Coercition, délégations, place du médecin traitant, spécialistes : face aux cadres de la CSMF, Aurélien Rousseau rassure la profession

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Publié le 06/10/2023

Crédit photo : Loan Tranthimy

Devant une centaine de cadres de la CSMF, réunis jusqu'à dimanche à Arcachon pour la 29e Université du syndicat, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a souhaité qu’un nouveau cycle de négociation conventionnelle s’ouvre « rapidement », sans donner de date précise de sa lettre de cadrage à l’Assurance-maladie.

Néanmoins, l'ancien dircab d'Élisabeth Borne a donné plusieurs axes majeurs de ces discussions : le « renforcement » du rôle du médecin traitant et la structuration de la médecine spécialisée « afin de mieux de répondre aux problèmes d’accès aux soins » ; la pertinence et la qualité des soins « dans un contexte de très fortes dépenses des soins de ville » ; l’attractivité de la médecine de ville et l’évolution des modalités de rémunération avec la construction de modèles plus adaptés aux parcours complexes de certains patients.

Décisions historiques ?

En préambule, le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, ton grave, avait planté le décor. À une semaine d’un mouvement de grève libérale reconductible, qui embarque tous les syndicats représentatifs mais aussi les internes, la Conf' a exhorté le ministre à prendre des décisions « historiques » pour redonner de nouvelles perspectives à la médecine de ville, dans un contexte de démographie médicale libérale en souffrance. 

Devant ses cadres attentifs, le gastroentérologue de Reims, très offensif, a rappelé les revendications de la centrale confédérale. Arrive en tête la valorisation de l’« expertise médicale » basée sur la hiérarchisation réévaluée des consultations en deux principaux niveaux à « 30 et à 60 euros » mais aussi sur le rattrapage des actes techniques dont certains sont gelés depuis 30 ans.

Et pour permettre aux médecins libéraux de prendre davantage de nouveaux patients, la centrale polycatégorielle a réclamé une revalorisation du forfait patientèle médecin traitant et la création d'un forfait « file active » pour les autres spécialités (que la médecine générale). Enfin, le patron de la CSMF réclame aussi une valorisation de l'engagement territorial des médecins libéraux qui participent à la permanence des soins, aux soins non programmés et aux consultations avancées (pour les spécialistes hors médecine générale).

Des revendications auxquelles Aurélien Rousseau n’a pas voulu répondre directement et précisément. Sans doute était-il trop tôt alors que le nouveau round conventionnel n'a pas commencé. En revanche, face à un discours offensif du patron de la CSMF, Aurélien Rousseau n'a pas caché au début son agacement. Si les Français demanderont demain des comptes aux politiques, « ils le feront aussi à certains jeunes confrères », a-t-il lancé. « Dans les choix d'ECN, on le voit bien lorsque la psychiatrie sort en dernier et la chirurgie en esthétique en premier », a-t-il illustré, soulevant des protestations de la salle. 

Mea culpa et reconnaissance

À part ce passage tendu, le ministre a surtout tenté de rassurer les cadres confédérés. La pénurie médicale ? « Les médecins ne sont pas responsables de cette situation ». L'exercice libéral ? Il fera barrage à toute forme de coercition à l’installation. Puis à demi-mot, il a reconnu une autre maladresse à l'encontre des médecins libéraux. Cela concerne la responsabilité populationnelle et territoriale déjà pleinement assumée par les médecins. « Je crois que la puissance publique, le ministre de la Santé n'a pas besoin de le leur dire dans la lettre de cadrage. D'une certaine manière, cela ressemble à une forme d'infantilisation, à une erreur », dit-il.

Pour le locataire de Ségur, l’enjeu est bien de reconstruire « ensemble » le système de soins en s'appuyant sur toutes les compétences dans les différents métiers, avec le principe « le bon professionnel au bon endroit ». Dans ce schéma, a-t-il rappelé, avec gravité, « c’est le médecin qui doit coordonner et suivre toutes les interventions pluriprofessionnelles ». « Il ne s'agit pas de le remplacer comme certains l’avancent parfois », s'est-il défendu, en écho aux craintes des médecins de voir le parcours de soins contourné ou dérégulé. « Au contraire, nous devons assurer que chaque Français doit pouvoir avoir un médecin traitant », a-t-il martelé.

De fait, a-t-il de nouveau insisté, il y aurait eu une « confusion » entretenue entre le partage des tâches organisé par le médecin traitant ou le médecin spécialisé et l'accès direct par certains professionnels paramédicaux. « Penser que l’accès direct donné aux paramédicaux nous sortira des difficultés est une fausse promesse, un mirage et je ne poursuivrai pas sur ce chemin », a-t-il recadré, très applaudi. Mais cette annonce tombe à un moment où le PLFSS 2024 prévoit d'autoriser les pharmaciens d'officine de délivrer des antibiotiques après la réalisation d'un Trod, sans passer par la case médecin, pour la prise en charge de la cystite ou de l'angine. Aurélien Rousseau devra pourtant défendre cette mesure devant le Parlement. 

De nouveau, devant une salle silencieuse, Aurélien Rousseau a réaffirmé la place centrale du médecin. Mieux encore la pénibilité de l'exercice médical en ville devra être reconnue. « On a héroïsé le travail des soignants à l'hôpital et fait comme si c'était normal que les médecins libéraux galèrent pour repousser leur date en départ à la retraite », dit-il. « J'assume de dire qu'elle doit être reconnue aussi financièrement », a-t-il poursuivi sous des applaudissements. 


Source : lequotidiendumedecin.fr