Rififi chez les étudiants en médecine : le président de l’Anemf destitué pour « manque de transparence et d’écoute »

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Publié le 15/03/2022

Crédit photo : S.Toubon

Coup de théâtre chez les carabins. Au beau milieu de ses Journées étudiantes de printemps, l'assemblée générale de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) a décidé de destituer ex abrupto son président, Nicolas Lunel.

« Une accumulation de petites choses »

C'est ce dimanche à Grenoble, en fin de matinée, que l’assemblée générale de l’association a voté une motion de défiance à l’encontre de l’étudiant toulousain. Un scrutin exceptionnel réunissant la cinquantaine d’administrateurs – des représentants locaux – de la centrale. Un vote à la majorité a décidé du sort du jeune président de l’Anemf, censé finir son mandat en juin prochain.

« Personnellement, je ne m’y attendais pas du tout  », confie au « Quotidien » Joséphine Breda, encore secrétaire générale de l’Anemf ce week-end, mais propulsée au rang de présidente par intérim, conformément aux statuts de l’association. Depuis plusieurs mois pourtant, les administrateurs de l’Anemf – 37 associations représentatives locales, quelques tutorats – mettaient en garde leur bureau national. « C’est une accumulation de petites choses qui ont conduit à ce rebondissement, mais je ne pensais pas rentrer de Grenoble en étant présidente », poursuit Joséphine Breda, externe en 4e année de médecine à Dijon.

Rupture de confiance

Pudiquement, l’Anemf justifie la destitution de Nicolas Lunel par « un manque de transparence, d’écoute et de co-construction de la part du président ».

Alors que l’association étudiante doit batailler depuis la rentrée sur la mise en place de la réforme du deuxième cycle – encore largement inaboutie et bancale pour les externes – et à quelques semaines de l’élection présidentielle, les administrateurs de l’Anemf ont estimé que leurs propositions « n’avaient pas été toujours écoutées et qu’ils ne voyaient pas les fruits de leurs remarques », détaille au « Quotidien » Rozenn Cillard, porte-parole de l’Anemf. « Les représentants étudiants locaux sont chargés de faire remonter au bureau national les problématiques de terrain dans toutes les villes », rappelle Rozenn Cillard. Un « dialogue continuel qui repose sur une relation de confiance », ajoute-t-elle ainsi que sur un fonctionnement ascendant.

L'Anemf est, en effet, administrée par les élus locaux, le bureau national est chargé de porter les revendications auprès des interlocuteurs concernés, comme le ministère de la Santé ou de l'Enseignement supérieur et de la recherche. « Ce n'est pas nous, le bureau, qui décidons », explique, en d'autres termes, Joséphine Breda. Or, depuis plusieurs mois, la communication entre Nicolas Lunel et les élus semblait difficile voire rompue. Malgré les alertes, « les administrateurs ont soulevé une rupture de confiance et un manque de remise en question », précise Rozenn Cillard.

Décision « difficile »

La révocation de Nicolas Lunel « a été mûrement réfléchie, pendant de longues heures de débats », se souvient la porte-parole de l'Anemf. Du côté des représentants locaux d’étudiants, on évoque une décision « difficile » « mais nécessaire afin d’assurer l’avenir de l’association », rapportent par exemple les représentants des étudiants en médecine de Rennes. « Nous avons relevé de nombreux manquements en termes de transparence et de rigueur de la part de Nicolas Lunel, mettant en péril la crédibilité auprès de nos interlocuteurs, nous avions perdu confiance en son travail », écrivent sur les réseaux sociaux les carabins rennais, qui regrettent que ces manquements aient entraîné « un manque d’évolution sur des sujets importants, impactant directement la remontée des revendications ».

Si, pour l’heure, le bureau de l’Anemf, composé de 29 étudiants, se garde bien de citer des exemples précis de défaillance, les représentants des étudiants de Reims décrivent pour leur part quelques points de crispation, comme « le manque d'exécution des missions demandées, un manque de formation initiale, des défauts de portage politique sur la réforme du deuxième cycle, une administration de la FAGE défaillante et surtout des omissions trop importantes à l’Assemblée générale depuis un certain temps ».

« Aucune tension personnelle »

L’Anemf veut toutefois aborder la destitution de Nicolas Lunel avec apaisement. En interne, on précise « qu’il n’y avait aucune tension personnelle, la motion ne portait pas sur Nicolas en tant que personne, mais en tant que président ». La centrale tient à remercier l’étudiant toulousain pour son engagement et son « investissement profond et sincère ».

« Cette décision de l’assemblée générale est lourde symboliquement et historiquement et nous allons travailler main dans la main pour offrir un nouveau départ à la structure », espère Rozenn Cillard. La révocation d’un président en exercice n’est néanmoins pas une première pour l’Anemf. La dernière remonte à 2014, où une motion de défiance avait été déposée le dernier jour du mandat du président.

Depuis cette annonce inattendue, la passation s’organise. Ce mardi soir, les membres du bureau doivent se réunir pour « tout remettre à plat et reprendre les sujets en cours », explique Joséphine Breda. Avec un agenda d’externe chargée, elle n'envisage pas de se présenter aux élections, qui auront lieu d’ici 15 jours pour désigner un – ou une – nouvelle présidente.


Source : lequotidiendumedecin.fr