Crise sanitaire et vent de réforme sur les études médicales : les tutorats sont en plein remue-méninges en cet automne 2020, à l'aube de nouveaux défis.
Incarnation du compagnonnage médical, ces structures associatives ou corpos composées d'étudiants qui proposaient jusqu'à présent de préparer leurs pairs au concours couperet si redouté de la PACES, doivent aujourd'hui faire leur révolution. Leur challenge ? Assurer l'information et l'entraînement des promotions concernées par les nouvelles voies d'accès aux études de santé sélectives — PASS (parcours spécifique accès santé) et LAS (licences avec option accès santé) — tout en apportant le cas échéant un soutien moral aux élèves en difficulté.
Et ce n'est pas de tout repos! Les néobacheliers, qui ont plébiscité à nouveau les filières de santé en 2020, sont souvent désorientés. « Nous avons reçu énormément de questions sur la réforme elle-même et son fonctionnement, explique Lucine Ramaut, vice-présidente des tutorats de l'Association corporative des étudiants en médecine de Lille (ACEML). À Lille, nous avons un PASS et 14 LAS, à Strasbourg, ils ont 11 PASS mais pas de LAS, il faut digérer tout ça quand on est bachelier. »
Epreuves grises
L'organisation des « tutos » est en partie à repenser. Désormais, il n'y a plus de concours ni de numerus clausus national mais des partiels et des épreuves d'admissibilité sous forme d'oraux pour les deux types de formations PASS et LAS. Demain, chaque université déterminera le nombre de places qu’elle ouvrira en deuxième année en concertation avec l’ARS afin de répondre aux besoins locaux.
La préparation aux partiels PASS occasionne sans doute le moins de changements. Le programme de révision est, de fait, un copié-collé de celui de la PACES. À Lille, les séances de tutos passent toujours par des entraînements QCM, mais aussi de la méthodologie, de l'aide à la rédaction dans le cadre des cours de sciences humaines et sociales (SSH). L'organisation de « concours gris » est remplacée par des « épreuves grises » : trois fois par semestre les étudiants passent des partiels en condition réelle. « Les unités d'enseignements sont les mêmes mais elles ne sont pas forcément enseignées au même semestre que l'année précédente », ajoute Lucine Ramaud.
Toutefois, crise oblige, les tutorats ont enclenché la vitesse supérieure avec le numérique. Beaucoup de séances se font aujourd'hui à distance. Les étudiants s'entraînent aussi davantage aux QCM sur l'appli gratuite tutoratsante.com.
Points clés
En dehors du PASS, l'un des défis des tuteurs est de coacher les étudiants en licence LAS, peu familiers de ce type de soutien. Ce qui nécessit des adaptations. Les étudiants LAS suivent, en parallèle de leur licence classique, un module santé, sorte de condensé du PASS avec les points clés en anatomie, physiologie ou histologie, incontournables avant la 2e année. Il faut aussi les préparer à la méthodologie, répondre à leurs questions scientifiques. Problème ? Ces étudiants ne vont pas au même rythme que ceux de la filière PASS. « Ils ont des séances d'entraînement aux QCM mais le niveau est à adapter car ils n'ont pas le même volume horaire de cours santé que les PASS. Ça demande une réflexion pour les intégrer au tutorat », commente l'Association nationale des étudiants de médecine de France (ANEMF).
Le défi organisationnel est aussi plus compliqué. Les étudiants LAS ne sont pas forcément sur le campus santé mais répartis dans plusieurs autres facultés. À Tours par exemple, le tutorat organise l'entraînement des jeunes à distance. Ils font des « khôlles » (ou colles) d'une heure sur une plateforme en ligne avant de télécharger la correction sur le site. Si le côté humain est forcément moins présent, le président du tutorat santé de Tours, Alban Lecomte assure que l'équipe est facilement accessible. « On organise des permanences "tuteur" dématérialisées sur des créneaux particuliers et on se déplace une fois par semaine à Orléans pour distribuer des supports de cours et répondre aux questions ».
Ne pas recracher un discours stéréotypé
En plus des partiels PASS et LAS, les tutos doivent préparer les jeunes aux deux oraux de sélection prévus dans les épreuves d'admissibilité. Avec une difficulté de taille : les modalités de ces fameux oraux organisés par les facs sont encore floues. Mais les consignes sont déjà prêtes : les étudiants devront éviter de recracher par cœur un discours formaté. La réforme est censée réduire la part de bachotage systématique au profit d'exercices permettant de recruter des profils plus variés. On jugera la capacité d'un jeune à convaincre, à résoudre un problème, se présenter ou présenter une problématique...
La faculté d'Angers qui a instauré une PACES adaptée dès 2015 (PluriPASS), permettant de se réorienter plus facilement en cas d’échec, a quelques années d'expérience. Les séances d'entraînement donnent aux jeunes des clés pour la prise de parole ou la gestion du stress. « On organise des mini-TD pour leur apprendre à concevoir une diapo efficace, structurer leurs idées, définir le temps à accorder à une introduction, se présenter ou analyser des documents », explique Manon Charleux, vice-présidente réseaux du tutorat. L'équipe bénévole propose deux oraux blancs pour se mettre en condition réelles d'examen. « Un étudiant joue un rôle et présente un problème, comme le vécu d'un licenciement économique, le candidat doit réagir à cette situation, l'objectif étant de voir ses capacités d'écoute et relationnelles », poursuit-elle.
Les tutorats sont déjà en ordre de bataille. Dès que les modalités seront fixées, les jeunes définiront un programme de préparation et d'accompagnement concret... pour le second semestre.
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