Grève des juniors

Une « journée sans internes » dans les hôpitaux pour intensifier la pression

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Publié le 28/04/2023
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Unies, les organisations d’internes et d'étudiants en médecine appellent leurs troupes à ne pas se rendre au travail dans les services hospitaliers ce vendredi 28 avril. Double objectif : faire la démonstration de leur rôle essentiel au bon fonctionnement de l’hôpital public et obtenir satisfaction sur leurs revendications. Cette stratégie s’avérera-t-elle payante ?
Le 17 novembre, les internes avaient manifesté contre la coercition. Cette fois, une grève des stages est prévue

Le 17 novembre, les internes avaient manifesté contre la coercition. Cette fois, une grève des stages est prévue
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Nouvelle poussée de fièvre chez les juniors. C’est ce vendredi matin que les internes entament leur journée nationale de grève à l’hôpital. « Une action inédite possiblement reconductible », confie la présidente de l’InterSyndicale nationale des Internes (Isni), Olivia Fraigneau. Quelle forme prendra ce mouvement ? « Celui d’une grève pure et simple, nous n’avons pas prévu d’organiser de manifestations. L’idée est de sortir les internes de leur lieu de stage et de montrer, ce faisant, qu’ils sont indispensables au fonctionnement du système hospitalier public », explique la cheffe de file des carabins, fidèle au slogan annoncé le mois dernier : « L’hôpital n’a pas besoin d’internes pour fonctionner ? Alors voyons comment il fonctionne sans nous ! ».

6,40 euros de l'heure, un taux de suicide plus élevé

La date du 28 avril n’a pas été choisie au hasard. Il s’agit en effet du dernier jour du premier semestre de stage, avant les changements de service. « Il y a donc davantage de chances qu’un nombre plus grand d’internes se décident à participer au mouvement », souligne Léo Sillon qui représente la branche médecine générale de l’Isni.

Les jeunes ont fait bloc pour réussir leur mobilisation. L’Isni, le Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP) mais aussi l’Intersyndicale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), Jeunes Médecins et l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) affichent en chœur leur volonté d'alerter sur les conditions de travail, les semaines à rallonge et le manque de reconnaissance. « Le taux de suicide chez les internes reste trois plus élevé que celui des jeunes du même âge dans la population générale, nous ne sommes toujours payés que 6,40 euros de l’heure, une rémunération horaire inférieure au Smic, et nous sommes toujours en conflit avec les tutelles quant au réel décompte horaire de notre temps de travail ! », énumère Olivia Fraigneau.

D'où, parmi les revendications majeures des internes, la revalorisation d’« au moins 300 euros brut par mois » qui serait piochée dans les économies dégagées par l'encadrement des tarifs des médecins intérimaires à l’hôpital. Une cagnotte estimée à quelque 1,5 milliard d’euros… Les praticiens en formation demandent aussi le versement d’une indemnité logement indexée sur le prix du loyer qui ne saurait être inférieure à 300 euros mensuels pour les internes non logés. Évidemment, la question du décompte strict du temps de travail demeure au premier plan pour les internes, tout comme la tolérance zéro pour les services hospitaliers « déviants » en matière de respect de la législation (48 heures maximum par semaine, repos de sécurité systématique).  

La quatrième année ne passe pas

Côté médecine générale, c’est l’ajout de la quatrième année au cursus de l’internat, voté dans la loi de financement de la Sécurité Sociale 2023, qui continue de coincer. Les carabins, toujours dans l’attente du rapport censé expliciter les conditions de mise en œuvre, ne voient dans cette réforme rien d'autre qu’un moyen « pour exploiter les internes une année de plus en prétextant l’amélioration de l’accès aux soins, sans en garantir la sécurité pour les étudiants ou les patients ». Dans ce contexte, l’Isnar-IMG souhaite au minimum que la réforme soit reportée et que les internes de médecine générale des ECNi 2023 conservent leur internat en trois ans. Ils comptent sur cette journée pour faire entendre leur voix, cette fois sans battre le pavé.

Les carabins du deuxième cycle sont solidaires et l’Anemf a passé le mot d’ordre à ses troupes. « Le 28 avril sera aussi une journée sans étudiants dans les services », relaie leur président Yaël Thomas. Quant au syndicat Jeunes Médecins (JM), il a rejoint ce mouvement avec ses propres revendications. L'organisation du Dr Emanuel Loeb réclame une concertation sur les « statuts d’interne, docteur junior, assistant, chef de clinique et praticien contractuel ». Faute de quoi, le 28 avril sera aussi une journée « sans jeunes médecins » afin d'obtenir des annonces pour « ces grands oubliés »

Cette stratégie peut-elle payer ? « L’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas opté pour une nouvelle manifestation dans la rue, c’est que les précédentes n’ont pas véritablement donné de résultats, concède Olivia Fraigneau. Certes, nous avons été reçus au ministère, mais force est de constater que nos revendications restent le plus souvent lettre morte. En faisant une grève totale aujourd’hui, nous voulons démontrer l’importance fondamentale de notre présence à l’année dans les établissements hospitaliers. Je rappelle que nous sommes près de 40 000 internes… ». Une force de frappe qui entend marquer les esprits. « À partir d’un quart de mobilisation », la grève serait déjà une réussite pour les juniors, explique la présidente de l'Isni. « 25 % d’une profession qui s’implique, unie, dans un mouvement de protestation, ce n’est pas si fréquent ». 

François Petty

Source : Le Quotidien du médecin