Honoraires

Dépassements : le « CAS » a-t-il vraiment cassé les prix ?

Publié le 29/05/2015
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Les dépassements d’honoraires sont en hausse au niveau collectif, mais en baisse au niveau individuel… Pour les associations de patients, cela signe l’échec du dispositif de 2012, Contrat d’accès aux soins notamment. Pour la Cnamts c’est un succès. Qui croire ?

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Sur les dépassements d’honoraires, c’est un peu la guerre des chiffres entre la Sécu qui criait victoire fin mars et les associations de patients qui ont annoncé à peu près l’inverse la semaine dernière. Que penser sur ce chantier emblématique de l’accès aux soins sur lequel le gouvernement actuel s’est engagé comme jamais avant lui depuis 1990 ? Le décryptage est d’autant plus compliqué que, depuis l’avenant n° 8 signé en 2012, on est en présence de situations très diverses : à côté des médecins secteurs 2 pur jus, on trouve désormais les secteurs 2 avec Contrat d’accès aux soins (CAS), les secteurs 1 avec CAS et les secteurs 1 sans CAS… En fait, suivant la façon dont on présente les choses, on pourrait presque dire que les dépassements sont maîtrisés ou au contraire que le phénomène prend de l’ampleur…

• En valeur, la masse des dépassements progresse

Selon « l’Observatoire citoyen des restes à charge » que gère le collectif de patients du Ciss, « 60 millions de consommateurs » et le réseau mutualiste « Santéclair », les dépassements des médecins sont en progression. Ils pesaient pour 2,5 milliards d’euros l’an passé, soit une hausse de 6,6 % par rapport à 2012, du même ordre que celle constatée les deux années précédentes. Les spécialistes se taillent bien entendu la part du lion dans cette enveloppe : 2,5 milliards, en progression de 7,7 %. Seul le total des dépassements des généralistes demeure modeste (300 M€) et, d’ailleurs, en régression (-1,5 %). La Cnamts ne réfute pas ce constat. Mais elle répond que cet indicateur ne signifie pas grand-chose : la masse des dépassements évoluant naturellement avec l’activité des spécialistes. Pourtant, s’il est vrai que le poste spécialistes a augmenté l’an dernier, la progression globale de leurs honoraires (2,7 %) est plus modeste que celle constatée sur les seuls dépassements. Autre élément à charge fourni par les associations de consommateurs : l’élargissement de la part de spécialistes exerçant désormais en secteur 2 : 43 % en 2014 contre 41,1 % en 2012…

• Le dépassement yen par acte en secteur 2 est à la baisse

Même « l’Observatoire » du CISS l’admet : entre 2012 et 2014, le montant moyen par acte a « légèrement régressé » (-1,2 %) chez le spécialiste en secteur 2. Là encore, l’évolution est plus accentuée chez les généralistes (-4,10 %). À l’évidence, il faut voir dans cette modération l’effet conjugué du CAS et des nouvelles règles sur les tarifs abusifs hors CAS.

Sur ce terrain, la Sécu pousse son avantage et se targuait en fin de semaine dernière d’une « nette inflexion depuis 2 ans » du taux de dépassement en secteur 2 : 54,1 % en 2014 contre 55,4 % en 2012. La Cnamts souligne aussi à l’envie que la proportion d’actes à tarifs opposables en secteur 2 progresse aussi depuis le CAS : 34,7 % désormais contre 32,9 % avant. Enfin, elle pointe « un fait extrêmement significatif » à ses yeux : le taux de dépassement moyen des médecins réputés abuser a diminué de 36 points, passant de 189,1 % à 153,4 %. Du point de vue, de la régulation des tarifs au sein du secteur 2, le dispositif porte donc ses fruits.

• Les dépassements sont en augmentation en secteur 1

Mais le Contrat d’Accès aux Soins a aussi séduit certains médecins secteur 1 qui ont retrouvé là un droit à dépassement qu’ils n’avaient pas. Le CISS souligne que 3?344 praticiens sur 11?000 à voir signé un CAS proviennent du secteur 1, soit 30 %. « La proportion des professionnels signataires du CAS établis en secteur 1 atteint des taux records en radiologie (77 %), néphrologie (70 %) ou anesthésie (54 %) », révèle-t-il. Et de dénoncer un « effet d’aubaine » en s’étranglant devant la croissance des dépassements en secteur 1 : le montant moyen par médecin ayant cru de plus de 21 % entre 2012 et 2014, selon ce collectif.

Dans ce contexte, les animateurs de l’Observatoire se montrent très critiques à l’égard du dispositif adopté à l’automne 2012 pour maitriser les dépassements d’honoraires. « Santéclair », le CCISS et « 60 millions » réclament une baisse des plafonds de dépassements dans et hors le CAS et préviennent : « surtout ne pas généraliser le contrat d’accès aux soins à tous les médecins en secteur 1 » ! C’est pourtant à peu près ce que réclament désormais les spécialistes CSMF. Sur la forme, les trublions – qui ont travaillé sur la base des statistiques du SNIIRAM – enragent de se voir refuser l’accès aux données du CAS pour évaluer, « de manière transparente et indépendante », non seulement les dépassements d’honoraires, mais aussi le coût du dispositif pour la collectivité.

Paul Bretagne

Source : Le Généraliste: 2723