Déserts médicaux dans le Morbihan : des détectives privés en quête de médecins

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Publié le 07/10/2023
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Jean-Claude Le Badézet dans son cabinet d'investigations à Pleucadeuc

Jean-Claude Le Badézet dans son cabinet d'investigations à Pleucadeuc
Crédit photo : DR

Cornélia Bontemps détective mandatée par l'agence ABC Investigations placarde ses affiches en ville, dans les hôpitaux, les facs de médecine...

Cornélia Bontemps détective mandatée par l'agence ABC Investigations placarde ses affiches en ville, dans les hôpitaux, les facs de médecine...
Crédit photo : DR

En mal de praticiens, Pluherlin, Molac et Sérent, trois communes morbihannaises ont fait appel à la même agence de détectives en mars dernier. L'objectif est l'installation de deux généralistes par municipalité ! Pour ces recherches atypiques, le cabinet ABC Investigations ne ménage ni peine ni savoir-faire. Mais pour quels résultats six mois plus tard ? Jean-Claude Le Badézet et sa collègue Cornélia Bontemps font volontiers le point avec Le Quotidien.

Un ex-scientifique s’engage à être le futur médecin de Sérent

Force est de constater que les solutions trouvées ne sont pas à effets immédiats. D'ici six ans, si tout se passe comme prévu, la permanence des soins sera à nouveau assurée au sein de la commune de Sérent ! Car les fins limiers ont "déniché" un chercheur scientifique qui aspire, à la quarantaine, à une reconversion en médecine. Les coûts des études du futur praticien - qui vient d'intégrer la troisième année de médecine -, seront désormais à la charge de la municipalité.

La piste des médecins à diplôme étranger ?

Pour les autres communes, quatre à cinq pistes sérieuses de médecins étrangers sont en cours, dévoilent également les enquêteurs. « On a eu très peu de retours au niveau national », se désole Jean-Claude Le Badézet. « C'est déjà difficile et compliqué et l'ARS nous met des bâtons dans les roues pour les nombreuses candidatures hors communauté européenne », s'insurge le privé. « Nous avons des médecins qui viennent du Canada, des continents africains ou asiatiques. Mais les délais de mise à jour des dossiers de médecins à diplôme étranger sont incroyablement longs. Il faut compter trente à trente-six mois. Près de trois ans ! Et si je suis sur le terrain c’est pour pallier une défaillance de l'état ! », tempête par ailleurs le détective.

Les deux privés osent et tentent tout !

Les enquêteurs occupent sacrément le terrain. Ils activent leurs réseaux jusqu'à l'international, enchaînent les interventions dans la presse locale et nationale. Entre affichettes placardées de-ci de-là, investigations dans les facs, les hôpitaux, et le démarchage direct dans les cabinets médicaux, les deux privés osent et tentent tout ! Mais « les recherches sont vraiment difficiles », confirme Cornélia Bontemps « Aujourd'hui, le contexte de concurrence est encore plus important. Il génère une surenchère des médecins et des territoires… », analyse de son côté le maire de Pluherlin. Chacune des trois communes clientes de l'agence offre une kyrielle d'avantages, mais les jeunes médecins ne se pressent pas au portillon. « On propose pourtant des super conditions d'accueil : on a des locaux neufs, on n’est pas loin de la mer, on offre des primes… » plaide, tout à son sujet, Jean-Claude Le Badézet.

Une mission d'intérêt général

Pister et filer des personnes, les deux fins limiers ont l'habitude. Mais chercher, identifier puis convaincre des médecins à s'installer dans des petites municipalités… C'est une autre paire de manches ! Alors, face à ce qui est presque mission impossible, qu'est-ce qui fait courir les deux détectives ? Certainement pas le côté financier tient à souligner Jean-Claude Le Badézet. « Nous sommes payés au résultat, environ 3 000 euros pour chaque médecin trouvé. Clairement on ne fait pas ça pour l'argent, on passe plus d'heures qu'il n'en faut… » . Un sacerdoce ? « Je ne suis pourtant ni un sauveur ni un Zorro » affirme celui qui ne peut absolument pas se résoudre à laisser aînés ou tout-petits sans médecin traitant. « C'est une question d'intérêt général », répondent l'un et l'autre des détectives qui ne lâcheront rien de leurs engagements. D'ailleurs, professionnels jusqu'au bout des ongles, les enquêteurs invitent tous nos lecteurs médecins, prêts à changer de cadre de vie, à les contacter !

Annick Bernhardt-Olivieri

Source : lequotidiendumedecin.fr