Je fais uns spécialité que je n’ai pas choisi : la chirurgie. Alors même que je m’apprête à effectuer mon choix sur la plateforme des spécialités à l’issue du concours de l’internat, le temps s’arrête. Je me souviens de cette phrase prononcée par mon professeur d’orthopédie, le Pr Masmejean : « Vous ne choisirez pas votre spécialité, c’est elle qui vous choisira ». En l’espace d’un instant, toutes les possibilités s’éliminent une à une. Je clique alors sur chirurgie plastique reconstructrice et esthétique à Paris, une spécialité qui m’avait enthousiasmé dès la première année de médecine. Une grande sérénité m’envahit mais elle précède alors rapidement le retour à la réalité et la prise de conscience de l’importance de cette décision.
Une spécialité pas encore rencontrée en stage
C’est une spécialité que je ne connais pas. J’ai fait le pari durant mon externat de la protéger et d’éviter de la rencontrer en stage. Par peur de la déception. Je me la représente dans mon imaginaire d’étudiant en médecine, seulement un peu plus averti que le grand public. J’ai pourtant l’impression d’en avoir fait déjà connaissance. Je sais combien la chirurgie nécessite de sacrifices. Je sais aussi que la chirurgie plastique comporte de nombreux pièges. Ces mêmes pièges que j’accepte finalement de défier. Parvenir à se faire une place dans ce petit monde et réussir à se sentir légitime. Accepter la concurrence, on ne me fera pas de cadeau ni pendant l’internat ni durant mon exercice futur. Et surtout, conserver la tête froide et parvenir à progresser en toute humilité. Voici les quelques idées que je me fais alors des embûches et du chemin qui allaient m’être tracés.
Mais comment réussir dans un milieu inconnu ?
Selon ChatGPT il y a sept conditions importantes : s’approprier la culture du milieu, établir un réseau, être flexible, apprendre de ces erreurs, avoir des objectifs, être curieux et être patient. Il s’agit de conseils pertinents mais il manque selon moi le plus important : parvenir à s’identifier. Trouver une personne ou un ensemble de personnes à qui je veux ressembler. L’identification est la clé. Elle permet de rester motivé et d’éviter de s’égarer. Ce sera mon phare. C’est lui qui m’aidera et me montrera le cap.
J’ai besoin à présent de m’identifier à un chirurgien à qui je veux ressembler, un mentor
Dès le début de mon internat, je comprends que le passage de la théorie à la pratique accompagne le passage de l’abstrait au concret. Selon moi, ces deux dernières notions différencient à leur tour l’action de s’inspirer et celle de s’identifier. J’ai été inspiré par certains grands noms de la chirurgie durant mes premières années d’étude. Ces noms que je n’avais pourtant jamais côtoyés et qui se cantonnaient donc à un domaine tout à fait abstrait. J’ai besoin à présent de m’identifier à un chirurgien à qui je veux ressembler, un mentor. Trouver cette personne n’est pas une mince affaire. Avoir l’autorisation implicite de celle-ci de s’y identifier l’est encore moins. Il s’agit de la rencontre entre la fiabilité dont je dois faire preuve et de sa confiance. Cette relation se construit avec le temps et peut se briser à la moindre erreur de ma part.
Une rencontre décisive
Après plusieurs semestres d’internat je n’ai toujours pas rencontré mon phare. Je navigue à vue, paisiblement mais sans savoir réellement où je vais. J’ai déjà appris en chirurgie que c’est aux moments où on s’y attend le moins que les événements se produisent. Et à nouveau cette règle s’avère juste. Je fais une rencontre. C’est un jeune plasticien, il ne paraît pas tellement plus âgé que moi, il aurait pu être mon grand frère. Il dégage le charisme, l’énergie et la vivacité que je souhaitais rencontrer, il paraît sûr de lui.
Les gardes sont une bonne occasion de tisser des liens. Et je l’aide à opérer cette patiente en urgence qui présente une infection de prothèse. Nous discutons et je me surprends à tenter quelques notes d’humour. Je suis à l’aise. Je comprends que durant ces premiers mois d’internat, j’avais aussi oublié d’être moi-même. En douze ou quatorze ans d’étude le risque est grand de s’égarer mais il s’agit aussi d’une opportunité précieuse pour se découvrir et se redécouvrir. On ne choisit pas son mentor, c’est lui qui nous choisit.
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