L’hôpital public est un « grand malade », « on y met beaucoup d’argent, pour peu d’efficacité », a asséné vendredi dernier le Pr Philippe Juvin, député LR, dans le cadre d’un débat à l’Assemblée nationale sur le thème de « la crise de l’hôpital public ». Le chef du service des urgences de l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) considère que l’argent « ne va pas aux soins », qu’on « ne se soucie pas suffisamment du service rendu ».
Face à cette crise, il est, selon lui, urgent de résoudre les difficultés de recrutement en doublant le numerus clausus. À ceux qui rétorquent qu’il n’y a pas assez de terrains de stage, le Pr Juvin répond : « Il y en a partout », à condition de pouvoir former les étudiants « massivement partout, en dehors des CHU, dans le public et dans le privé ». L’ex-candidat à la primaire LR pour la présidentielle souhaite également que les médecins hospitaliers soient rémunérés « correctement ». Quant aux externes, ils doivent être payés au Smic horaire et non « 260 euros brut par mois ». Le médecin a donné l’exemple d’un PH retraité qui a accepté de revenir travailler à l’hôpital en janvier. « Il était au dernier échelon, il est réembauché comme attaché premier échelon… », se désole le Pr Juvin qui se demande comment des praticiens retraités voudraient « revenir travailler dans ces conditions ».
Englué dans l'administratif
Le chef des urgences de l’HEGP veut surtout que l’on fasse confiance aux soignants, comme pendant la pandémie. « Arrêtez de nous engluer dans des tâches administratives, donnez de l’autonomie, y compris financière, aux services », plaide le Pr Juvin. « Cessez de faire de grandes concertations, dont la première utilité est de gagner du temps, agissez et obtenez des résultats » a-t-il lancé.
Une critique de « réunionite » partagée par Damien Maudet (LFI-Nupes) qui reproche à François Braun d’avoir « passé six mois » à consulter, « à repousser toutes les solutions à plus tard ». Or, les services continuent à fermer et les urgences sont toujours engorgées, constate le député de la Haute-Vienne. Quant à la fameuse boîte à outils promise par le ministre, elle est « au mieux inefficace, au pire, une boîte remplie de marteaux », persifle Damien Maudet. « Quand les organisations demandent cinq milliards d’euros pour l’hôpital et que vous en donnez quatre, en vérité vous en volez un » et « creusez un peu plus la tombe de l’hôpital », juge Damien Maudet.
Quand Valletoux exaspère Marty
De son côté, Chantal Jourdan (Socialistes et apparentés) a plaidé pour que les budgets soient « prévus en fonction des besoins des malades et non sur la base d’une logique de rentabilité ». Des arguments balayés par la Dr Stéphanie Rist (Renaissance), persuadée que la majorité présidentielle a agi pour « appuyer un hôpital public délaissé depuis des années ». En 2018, le montant de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) était de 195 milliards dont 80,5 milliards pour les hôpitaux – contre « 170 milliards d’euros dont 74 milliards affectés aux établissements de santé » en 2012, a rappelé la députée du Loiret, rapporteure du PLFSS.
Un investissement salué par Frédéric Valletoux (Horizons), membre de la majorité. L'ancien président de la FHF a admis que l’hôpital était « en crise » mais a aussi souligné qu'il est « difficile de décorréler la situation que vivent les hospitaliers de celle que connaît le personnel de la médecine libérale, elle aussi profondément en crise ». « Les répercussions sont évidemment mutuelles » a-t-il souligné. Puis, il a nouveau rappelé que « 80 % des patients qui devaient être pris en charge en établissement (durant la crise sanitaire, NDLR) l’ont été par l’hôpital ». Une déclaration qui lui a valu les foudres du Dr Jérôme Marty sur Twitter : « Espèce d’enfoiré (…), les médecins généralistes ont payé le plus lourd tribut au #COVID19, plus de 50 sont morts d’avoir soigné, ils n’avaient rien pour se protéger. Vos paroles sont dégueulasses ».
Espece d’enfoiré ( faites moi un procés, attaquez moi devant @ordre_medecins ) les médecins généralistes ont payé le plus lourd tribut au #COVID19 , plus de 50 sont morts d’avoir soigné, ils n’avaient rien pour se proteger, j’ai eu plusieurs de leurs familles au tel à l’époque,… https://t.co/aVVq7LVomM
— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) May 6, 2023
La mise en application de la loi Rist sur le plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires a été vivement critiquée par un certain nombre de députés. À l’image de Jérôme Legavre (LFI-Nupes) qui considère qu’elle a provoqué la fermeture de services hospitaliers et la diminution des lignes de garde. Raison pour laquelle les personnels quitteraient l'hôpital, ce qui permet ensuite à l’exécutif de « justifier le caractère catastrophique de la situation par des réponses du type : "On ne trouve personne à recruter. " », tacle le député.
Une accusation battue en brèche par Agnès Firmin Le Bodo. La ministre juge cette réforme « réussie », parce que « nous n’avons pas reculé, là où beaucoup prédisaient un échec ». Elle salue au contraire la « dynamique de solidarité territoriale » qui a permis d'élaborer des solutions « partout, au cas par cas ». Et compte aller plus loin, en inscrivant dans la loi « son interdiction (l’intérim, NDLR) en début de carrière », via la proposition de loi déposée par Frédéric Valletoux.
Les trois priorités du gouvernement
La ministre a enfin rappelé les trois priorités du gouvernement pour déployer une nouvelle organisation hospitalière. Il s’agit de « conforter la place du service au cœur de l’organisation des soins et de donner aux équipes la fluidité et la marge de manœuvre pour s’organiser de façon autonome et responsable ».
Autres axes : rénover la gouvernance en installant à la tête des établissements un tandem administratif et médical, « pour bâtir des projets d’établissement partagés ». Enfin, il convient de sortir du « tout T2A » à l’hôpital, dès la prochaine loi Sécu. « Nous ne réglerons pas les problèmes de l’hôpital public en un claquement de doigts, mais en posant, l’une après l’autre, les briques de sa refondation », a conclu Agnès Firmin Le Bodo, persuadée d’être « sur la bonne voie ».
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