Chasse aux IJ : les syndicats médicaux ripostent et alertent sur un problème de santé publique, une étude sur les causes des arrêts les conforte

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Publié le 22/06/2023
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Crédit photo : Phanie

Face aux annonces de la Cnam d’intensifier la chasse aux gros prescripteurs d’arrêts maladie, puis à celles de Bercy qui voit dans ce renforcement des contrôles un des moyens de parvenir à réaliser 10 milliards d’euros d’économies, la ligne de front syndical s’intensifie. MG-France, la CSMF et le SML dénoncent dans cette vague de contrôles, une campagne à visée « comptable » fondée sur l’intimidation des prescripteurs.

Pour l’heure, si un millier de généralistes surprescripteurs sont bien dans le collimateur de la caisse, plus de 5 000 médecins ont été contactés et 15 000 sont sous surveillance. Unanimes, les syndicats ont alerté leurs troupes et leur conseillent de refuser la mise sous objectif (MSO) que pourrait, d’autorité, leur proposer l’Assurance-maladie, et qui revient selon eux à reconnaître déjà des dérives.

Souffrance psychique  

Mais au-delà de cette riposte tactique et de leur exigence de « l’arrêt immédiat » de cette politique de « délit statistique », les centrales se veulent force de propositions. La CSMF demande la suppression de « la possibilité de prescription d’un arrêt de travail par des plateformes de téléconsultation où le patient est de fait inconnu du médecin » et la possibilité de « permettre des arrêts de travail courts et non indemnisés en auto-déclaration » par le patient.

Une idée que le syndicat de jeunes médecins Reagjir avait déjà proposée et qui n’a pas été retenue à ce jour. Si, en matière d’IJ, les plateformes de téléconsultation sont également dans le viseur de MG France, sa présidente, la Dr Giannotti, alerte dans une lettre ouverte à la population, sur un danger plus structurel pour la santé des Français. « Que l’on ne se méprenne pas, si seuls 2 % des médecins seront in fine sanctionnés, contrôler 30 % (des généralistes), aura des incidences sur les prescriptions des 28 % restants », alerte-t-elle. En clair, consciemment ou non, tous risquent d'être entravés sur leurs prescriptions d’IJ, au détriment de la santé d’une population qui présente des signes croissants de mal-être, « au point que l’Uncam commentait la lettre de cadrage de la convention médicale en rappelant la part croissante des consultations pour souffrance psychique en médecine générale », tacle Agnès Giannotti.

« Les 10 % d’arrêts maladie supplémentaires détectés par la caisse alertaient-ils sur un problème de santé publique ? », s’interroge aussi la Dr Sophie Bauer, présidente du SML. Qui suggère à la Cnam, « avant de tirer sur les médecins », de se rapprocher de statisticiens en santé. Sa centrale vient de demander à Santé Publique France (SPF) d’enquêter sur les pathologies ayant entraîné une augmentation des arrêts ainsi qu’une augmentation des décès depuis la crise Covid.

Arrêts de complaisance ou problème de santé publique ?

Dans ce contexte, la 6e édition du baromètre de l’absentéisme du cabinet Workplace Options réalisée par BVA et publiée ce jour apporte pour partie de l’eau au moulin des syndicats de médecins. Réalisée auprès de 1 500 salariés d’entreprises et auprès d’un échantillon représentatif de 303 DRH, l’enquête* inclut des chiffres de 2023. Premier enseignement, les enquêteurs relèvent que « hors maladies ordinaires, les problématiques mentales représentent désormais la première cause d’arrêt (31 %) » –dont la moitié liés directement au travail. Une évolution aussi constatée par les DRH. 81 % d’entre eux (contre 34 % en 2019) déclarent voir des arrêts pour des motifs de conflit ou d’épuisement professionnel sur le lieu du travail. Un état des lieux d’autant plus inquiétant que 47 % des salariés déclarent avoir continué à travailler alors que leur état de santé… nécessitait un arrêt. « Face à une difficulté nécessitant un arrêt maladie, 58 % des salariés ne le posent pas, 32 % se rendent à leur travail, 10 % posent un congé (CP ou RTT) mais surtout désormais, 16 % travaillent en télétravail », souligne l’étude.

À l’arrivée, 39 % des salariés ont connu « au moins un arrêt de travail entre mai 2022 et mai 2023 ». Au total, les DRH interrogés évaluent le coût de ces arrêts maladie « à 18 % de la masse salariale ». Mais une majorité d’entre eux estiment aussi que 22 % des arrêts maladie ne sont pas justifiés par des raisons médicales. En miroir, la CSMF suggère, quant à elle, de « responsabiliser les entreprises dont le nombre d'arrêts de travail est hors normes en référence à un même secteur d'activité ».

*Méthodologie : Enquête réalisée par BVA people Consulting pour Workplace options par internet, du 5 au 16 mai 2023 auprès de 1 500 salariés d'entreprises de plus de 50 salariés d'entreprises de plus de 50 salariés et auprès d'un échantillon représentatif de 303 DRH. La représentativité a été assurée par la méthode des quotas.  


Source : lequotidiendumedecin.fr