Aux urgences, l'attente peut tuer selon une étude britannique

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Publié le 19/01/2022
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Crédit photo : Phanie

Attendre plus de cinq heures aux urgences avant qu'une décision d'hospitalisation ne soit prise expose à un surrisque de mortalité dans les 30 jours, selon une étude observationnelle menée à partir des données de plus de 5 millions de patients britanniques et publiées dans « Emergency Medicine Journal ». Selon les chercheurs et informaticiens anglo-américains, au-delà de six à huit heures d'attente, la surmortalité est estimée à un décès supplémentaire tous les 82 patients hospitalisés.

Ce travail a été effectué dans le cadre d'une réflexion sur la stratégie hospitalière mise en place au Royaume-Uni à partir de 2004, visant à organiser les urgences pour qu'il ne s'écoule jamais plus de quatre heures entre l'admission et le transfert en hospitalisation ou le renvoi à domicile du patient. « Au cours des dernières années, la capacité des hôpitaux à atteindre cet objectif a progressivement décliné », précisent en préambule les auteurs, qui attribuent ce phénomène à un afflux toujours plus massif de patients, non compensé par l'augmentation des moyens. Le pays diffère mais les problèmes restent les mêmes…

Un taux de décès de 9 %

Les chercheurs ont puisé leurs donnés dans la base du « Hospital Episode Statistics and Office of National Statistics » qui couvre l'ensemble des dossiers de patients admis aux urgences hospitalières anglaises. Ils ont comparé les risques de décès à 30 jours, en ajustant pour l'âge, le sexe, les éventuelles carences alimentaires, l'heure et le moment de l'année, l'affluence à l'accueil des urgences et les antécédents d'hospitalisation.

Entre avril 2016 et mars 2018, 5,25 millions de personnes, d'un âge moyen de 55 ans, ont été hospitalisées à la suite d'un passage aux urgences. Parmi elles, 433 962 sont mortes dans les 30 jours qui ont suivi, soit un taux moyen de décès de 9 %. Les auteurs ont constaté que les patients originaires de zones défavorisées avaient un risque de décès doublé par rapport à la population générale. Par ailleurs, seulement 38 % des patients hospitalisés ont attendu moins de quatre heures. Le temps moyen d'attente restait toutefois légèrement inférieur à cinq heures.

Les chercheurs ont constaté, au-delà de cinq heures d'attente, une augmentation linéaire du risque de mortalité. En tenant compte des facteurs confondants, le risque de décès était 8 % plus élevé chez les patients ayant attendu six à huit heures que chez ceux ayant attendu moins de six heures (soit un décès supplémentaire tous les 82 patients) et de 10 % plus élevé chez ceux qui ont attendu entre huit et douze heures.

Les engorgements des urgences survenaient, selon les données collectées par les auteurs, dans des périodes de fort niveau d'occupation des lits, généralement vers la fin de l'après-midi. Un nombre très important de retards de transfert de patients ont en outre été observés au cours de la nuit, quand le personnel est moins nombreux.

Les auteurs estiment que les effets de l'allongement de l'attente aux urgences doivent être explorés plus avant. « La mortalité à 30 jours est un critère relativement brut de jugement, rappellent les auteurs. Cela ne tient pas compte des augmentations de la morbidité des patients ou de leur mauvaise expérience. De plus, il s'agit d'une étude observationnelle qui ne peut donc pas établir de lien de cause à effet. »

Fixer des durées limites de séjour dans les services d'urgences

Les auteurs proposent toutefois quelques hypothèses afin de relier les deux phénomènes : un séjour prolongé en service d'urgences peut provoquer des engorgements dans l'hôpital et retardé l'accès à des soins considérés comme vitaux. En outre, il est associé à une augmentation de la durée d'hospitalisation, en particulier chez les patients âgés, ce qui augmente le risque d'infection nosocomiale et de décompensation psychologique.

« Cette étude confirme que les politiques de santé publique doivent fixer des durées de séjour limites dans les services d'urgence et fournir les moyens de les respecter, afin de protéger les patients de dommages induits par les longs séjours hospitaliers », concluent les auteurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr