C’est à l’initiative du collectif Emma Auclert qu’une manifestation a été organisée le 29 mai contre les violences sexuelles et sexistes dans le milieu médical, devant le ministère de la Santé. Des associations comme Osez le féminisme, le Collectif national pour les droits des femmes mais aussi le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), l’Union étudiante, Sud Santé sociaux ou encore l’observatoire des violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur étaient mobilisés pour « briser l’omerta » qui règne dans le milieu médical.
« Une santé sans agresseurs, on est là et on continuera d’être là même sous la pluie », clament Anne Leclerc (collectif national pour le droit des femmes) et quelques dizaines de courageux malgré l’averse.
Les demandes sont claires : la mise en place « en urgence » d’un plan ambitieux de prévention et de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles dans les universités et les établissements de santé publics comme privés. Avec des formations obligatoires, le retrait de toutes les fresques pornographiques (encore présentes dans certains hôpitaux malgré leur interdiction), la création d’une plateforme de signalement anonyme pour les patients, ou encore la protection effective pour tous les étudiants et professionnels signalant des violences sexistes et sexuelles.
Rendre l’hôpital sûr
La sénatrice et ancienne ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, se félicite de ce mouvement. En 2016 déjà, elle avait dressé le bilan catastrophique des violences sexuelles et sexistes et le manque de prise de conscience envers ces questions. « Ces comportements servent à dissuader les femmes de se sentir à l’aise dans leur métier et leur travail. Il y a un véritable enjeu : rendre l’hôpital sûr pour les femmes est un des moyens de le rendre attractif pour les femmes qui représentent la majorité des professions de santé. »
Certaines étudiantes, discrètes et anonymes, restent en marge du rassemblement, ne souhaitant pas témoigner. D’autres ont traversé les frontières pour apporter leur soutien. C’est le cas de Nina, en 6e année de médecine à Lausanne en Suisse. « Depuis quelques semaines, le mouvement français commence à se faire entendre. Ce qui est difficile dans le milieu hospitalier : nous avons peur des représailles et des conséquences sur notre carrière. Il est important de valoriser les mouvements comme celui-ci, et de leur donner une portée internationale. C’est pour ça que je suis venue le soutenir. »
Sylvie et Solène*, externes en 4e année de médecine, sont également venues avec cette ambition.Dans leur fac parisienne, elles ont pu être témoins de violences sexuelles et sexistes. « Ce qui s’est passé à Tours ne nous a pas étonnées. Nous avons eu une histoire similaire dans notre faculté. Chez nous, cela a été complètement passé sous silence. La victime n’a rien dit par peur des représailles », expliquent-elles.
Solène elle-même raconte avoir été victime d’attouchements par un interne lors d’une garde. Ces futures praticiennes souhaitent dénoncer « l’ambiance » délétère à l’hôpital. Des phrases sexistes, des commentaires « limites » de la part de chirurgiens viscéraux. « Lors d’une garde, notre professeur nous raconte qu’il a fait une garde avec une externe super mignonne, qu’il s’était dit qu’il allait conclure… Pour avoir une bonne note un clin d’œil fonctionne », relate-t-elle.
Raphaël* n’a lui jamais été victime de ces agissements mais il est venu soutenir la cause de ses amies. « Ce n’est pas tenable, quand on entend les chiffres, que l’on voit ça. Ce ne sont pas des cas isolés ou anecdotiques, ce n’est pas tolérable, c’est pour cela que je suis venu. »
Patient vulnérable
Mathilde Meunier, kiné, enseignante et aussi victime d’agression sexuelle, présente sous la bannière du collectif Nous toutes, a décidé de prêter main-forte. « Je me devais d’être là pour voir si les choses vont bouger ou pas. Je ne connais pas une soignante qui n’ait pas été victime d’un propos sexiste ou sexuel, de harcèlement ou d’agression. Les agresseurs sexuels sont moins inquiétés que des personnes qui commettraient d’autres délits, par exemple des fraudes financières », s’insurge-t-elle. Et de renchérir : « Le monde médical donne accès au corps, le patient est vulnérable. C’est compliqué de savoir ce qui est normal lors d’un toucher vaginal par exemple. »
Une délégation a été reçue par le cabinet de Frédéric Valletoux. En ce qui concerne l’affaire de l’étudiant de Limoges, condamné pour agression sexuelle, mais toujours en formation, le ministère aurait affirmé sa volonté d’« employer tous les leviers d’action pour agir contre ce cas », avec la tenue d’une commission disciplinaire.
Pour le reste, un groupe de travail a été mis en place, le ministre délégué à la Santé ayant promis des propositions concrètes d’ici à quelques semaines. Les associations présentes lors de la manifestation sont conviées aux réflexions le 7 juin, avant un plan d’action plus complet.
* Les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat.
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