Violences obstétricales : les recos de l'Académie face aux « pratiques humainement défaillantes »

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Publié le 21/09/2018
violence obstetricale

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Crédit photo : S. Toubon

Améliorer la formation des soignants quant à l'autonomie des femmes enceintes ou optimiser la prise en charge de la douleur en obstétrique… À l'heure où les violences obstétricales (tout acte, posture ou intervention non approprié ou non consenti par la femme) font régulièrement l'actualité, l'Académie nationale de médecine propose des axes d'amélioration dans un rapport sur la bientraitance en obstétrique et le fonctionnement des maternités, qui fait également état de nombreux motifs d’insatisfaction exprimés par les patientes. 

88% des patientes satisfaites mais…

L'Académie souligne que si des critiques ont pu être « légitimement formulées à l’encontre du fonctionnement des maternités » et certains comportements individuels jugés « indignes et inacceptables », les très bons résultats en matière de sécurité de la naissance (baisse de la mortalité maternelle, périnatale, meilleur accès à l'analgésie obstétricale) n’autorisent pas une mise en cause « globale, outrancière et injuste » des professionnels, comme c'est parfois le cas. « Ceux-ci peuvent, au contraire, être légitimement fiers des résultats obtenus », affirme les académiciens. Par exemple, 88 % des patientes sont satisfaites par la prise en charge de la douleur au cours et au décours de leur accouchement, selon l'enquête périnatale réalisée par l'INSERM en 2016 et citée dans le rapport.

Sans fermer les yeux, l'Académie liste des critiques de femmes qui pointent « le manque d’écoute et de prise en charge lorsque [les parturientes] expriment leur douleur et leur ressenti », un  manque d’information sur les problèmes, les enjeux, les décisions à prendre, les gestes pouvant être ou non réalisés, avant, pendant et après l’accouchement. Autres griefs : le non-respect de l’autonomie des femmes lors du déroulement de l’accouchement, et notamment la position, l'utilisation de l’oxytocine, l'épisiotomie, la présence du père en cas de césarienne. Pire : elles font le constat de « paroles, postures, actes inappropriés, voire réalisés en contradiction avec les recommandations de pratique clinique (RCP, expression utérine) ou sans argument scientifique suffisant », et de « non-respect de la pudeur et de l’intimité, en particulier lors de la réalisation des gestes intrusifs, toucher vaginal, révision utérine, etc. »  

À cela s'ajoutent des pratiques qui varient d'une maternité à une autre, souligne l'Académie. Pour les césariennes, le taux varie par exemple de 14,5 % à 29 % dans les maternités de type II du réseau périnatal Aurore, qui rassemble 26 structures en Auvergne Rhône-Alpes. Décriée, la pratique de l'épisiotomie est aussi très disparate : de 7,4 % à 33,5 % au sein du réseau Aurore. 

« Tous ces défauts dans la qualité de la prise en charge peuvent entraîner des perturbations psychologiques analogues à un état de stress post-traumatique, qui toucherait près de 5 % des patientes [...] et s’avère le plus souvent la conséquence de pratiques obstétricales au quotidien, techniquement irréprochables, mais humainement défaillantes », indique le rapport.

Information n'est pas consentement

Pour faire évoluer les pratiques « afin de mieux répondre aux attentes des femmes et de restaurer la confiance entre soignants et usagers », l'Académie présente ses recommandations. 

Il faut tout d'abord améliorer la formation initiale et continue des soignants à l'information et au respect de l'autonomie des femmes enceintes. Les revues de mortalité et de morbidité (RMM) pourraient être étendues aux situations difficiles, aux incidents, aux plaintes en l’absence de conséquence grave sur la santé des parturientes ou de leur nouveau-né. L'Académie plaide aussi pour un respect de la réalisation de l'entretien prénatal précoce au quatrième mois, l'élaboration d'un projet de naissance et des prises en charge adaptées à la situation médicale et aux attentes de chaque couple.

Il faut par ailleurs inciter les maternités à se mettre en conformité avec les recommandations de pratique clinique et en informer les femmes. « Le consentement est trop souvent confondu avec l’information qui doit suivre après un temps nécessaire d’assimilation et de réflexion de la part des femmes, écrit l'Académie […]. La connaissance des RPC qu’ont les femmes enceintes peut être exacte ou biaisée par l’interprétation qu’elles en font ou qui en est faite par les supports internet ou par les réseaux sociaux. » 

La douleur et sa prise en charge doivent être évaluées et optimisées. C'est une « priorité ». 

Des normes d'effectifs des personnels doivent être établies et respectées en salle de naissance, qui doivent par ailleurs pouvoir « coexister» avec des secteurs physiologiques, « pour les patientes à bas risque, moins médicalisés (déambulation, analgésies alternatives, monitoring discontinu) »

Enfin, pour plus de transparence et de pertinence, les résultats des maternités doivent être évalués « en continu » et rendus accessibles au public.


Source : lequotidiendumedecin.fr