Si les syndicats avaient peut-être échoué à faire comprendre à l’Assurance maladie et son directeur général le mal-être et le ras-le-bol des généralistes, après son intervention au Congrès médecine générale France, il pourra difficilement encore l’ignorer.
Dans le cadre du CMGF 2023, Thomas Fatôme participait ce samedi 25 mars à une table ronde sur la convention médicale aux côtés d’une partie des syndicats et du président du Collège de la médecine générale le Pr Paul Frappé. Et si les syndicats ont redit leur opposition au projet de convention, ce sont surtout les témoignages des généralistes très nombreux dans la salle qui ont transmis le malaise de toute une profession.
Car comme l’a redit le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, « l’échec de cette convention est dramatique pour tout un tas de médecins qui sont en souffrance aujourd’hui et en attente ».
À l’image du Dr Élodie Masson, qui explique qu’en novembre dernier « elle était prête à tout lâcher ». « Je travaille 45 heures par semaine, j’ai fait neuf ans d’études, j’ai la vie des gens entre les mains et je fais 3 000 euros par mois. Vous trouvez ça normal ? », a-t-elle interpellé, au bord des larmes, Thomas Fatôme.
Le Dr Clémence El Maliki, de son côté, vient de s’installer à Toulouse, mais déjà après cinq mois elle a l’impression « de ne pas s’en sortir ». Abreuvée de demandes des patients : venus de loin car sans médecin traitant, en transition de genre, avec un enfant autiste polyhandicapé, sourd et muet car l’unité de soins en langue des signes de l’hôpital a fermé… « Je n’ai pas de consultations « simples », partage-t-elle. Je me remets en question en permanence, je me demande si je fais mal. Mais je suis à 1 700 euros par mois et je suis très inquiète ».
Alliance rompue
Malgré des échanges parfois tendus et certaines attaques mal reçues par le directeur général de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme s’est dit « sincèrement touché par les témoignages que nous avons eus ». « Nous essayons d’appréhender les raisons de ce malaise, de ce mal-être et d’apporter des réponses opérationnelles ou financières », a-t-il ajouté.
Pourtant parmi les généralistes qui ont témoigné, plusieurs n’auraient pas été éligibles au CET tel que proposé par la Caisse. Et ce qui a été mis sur la table pendant les négociations a creusé le fossé entre l’Assurance maladie et les médecins.
« J’ai augmenté mes rémunérations mais à quel prix ? », souligne le Dr Barbara Trailin, qui partage l'augmentation de sa charge de travail et qui assimile « les règles et les objectifs impossibles à remplir » à un partenariat « avec des violences ».
« Dans ce partenariat qui risque d’être toxique, il n’y aura que deux solutions : soit de crever, soit de se barrer », exprime-t-elle.
La présidente de la société médicale Ballint, le Dr Isabelle Nouet-Martinot a essayé de transmettre à Thomas Fatôme son retour du terrain où elle voit la cassure avec les généralistes. « Il y a quelque chose de l’alliance qui a été rompue, il y a quelque chose du désespoir. »
Dans les groupes d’échanges auxquels elle assiste, elle perçoit également « des sentiments de maltraitance, de non-reconnaissance, de dévalorisation de notre profession ».
Si les syndicats ont appelé à reprendre rapidement les discussions avec l’Assurance maladie. Cette dernière est prévenue, renouer le dialogue demandera des efforts conséquents.
Mais la table ronde s’est malgré tout achevée par un message d’espoir porté par la présidente de MG France, le Dr Agnès Gianotti : « Nous allons nous en sortir car nous sommes ensemble. Il va falloir qu’on s’entraide. Il faut qu’on arrive à gagner la bataille politique et celle de rester en bonne santé. Mais il n'y a pas un plus beau métier que le nôtre. »
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