Dans le public comme dans le privé, le monde hospitalier, en quête de regain d’attractivité post-crise sanitaire, a d’abord pâti de l’instabilité politique qui a marqué 2024, stoppant nombre de chantiers et privant le secteur de toute visibilité.
Sur le plan financier, l’année a débuté difficilement dans les hôpitaux publics avec un déficit global estimé d’un milliard d’euros, qui n’a cessé de se creuser ensuite. Et un constat largement partagé de désillusion chez les blouses blanches : près de quatre ans après l’ambitieux programme du Ségur de la santé – sur le papier 19 milliards d'euros d'investissement, huit milliards d'euros par an pour revaloriser les métiers et une promesse de 15 000 recrutements dans le public –, les hospitaliers n’ont pas vu leur quotidien s’améliorer suffisamment vite à leurs yeux.
Le poids de la dette hospitalière, facteur bloquant pour les investissements médico-techniques, une des clés pour séduire les médecins, n’a pas disparu. Le Premier ministre Gabriel Attal a beau vanter le 15 janvier, lors de sa visite du CHU de Dijon, le « trésor » qu’est l’hôpital public, les pièces de monnaie ont davantage la couleur du plomb que celle de l’or.
Prise de becs
Au printemps, alors que la campagne tarifaire se prépare en coulisses, les grandes fédérations hospitalières (FHF pour le public, FHP pour le privé) s’écharpent déjà. Le patron des cliniques Lamine Gharbi le répète à qui veut l’entendre : 40 % de ses établissements sont en déficit, contre 24 % en 2021. Au nom des hôpitaux publics, Arnaud Robinet lui rétorque que le déficit cumulé du secteur a bondi de 50 % en un an. Qui dit mieux ?
Le gouvernement, à la recherche d’économies, rend son verdict le 26 mars : les tarifs des séjours hospitaliers pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) des cliniques connaîtront un coup de pouce de 0,3 % contre 4,3 % dans le public. Tollé immédiat du privé. Ces tarifs, tente-t-on de déminer à Ségur, sont la traduction de l’augmentation limitée (+ 3,2 %) des dépenses hospitalières prévue dans la loi de financement de la Sécu pour 2024.
Furieuses, les cliniques sont déterminées à se faire entendre. Déjà échaudée par les propos du ministre de la Santé Frédéric Valletoux sur l’obligation pour le privé lucratif de participer à la permanence des soins en établissements, la FHP déterre la hache de guerre et agite la menace d’une grève illimitée conjointe avec les spécialistes libéraux des cliniques, qui mènent leur propre bataille tarifaire contre l’Assurance-maladie (un projet de grève finalement avorté après les engagements du gouvernement).
L’affaire Pelloux relance le débat sur les VSS
C’est dans ce contexte inflammable qu’une autre bombe explose au printemps. Dans une enquête de Paris Match publiée le 11 avril, la Pr Karine Lacombe, cheffe de service à Saint-Antoine (AP-HP), accuse l’urgentiste Patrick Pelloux de « harcèlement sexuel et moral ». Cette affaire médiatisée relance le débat sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) à l’hôpital. Au micro de France Inter le 24 avril, Frédéric Valletoux le jure : « La culture de l’impunité, c’est terminé ! ». Des rencontres avec internes, médecins, directeurs d’établissement et représentants des Ordres professionnels sont stabilotés dans son agenda afin de faire émerger « des pistes concrètes d’ici à quelques semaines pour tourner la page de cette triste période », s’avance un peu vite le ministre.
Car au lendemain de l’échec de la majorité aux européennes, la décision surprise d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin pour relancer son quinquennat entraîne la suspension sine die de tous les chantiers en cours. En attendant les législatives du 30 juin et du 7 juillet, la représentation nationale comme l’action politique se retrouvent à l’arrêt. Au ministère de la Santé, les groupes de travail et les commissions sur la retraite des hospitalo-universitaires, les VSS et l’attractivité des carrières médicales à l’hôpital sont laissés en jachère.
Seules les élections professionnelles des praticiens hospitaliers, HU et contractuels, prévues de longue date le 18 juin (le dernier appel au vote remontait à 2019) parviennent à se maintenir dans la douleur, un bug informatique d’ampleur contrariant le dépouillement des urnes. Ce qui n’empêchera pas, une semaine plus tard, tous les syndicats hospitaliers de revendiquer à qui mieux mieux la victoire.
Rentrée sur les charbons ardents et douche froide
C’est dans ce paysage syndical rénové que la huitième ministre de la Santé d’Emmanuel Macron Geneviève Darrieussecq fait sa rentrée le 21 septembre. L’euphorie des JO étant passée, l’automne s’ouvre sur une étude de la FHF révélant que près de la moitié des établissements publics, déjà saturés, ont constaté une hausse de l’activité de leurs urgences cet été (lire aussi page 22). Et 39 % des hôpitaux pointent une dégradation de la situation.
Dès la rentrée, le lobby hospitalier réclame à l’unisson au gouvernement des rallonges financières pour pallier les difficultés liées aux ressources humaines et compenser les surcoûts de l’inflation. Les fédérations insistent sur la nécessité d’éditer une loi de programmation pluriannuelle. Avec désormais quelque… deux milliards d’euros de déficit attendu pour les hôpitaux publics et plus de la moitié des cliniques dans le rouge d’ici à la fin de l’année, tous les voyants sont allumés. Dans un contexte de graves tensions budgétaires, chacun redoute un tour de vis. Et de fait, début octobre, le budget de la Sécu (PLFSS 2025) du gouvernement Barnier est perçu comme une douche froide par l’ensemble du monde hospitalier (FHF, FHP, Unicancer, Fehap). évoquant une « santé sacrifiée sur l’autel de la compensation du déficit des caisses de retraite », tous réclament des financements en adéquation avec l’évolution démographique et épidémiologique et la prise en compte de l’inflation. Un budget finalement censuré et qui aboutira à renverser Michel Barnier et son gouvernement…
« Adoucir les souffrances à l’hôpital », la mission du Rire Médecin
Mayotte : « c’est une crise qui va durer des mois, voire des années »
Conseiller environnement, un métier qui veut du bien aux hôpitaux
Services saturés, généralistes isolés : la prise en charge des urgences psychiatriques scannées par deux députées