Le 13 mai 2024, dans son rapport public thématique sur « L’organisation territoriale des soins de premier recours », la Cour des comptes a encouragé les groupements hospitaliers de territoire (GHT) à déployer des centres de santé dans les territoires sous-dotés en personnels médicaux et paramédicaux.
Cette stratégie, déjà développée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), a été présentée mardi par son directeur général François Crémieux, dans le cadre d’une table ronde organisée par la FHF. « Notre responsabilité populationnelle nous a conduits à déployer deux centres de santé dans les quartiers Nord de Marseille, là où se concentrent de nombreuses inégalités de santé et des difficultés d’accès aux soins, a-t-il exprimé. Ma conviction est qu’il suffit de le décider pour le réaliser sachant que cela implique aussi d’organiser la coordination avec le reste des offreurs des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux ».
Deux ans et demi après s’être lancé dans l’aventure, François Crémieux se félicite du succès d’un dispositif jugé particulièrement attractif pour les professionnels. « Ils pratiquent une activité pluridisciplinaire, sont salariés tout en étant pleinement intégrés au CHU », précise le patron du CHU de Marseille.
Au-delà de l’exemplarité de l’initiative phocéenne, des coopérations plus classiques entre centres de santé et établissements hospitaliers semblent présenter de nombreux avantages. « Elles rendent l’offre de service public de proximité visible sur le territoire et offrent un cadre d’emploi intéressant avec des postes ville hôpital, a en tout cas développé la Dr Julie Chastang, médecin généraliste et secrétaire générale de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS). Nous plaidons désormais pour un renforcement des liens avec l’université afin, par exemple, de dynamiser la recherche en soins primaires. »
Elèves infirmières, internes, assistants partagés : compétences multisites
Directrice générale du centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre, Luce Legendre a elle aussi choisi de conventionner avec les centres de santé municipaux qui entourent cette structure hospitalière. Si la collaboration entre l’établissement et la ville date de 1997, deux conventions cadres signées en 2019 et 2023 précisent les modalités du travail en commun. « Le cadre permet de réfléchir en amont à de nombreux sujets comme les évaluations ou la formation des professionnels, explique-t-elle. Je note aussi que beaucoup d’élèves de l’IFSI [institut de formation en soins infirmiers] réalisent leur stage dans les centres de santé, ce qui peut faciliter leur recrutement ultérieur. Des internes se forment aussi sur les deux sites et nous bénéficions des compétences d’assistants partagés ». La directrice a également mis en lumière les intérêts de ces rapprochements en matière de santé publique : « Ils facilitent l’accès aux soins des personnes précaires, ce qui a aussi un impact sur la fréquentation des services d’urgence, et ils aident l’hôpital à réaliser ses missions de prévention. »
Cette attention portée aux patients en situation de grande vulnérabilité est partagée par le centre de santé Richerand à Paris qui a bénéficié, dans le cadre d’une expérimentation de l’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, d’un poste de médecin généraliste de liaison. Celui-ci a pour objectif de repérer, lors d’un séjour hospitalier, les patients qui n’ont pas de médecin traitant. « En quatre ans, 800 patients nous ont été adressés et 700 sont aujourd’hui suivis dans notre centre. Cette coopération, qui bénéficie à des patients très précaires, a eu pour conséquences de diminuer leur réhospitalisation et leur passage aux urgences », insiste Jeanne Villeneuve, directrice médicale du centre de santé.
L’équation complexe du financement
Plus épineuse, la question récurrente du manque de moyens a également été évoquée comme le principal obstacle à ces rapprochements entre hôpitaux et centres de santé. Julie Chastang a appelé à repenser « un mode de rémunération correspondant à ce que nous faisons, un financement à la mission ou un paiement à la capitation pour l’équipe ». Jeanne Villeneuve a déploré « le fait de devoir bricoler » avec des « bouts de financements » de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ou de l’ARS. « Il est aussi difficile de dégager du temps pour répondre aux appels à projets. Nous avons besoin de financements fléchés », a-t-elle ajouté.
Plus optimiste, le DG de l’AP-HM François Crémieux, a terminé sur une note positive : « Équilibrer un centre de santé est facile, avance-t-il. Quand je décide qu’il faut recruter des médiateurs en santé pour répondre à des besoins majeurs de traduction, soit je recherche un financeur et je les paye, soit je crée du déficit… Il en est de même pour l’organisation, une fois par mois, d’une journée de prévention au pied des cités, qui représente plusieurs milliers d’euros. Notre responsabilité est aussi de nous comporter en bons gestionnaires. »
Une convention entre la FHF et les gestionnaires de centres
Des discours aux actes : lors de Santexpo, la Fédération nationale des centres de santé (FNCS, gestionnaires) et la Fédération hospitalière de France (FHF) ont signé une convention de partenariat qui vise à renforcer le service public de la santé, l’accessibilité et l’équité d’accès aux soins et la réduction des inégalités territoriales.
Cette alliance doit se traduire par la valorisation de coopérations entre des hôpitaux publics et des centres de santé via des structures co-portées, des actions conjointes de communication ou encore le déploiement d’actions de prévention.
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