué entre 2014 et 2018. 

De fait, le principe de gradation des soins, pierre angulaire des GHT, « se trouve durablement empêché au sein de ces GHT, qui se retrouvent dans l’obligation de maintenir des collaborations hors GHT pour des activités de proximité ». Pis : la présence d’un CHU dans 28 d'entre eux « favorise l’émergence de groupements à deux vitesses en termes d’accès aux ressources humaines médicales ». Au diapason de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), la Cour regrette l’absence des cliniques dans la réforme, une « anomalie », notamment en psychiatrie ou pour l’HAD.

Attentisme

La création des projets médicaux partagés n'a pas changé grand-chose en termes de rapprochement entre les équipes médicales. La Cour note même une « quasi-absence de projets de restructuration de l'offre de soins ». « Sur le plan médico-technique, l'attentisme semble la règle », lit-on. Seules les activités médico-administratives, dont l’intégration est exigée par la loi, ont fait l’objet de « démarches plus significatives mais qui encore inabouties ». 

Objet de longs débats au moment de la préparation de la réforme, l'absence de personnalité morale des GHT emporte quatre ans plus tard « des conséquences dommageables en termes d’agilité de ces structures et s’avère consommateur de ressources ». Chaque décision « nécessite un passage devant un nombre déraisonnable d’instances », se désole la Cour. Au final, les GHT qui s'en sortent le mieux sont eux qui décident de fusionner au sein d'un seul établissement tous les établissements membres du groupement. Ce qui, paradoxalement, ne répond plus à la définition d'un GHT en tant que regroupements d'hôpitaux autonomes. 

Et la ville ?

La Cour réclame en conséquence que l'hétérogénéité des GHT soit « corrigée dans les prochaines années », que leurs périmètres soient « révisés rapidement » et que les cliniques y soient intégrées. Elle plaide également pour la mise en place de directions communes et pour la fusion, « là où c'est possible », d'hôpitaux voisins au sein d'une personne morale unique. 

Quant au lien entre GHT et médecine de ville, tout reste à construire. À ce titre, « la question des périmètres géographiques différents entre les 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé [attendues en 2022, NDLR] et les 136 GHT nécessitera de définir un mode de collaboration axé sur la proximité, précise la Cour. En cela, la place des établissements parties, et en particulier des hôpitaux de proximité rénovés, pourra constituer un lien privilégié ». 

 

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin