Alors que l'hôpital public traverse une crise sans précédent, plusieurs élus s'emparent du sujet pour en faire un argument de campagne des municipales. C'est aussi l'occasion pour les maires, écartés des instances de décisions hospitalières, de faire entendre leur voix.
« À portée de baffe ». C'est la distance qui sépare le maire de ses administrés, a un jour résumé avec humour l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin. À l'approche des élections municipales et vu l'ampleur de la crise que traverse l'hôpital public depuis un an, les édiles n'ont qu'à bien se tenir.
Pour nombre de candidats, le sujet va peser dans la campagne. Quand bien même les prérogatives des maires sur les questions hospitalières sont limitées (voir ci-dessous), leur poids politique peut se révéler décisif. Et nul n'ignore l'importance que revêt l'hôpital pour un territoire, aussi bien sur l'accès aux soins qu'en matière d'emploi et d'attractivité.
« La santé n'est pas une de nos compétences », expose clairement Benoît Arrivé, maire socialiste de Cherbourg-en-Cotentin (Manche) et candidat à sa réélection. Comme beaucoup de ses homologues, l'élu regrette le « peu de pouvoir » qui lui est accordé à la tête du conseil de surveillance de son centre hospitalier. Il dénonce même un « désengagement de l'État » qui l'oblige à s'emparer des questions de santé et les imposer dans la campagne. La pénurie médicale à l'hôpital est l'une d'entre elles. Depuis deux ans, Benoît Arrivé organise plusieurs fois par an un week-end à destination des internes pour leur faire découvrir les atouts de la région et les encourager à s'installer. David Margueritte, son concurrent LR dans la course à l'Hôtel de ville, surfe sur la même vague électorale en proposant la création d'une « agence d'attractivité » municipale en charge de la chasse aux praticiens hospitaliers. Ce dernier en est sûr : la santé sera « le principal sujet de la campagne ».
Peser sur les tutelles
À Alençon (Orne), Emmanuel Darcissac (LREM) et son adversaire Joaquim Pueyo (PS) ferraillent eux aussi à propos de l'hôpital. Le premier veut « avancer en priorité sur la modernisation de l'équipement actuel », dans la continuité de la rénovation décidée sous son mandat du service de réanimation et la réhabilitation prochaine des urgences. « La reconstruction fait partie des scénarios mais c'est un dossier qui prendra entre 5 et 10 ans », tempère le maire sortant.
Joaquim Pueyo préfère toquer en plus haut lieu pour financer la construction d'un nouveau bâtiment. « Il faut peser sur les tutelles ministérielles et l'ARS », assure le député socialiste, qui n'a pas hésité à interpeller Agnès Buzyn dans l'Hémicycle pour se faire entendre.
Candidat à sa succession à Ploërmel (Morbihan), Patrick le Diffon (LR) a bien l'intention de peser dans la gouvernance hospitalière. L'édile ne cache pas son inquiétude quant à l'avenir du centre hospitalier local, en grande difficulté financière avec 21 millions d'euros de déficit. Pour faire entendre ses « craintes », il prévoit de créer à l'échelle de l'agglomération un poste de vice-président chargé de la santé. L'objectif recherché ? « Aiguillonner les décisions prises par l'ARS et la direction du groupement. »
Avoir voix au chapitre
Dans ces élections, l'utilisation de l'hôpital comme argument de campagne ne relève pas d'initiatives isolées. Le sujet agite aussi les grandes métropoles. Représentante nationale de 2000 villes et communes, l'association France Urbaine a adressé le 23 janvier un courrier à Agnès Buzyn pour « redonner aux maires voix au chapitre » de l'hôpital et, plus largement, de la santé. Les signataires Jean-Luc Moudenc (Toulouse, LR), Johanna Rolland (Nantes, PS) et André Rossinot (Nantes, parti radical) y réclament « un plan structurel […] capable de garantir l'existence d'une offre hospitalière publique de qualité sur l'ensemble du territoire ».
Cette action forte reflète l'aspiration des élus à retrouver une place dans la gouvernance aussi bien des hôpitaux que des groupements hospitaliers de territoire (GHT) ou des communautés professionnelles et territoriales de santé (CPTS) libérale. Beaucoup n'ont pas digéré la loi Bachelot (interview p. 3). « Les maires disposent aujourd'hui d'une fonction d'alerte à la tête du conseil de surveillance, fonction importante mais insuffisante, analyse France Urbaine. Ils ne veulent plus être mis devant le fait accompli, ils veulent être un rouage de la machine pour les réformes à venir. »