Près d’un mois après sa présentation au sein d’un « Manifeste pour un meilleur accès aux soins », la suggestion par le syndicat de spécialistes libéraux Avenir Spé d’une nouvelle cotation à 60 euros entre spécialistes ou à la demande d’un soignant paramédical pour réduire les délais d’attente continue à faire couler l’encre… syndicale. Après MG France qui a immédiatement poussé les hauts cris contre ce que le syndicat de généralistes considère, ni plus ni moins, comme une tentative de court-circuiter le médecin traitant, c’est au tour de la CSMF de vouloir recadrer les choses en jouant la carte conventionnelle. Avec une volonté nettement affichée de se replacer au centre des négociations.
« Il faut rappeler à certains que cette consultation à 60 euros existe bien dans la convention [c’est l’APC qui passe donc à 60 euros ce mois de décembre, NLDR] et qu’il n’est pas nécessaire de l’inventer », tacle le Dr Bruno Perrouty. Le patron de la branche spécialiste de la Conf’ en profite pour rappeler que cet acte d’avis ponctuel de consultant (APC) est bien défini comme un acte d’expertise médicale et non pas une consultation « rapide », (ce que proposait Avenir Spé). « Il s’inscrit dans le cadre du parcours de soins qui doit tenir compte des réalités du moment », n’hésite pas à ajouter le Dr Perrouty.
Des actes qui existent déjà… dans la convention
Pour autant, « il nous faut maintenant aller plus loin et reconnaître qu’il existe une expertise médicale très complexe », poursuit le neurologue de Carpentras. Avec, dans le viseur, les consultations longues et rendues difficiles par leur contenu, comme un examen clinique exhaustif, des synthèses et diagnostics avec un protocole de soins ou encore l’annonce difficile d’une pathologie, pour lesquelles, là aussi, la cotation « existe et c’est l’APY » – l’avis ponctuel de consultant utilisé par les psychiatres et les neurologues et, depuis cette convention, par les gériatres. Un acte qui doit être rendu accessible à l’ensemble des spécialités « mais dans des conditions définies », concède la CSMF. La centrale pousse également en faveur d’une revalorisation de l’acte qui tienne compte du prochain passage de la consultation de médecine générale à 30 euros. À raison d’un APY équivalent à 2,5 G, cet avis pourrait donc être tarifé… 75 euros (contre 64 euros aujourd’hui).
Le président du syndicat polycatégoriel que je suis ne peut accepter la demande d’Avenir Spé de tarifs à 60 euros pour des spécialistes d’organes qui s’adresseraient entre eux des patients
Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S
Chez les autres syndicats de médecins libéraux, l’onde de choc provoquée par le Dr Patrick Gasser, chef de file d’Avenir Spé, continue, mais pour différentes raisons. À l’UFML-S, le Dr Jérôme Marty déclare sur le site de sa centrale syndicale : « Le président du syndicat polycatégoriel que je suis ne peut accepter la demande d’Avenir Spé de tarifs à 60 euros pour des spécialistes d’organes qui s’adresseraient entre eux des patients ». Le généraliste ne prend pas cette position par posture conventionnelle – l’UFML est l’unique syndicat représentatif à ne pas avoir signé – mais parce que la proposition d’Avenir Spé exclut de facto les spécialistes de la médecine générale qui doivent se contenter des 30 euros obtenus lors de la dernière négociation, « alors que nous rendons aussi des avis d’expertise », martèle le généraliste de Haute-Garonne.
Ironie du sort
Au SML, la piste évoquée par le Dr Gasser, n’est, en soi, pas entièrement rejetée, dans la mesure où dans certaines situations, « elle permettrait de faire gagner du temps », avance la Dr Sophie Bauer. À une double condition. Que le médecin traitant soit toujours maintenu dans la boucle. Et que l’adressage direct d’un patient aux spécialistes « ne soit pas accessible aux paramédicaux ». Un chiffon rouge pour la présidente du syndicat des médecins libéraux.
Tandis qu’à la Fédération des médecins de France (FMF), autre centrale syndicale polycatégorielle, le débat est clos depuis déjà deux semaines, « après en avoir discuté en interne », confirme la Dr Patricia Lefébure, cheffe de file du syndicat. « Ouvrir un accès direct aux spécialistes sans passer par le filtre des généralistes entraînerait une augmentation des coûts et une désorganisation des parcours de soins », détaille le Dr Frédéric Villeneuve, président de la branche généraliste de la FMF.
Reste que pour l’ensemble des syndicats représentants (aussi) les spécialistes, la suggestion d’Avenir Spé a ouvert une forme de cheval de Troie sur lequel s’appuyer pour alimenter les discussions sur les modalités de cotation de l’APC au sein du prochain groupe de travail ad hoc. Ironie du sort, c’est pour convaincre Avenir Spé de ratifier le texte conventionnel que le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, en avait suggéré la création.
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