C’est un front commun de la biologie médicale privée et publique qui vient de se (re)constituer au cœur de l’été, regroupant dans une colère partagée les syndicats privés et publics* de la spécialité (SNMB, Biomed, FNSPBHU, SNBH, SDBio, SLBC, SNMB-CHU). La raison de ce courroux estival ? La « menace » de l’Assurance-maladie de baisser à nouveau de « 9,4 % » les tarifs du secteur, et ce dès « septembre 2024 », pour une économie estimée à 360 millions d’euros par an (soit 120 millions sur les quatre derniers mois de cette année), selon les syndicats. Tous dénoncent un « plan mortifère » menaçant la biologie de proximité de « disparition » et surtout une « rupture de confiance définitive » avec les pouvoirs publics.
Un protocole triennal vicié
Ce n’est certes pas la première fois que cette spécialité – accusée d’avoir profité de gains importants de productivité et de la flambée des examens biologiques pendant la crise Covid – se retrouve face à des menaces de décotes tarifaires ; mais les relations avec la Cnam s’étaient finalement apaisées l’an dernier à la faveur de la signature d’un nouveau protocole d’accord triennal 2024-2026 conduisant le secteur à consentir une baisse de 11 % des tarifs en un an (7% dès 2023 puis 4 % en janvier 2024 avec la baisse de la lettre clé B de 27 à 26 centimes). Un plan de rigueur négocié qui était alors « de loin le plus drastique des professions de santé », soulignent les leaders syndicaux de la biologie, qui avaient bataillé pendant des mois pour trouver ce compromis. Dans ce contexte, la perspective d’un nouveau coup de rabot général de près de 10 % à la rentrée est perçue comme le « coup de grâce ». Si les biologistes libéraux sont concernés au premier chef, le secteur hospitalier n’est pas épargné avec la tarification des consultations externes.
Que s’est-il passé ? Selon les syndicats, l’Assurance-maladie a annoncé en juin aux représentants du secteur que l’accord triennal 2024-2026 avait été construit sur des « données erronées » (base de dépenses antérieures et prévisions de croissance 2023/2024 des volumes), justifiant un réexamen urgent de la situation et de nouvelles économies. « On nous a expliqué que l’atterrissage des dépenses 2022 de la biologie nous était défavorable et surtout qu’il y avait une explosion des volumes de +6 % depuis le début de 2024, explique ce mercredi au Quotidien le Dr Jean-Claude Azoulay, patron du SNMB, qui conteste au passage les chiffres de la caisse. D’où ce coup de rabot sur la nomenclature pour récupérer 120 millions cette année, c’est totalement inacceptable ». À la tête de Biomed, le Dr Lionel Barrand, également joint ce mercredi, enfonce le clou : « Face à la Cnam qui avance comme un bulldozer avec des chiffres pollués et se comporte en pompier pyromane, nous lançons un appel au secours. »
Car le temps presse : c’est par la voie d’un ajustement à la baisse de la grille des tarifs que la caisse compterait procéder dès le mois d’août, ce qui suppose une réunion de la commission de hiérarchisation des actes de biologie médicale (Chab) et un arrêté tarifaire.
Le risque d’une médecine low cost
Outre la remise en cause des calculs de l’Assurance-maladie, les syndicats font valoir, d’une part, que les biologistes ne sont pas responsables de l’augmentation de certains examens et, d’autre part, que le secteur régulièrement mis à contribution ne dispose « d’aucune marge de manœuvre supplémentaire de gain de productivité par la concentration » puisqu’il a déjà subi un puissant phénomène de regroupement et de financiarisation depuis une décennie.
S’ils n’obtiennent pas gain de cause par la renégociation de l’accord triennal avec la Cnam « sur des bases réalistes et viables économiquement », les biologistes agitent désormais la menace de fermeture forcée des sites « les plus fragiles », mais aussi la « réduction généralisée des horaires et jours d’ouverture (après-midi et fins de semaine) » et la « diminution du personnel administratif et paramédical ». Autant de mesures qui conduiraient à une dégradation de l’accès aux soins et une biologie médicale « low cost », se désolent les syndicats.
Un « shutdown » de la biologie ?
Alarmiste, le Dr Azoulay va jusqu’à évoquer un véritable « shutdown » de la biologie médicale en fin d’année (arrêt complet d’activité), à l’image de la situation de blocage qui existe parfois aux États-Unis lorsque le Congrès ne parvient pas à voter le budget et que le gouvernement est en incapacité de payer son administration. « Personne ne peut être forcé de travailler à perte », proteste-t-il. Pour le Dr Barrand (Biomed), c’est tout le réseau de laboratoires indépendants qui risque de trinquer en premier (10 sociétés sur 54 sont déjà dans le rouge, explique-t-il) avec une menace de disparition ou de revente, accentuant de facto le risque d’« oligopole » de la biologie médicale autour d’une poignée de grands laboratoires aux reins plus solides.
Syndicat national des médecins biologistes (SNMB), Les Biologistes médicaux (Biomed), Fédération nationale des syndicats de praticiens biologistes hospitaliers et hospitalo-universitaires (FNSPBHU), Syndicat national des biologistes des hôpitaux (SNBH), Syndicat des biologistes (SDBio), Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC), Syndicat national des médecins et biologistes des CHU (SNMB-CHU)
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