Un défaut d'organisation ou une faute médicale peuvent coûter cher. Dans son dernier panorama du risque, l'assureur Sham évalue à 269 258 euros le coût moyen par condamnation au 31 décembre 2015. 19 dossiers ont abouti à des indemnisations supérieures à un million d'euros – dont 10 relatifs à l'obstétrique. À elle seule, la chirurgie représente 354 décisions de condamnations (dont 161 en orthopédie). Florilège.
Dans un service de chirurgie urologique, un patient a fait une réclamation à la suite d'une prostatectomie radicale effectuée sous cœlioscopie par un chirurgien libéral. Des complications sont intervenues en postopératoire, nécessitant une intubation et un transfert vers un centre hospitalier pour un scanner, la clinique n'en possédant pas. Une péritonite stercorale a été découverte, dont le patient gardera des séquelles. Le juge a retenu ici la responsabilité du praticien libéral qui ne doit réaliser des interventions « que s'il peut assurer un suivi postopératoire adapté en cas de complications ». Il lui appartenait de vérifier qu'il disposait sur place le matériel nécessaire pour des examens complémentaires. La clinique est également tenue responsable, car elle doit veiller à ce que les actes pratiqués en son sein « puissent faire l'objet d'une prise en charge avec le matériel adéquat en cas d'urgence ». Sinon, elle doit les refuser.
Manque d'organisation du service
En psychiatrie cette fois, les hôpitaux sont très régulièrement mis en cause pour des défauts de surveillance. Un établissement a ainsi été tenu responsable… de la fugue d'un patient, poursuivi par la justice pour tentative de vol avec violences, mais qui bénéficiait d'une relaxe pour irresponsabilité pénale en raison de troubles psychiatriques graves. Conduit aux urgences psychiatriques pour obtenir l'avis médical nécessaire avant une hospitalisation d'office, il s'échappe peu de temps après son admission et avant d'avoir été examiné. Lors de sa fugue, sous l'empire d'un état délirant, il agresse une personne à l'arme blanche. Selon l'expertise, le médecin psychiatre de garde, auquel le patient a été remis par la police, a eu le temps de constater son état instable. Il s'avère également que le patient a pu s'enfuir par une porte du service, qu'il connaissait pour y avoir déjà été soigné. Le tribunal a qualifié les faits de « défaut d'organisation du service et de surveillance de l'établissement ». Il revenait à ce dernier « de prendre les mesures adaptées à l'état psychiatrique du patient placé sous sa garde ». Les juges ont donc condamné solidairement l'État et l'hôpital à indemniser les préjudices de la victime.
Information et perte de chance des patients
Les services d'urgences et SAMU ont leur lot de condamnations (89 dossiers). Exemple : un homme qui présente des symptômes inquiétants (déficit moteur du bras gauche, dérobement des membres inférieurs) se rend aux urgences d'un CHU après consultation de son médecin traitant et de son cardiologue, qui suspectent un AVC. Au CHU cependant, on diagnostique une simple anxiété et on autorise le patient à retourner à son domicile. Le lendemain, il présente un AVC. Le juge estime que d'après les « manquements fautifs commis et les antécédents coronariens du patient, le diagnostic erroné, le retard de prise en charge et l'absence de mise en place d'un traitement anticoagulant ont entraîné une perte de chance évaluée à 68 % de se soustraire à l'AVC, et aux séquelles afférentes ». L'hôpital a été condamné.
S'agissant de la sinistralité des professionnels de santé, l'obstétrique représente le quart des réclamations et 63 % des coûts. Les dossiers portent sur le suivi de grossesse (absence de diagnostic d'une malformation fœtale principalement) et sur les conditions de l'accouchement (incidents lors d'accouchements par voie basse, retards dans l'exécution d'une césarienne, dystocie des épaules). Dans ces dossiers, au-delà de la qualité de la prise médicale, les professionnels n'échappent pas à la mise en cause sur le fondement de l'information patient, souligne Sham. Les juges analysent à la fois l'« ampleur de la chance perdue » et le préjudice moral d'impréparation (aux risques encourus).
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