À Miradoux, dans le Gers, l'assistante médicale est devenue la « fée du cabinet » 

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Publié le 01/10/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Je suis une pionnière ». Le Dr Isabelle Ballenghien ne cache pas sa fierté. Partageant son cabinet avec un praticien retraité à mi-temps, deux infirmiers et un kinésithérapeute, la généraliste de 56 ans a créé sans le savoir un nouveau métier qui vient de s'inviter dans l'actualité.

Depuis 2013, elle fonctionne en tandem avec une « assistante médicale polyvalente », profession dont les mérites sont aujourd'hui vantés par Emmanuel Macron. Lors de la présentation du plan Santé, le chef de l'État a annoncé la création de 4 000 assistants médicaux à l'horizon 2022 pour décharger les généralistes et spécialistes libéraux d'actes simples, et leur rendre ainsi du temps médical. « Si mon modèle peut aider, tant mieux, lance du tac au tac le Dr Ballenghien. Grâce à mon expérience du travail en équipe aux urgences, j’avais une idée très précise de ce que je voulais ».

Après plusieurs années de remplacement à Miradoux (Gers), un bourg rural de 500 habitants, cette originaire des Pyrénées a décidé de s'y installer. Il y a cinq ans, son chemin a croisé celui d’Anne-Laure, 34 ans, aide-soignante de profession et disposant d'un diplôme de secrétaire médicale. « Je travaillais à l’hôpital d'Agen mais j’avais des problèmes de dos. Le Dr Ballenghien connaissait mon parcours et m’a proposé de travailler avec elle », raconte la jeune femme.

Fiche de poste

Depuis 2013, Anne-Laure remplit les missions détaillées dans sa longue fiche de poste d'assistante médicale. Elle prend en charge toutes les tâches administratives chronophages pour le médecin : tri et suivi du courrier, archivage des comptes rendus, classement des dossiers médicaux, création des dossiers patients (historique, antécédents, vaccination, traitement, organisation des dépistages…). « Je fais ce travail dès que j'ai un moment de libre. Ma priorité c'est le patient », insiste-elle. L'entretien des locaux, le ménage, le rangement, les DASRI (déchets d'activités de soins à risques infectieux et assimilés) sont également inscrits dans ses missions.

Chaque jour, la jeune assistante est chargée d'accueillir les patients, de répondre aux différents téléphones, de gérer l'agenda et les urgences. « C’est moi qui organise les rendez-vous. Un renouvellement peut attendre 8 jours. Quant à une angine ou une infection urinaire, c’est au jour le jour. Au téléphone, je prends déjà le maximum d’informations médicales – température, retour de voyage, fièvre », répond-elle entre deux coups de téléphone. En cas de doute, elle n'hésite pas à déranger le médecin pour faire valider sa décision.

Avant d'être reçus par le médecin, les patients passent entre les mains d'Anne-Laure, qui respecte scrupuleusement le déroulement. Dans une pièce à part, elle prend la tension, la température et les pèse. Au cas par cas, elle peut être amenée à désinfecter des plaies, retirer des points de suture ou des bouchons d'oreille, faire des streptatests, réaliser des EFR ou des ECG. En revanche, pas question pour elle de vacciner ou de faire des prises de sang dans ce périmètre. 

Pour ce travail au cabinet, Anne-Laure perçoit un salaire de 890 euros net pour un très gros mi-temps (28 heures par semaine), soit 15 915 euros (chargés) par an, salaire financé par le Dr Ballenghien. « Grâce à mes gardes de nuit profonde, j''arrive à financer seule ce poste, sans aucune aide de la région ou de la mairie », confie le médecin. 

Moins de stress, plus de patients

Grâce à cette organisation inédite, le médecin a pu augmenter sa clientèle. « Par exemple, 60 nouveaux patients de plus sur les trois derniers mois », précise-t-elle. « La population est âgée, la densité médicale dans le secteur est fragile. Sur Lectoure, une ville proche de Miradoux, trois médecins sur six vont partir à la retraite. Il fallait agir pour assurer l'accès aux soins aux patients », justifie le médecin.

Cette manière de fonctionner semble enchanter les patients. Maryse, originaire de Montauban, est élogieuse. « J’ai appelé partout pour trouver un médecin quand je suis arrivée à Miradoux. Seule le Dr Ballenghien a accepté de me prendre. Si tous les médecins pouvaient faire comme elle, les patients n'auraient pas de problème...». Anne, autre patiente, partage cet avis. « J’ai connu des médecins pressés, stressés, n'ayant pas le même fonctionnement. Aujourd'hui, je me sens en confiance. Le Dr Ballenghien a l'esprit léger, elle prend le temps pour m'écouter », reconnait-elle.

Mélody, jeune interne en SASPAS (stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisé) est séduite. « J'ai bien l'intention de m'installer à Lectoure et de convaincre les médecins de la commune de recruter une assistante médicale. C'est une consultation en deux temps qui me permet de dégager du temps pour davantage de relationnel avec les patients ».

Se concentrer sur l'acte médical 

Tout n'a pas été simple pour autant. Le Dr Ballenghien précise qu'« au début, des infirmiers ont un peu contesté » ce modèle d'assistante médicale polyvalente. Présente ce matin au cabinet, Marion, infirmière libérale, rassure. « Il n'y a pas de concurrence avec nous car les activités sont faites en amont de la consultation médicale. Mais il faudra prévoir un cadre réglementaire clair pour savoir quelles seront les tâches susceptibles d’être déléguées ou pas », affirme-t-elle.

Après cins ans de fonctionnement, le duo a le sourire. La généraliste avoue ne plus pouvoir se passer de « sa fée du cabinet ». « Elle me permet de me concentrer sur l’acte médical, le diagnostic, le renouvellement, l'accompagnement des enfants en difficulté. Bref, ce qui m’importe c’est de gagner en temps médical ». Quant à Anne-Laure, l'assistante médicale, l’annonce « inattendue » d’Emmanuel Macron est une forme de reconnaissance de son métier. « J’aimerais avoir un statut et une formation notamment sur le logiciel médical », espère-t-elle.

Alors qu'une réflexion s'amorce sur ce nouveau métier, le Dr Ballenghien est formelle : « J'y vois une opportunité pour les aides-soignantes en difficulté dans leur travail, pour des raisons de santé par exemple, de se reconvertir. Ces professionnels ont déjà l’expérience du métier... ». 

De notre envoyée spéciale Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin: 9690