Dans un contexte de pénurie médicale et de vacance de postes dans de nombreuses spécialités à l’hôpital, le temps de travail additionnel (TTA) est souvent l’arme des établissements de santé pour maintenir l’offre de soin avant le recours à l’intérim médical.
Pour y voir plus clair, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare) a réalisé en septembre 2024 une enquête flash de 72 heures auprès de ses délégués dans les hôpitaux. 36 établissements de toute taille ont adressé leurs réponses, avec différentes spécialités couvertes (dont une majorité d’anesthésistes-réanimateurs). Résultat, le syndicat constate des « dysfonctionnements dans de très nombreux établissements », qui ont trait aussi bien à l’absence de contrat conforme de temps de travail additionnel, au non-respect du choix d’options (rémunération, récupération ou versement au compte épargne-temps) et à la persistance au « TTA de nuit » à des tarifs « méprisants ».
Des contrats à la carte ?
L’enquête met d’abord en évidence l’absence d’uniformisation dans la rédaction des contrats de TTA (quand ils existent), pourtant censés être obligatoires et encadrés. À la question « Mon établissement propose-t-il un ou plusieurs contrats de TTA ? », plus d’un quart (27,8 %) mentionne des contrats différents en fonction des services, 36,1 % proposent des contrats… mais pas pour tous les services et 16 % n’en proposent pas. L’existence d’un modèle identique pour la gestion des heures supplémentaires semble donc être l’exception.
Deuxième enseignement : la rémunération est encore loin d’être dans les clous pour tous les établissements. « Théoriquement, le PH doit être réglé en TTA de jour, alors même qu’il est inférieur au taux horaire de journée à partir de notre quatrième échelon », avance le Dr Mathieu Brière, PH en anesthésie-réanimation, secrétaire général adjoint du Snphare en charge de la collecte de l’enquête. Or, encore 20 % des répondants mentionnent une rémunération mélangeant le TTA de jour et de nuit. « Cette pratique fait passer la rémunération supplémentaire à trois fois rien… », se désole le responsable syndical. Selon le Snphare, l’indemnisation sous forme de TTA de nuit « fait perdre 100 euros à chaque nuit de garde » et ne devrait donc plus exister depuis 2017…
Écarts de pratiques
Quant au montant de la demi-journée de TTA, l’enquête illustre les écarts de pratiques. Certes, dans les trois quarts des cas, la rémunération est de « 168,80 euros » pour tous les services, mais il existe des montants différents en fonction des services dans 20 % des situations (sans compter des arrangements locaux).
Autre problème, le principe du volontariat avec choix d’options n’est pas toujours respecté en matière de TTA, entre paiement, récupération ou compte épargne temps. Et quand il est rémunéré, le TTA est payé sur une base forfaitaire « conduisant à une rémunération horaire inférieure à la rémunération horaire de base, contrairement aux heures supplémentaires des autres salariés qui peuvent être majorées de 25 à 50 % », se désole le Snphare.
Flou artistique
La difficulté des syndicats à faire respecter le cadre des heures supplémentaires est entretenue par le flou des hôpitaux, qui tablent sur l’absence de définition précise de la demi-journée de travail et qui ne procèdent à aucun décompte précis au-delà de la durée légale, accuse le Snphare. Selon le Dr Mathieu Brière, « quand l’agence régionale de santé demande aux établissements de répondre à des enquêtes, ces derniers n’ont aucune obligation de le faire ».
Dans ce contexte, l’organisation de praticiens hospitaliers (membre de l’intersyndicale APH) demande à tous les établissements de se mettre en règle, en proposant des contrats de TTA « conformes et revus annuellement », en respectant les choix d’options pour les praticiens à l’issue de chaque quadrimestre, et en les rémunérant uniquement en « TTA de jour ». Quant à la mention « TTA de nuit » dans les textes réglementaires, elle doit être « supprimée dans les plus brefs délais ».
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