« Le contexte démographique est encore tendu, mais il est en train de s’améliorer », s'est félicité le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), en préambule de la présentation de sa nouvelle étude CSA* qui confirme la réduction significative des délais d’attente.
Plusieurs signaux sont positifs. Le rajeunissement de la profession se constate depuis six ans. L’âge moyen des ophtalmos libéraux a baissé de 3,3 ans par rapport à 2017 et devrait tomber sous la barre des 50 ans « dans cinq ans ». Les effectifs globaux d'ophtalmologistes devraient commencer à réaugmenter dès 2024. Dans une étude publiée cet été, le service des statistiques du ministère de la Santé estimait que la stagnation des médecins en activité devrait continuer jusqu’à 2027.
Après les années Covid, l’année 2022 marque aussi le redémarrage de la croissance du travail aidé. Les jeunes spécialistes de moins de 40 ans sont 94 % à avoir recours à ce mode d'exercice – cheval de bataille du Snof – qui repose sur la collaboration avec des assistants médicaux, orthoptistes et/ou les infirmiers.
Délais de rendez-vous raccourcis
Mais c’est sur le front des délais d’obtention de rendez-vous que l’embellie est la plus forte. Pour la cinquième année consécutive, « notre enquête confirme une baisse continue. Les délais ont diminué de 70 % depuis 2017 à l’échelle nationale. L’amélioration est globalement de 25 % par rapport à l’année dernière. C’est du jamais vu ! », s’enthousiasme le Dr Bour.
De surcroît, 72 % des rendez-vous en ophtalmo sont obtenus dès le premier appel. Et le délai médian est passé de 43 jours en 2019 à 24 jours en 2023 (il était encore d'un mois en 2022). Des disparités géographiques perdurent, même si les délais diminuent dans tous les types d’agglomération et particulièrement dans les communes entre 20 000 et 100 000 habitants. La prise de rendez-vous via des agendas en ligne ne cesse de se développer. Aujourd’hui 62 % des ophtalmologistes proposent ce service.
Le Snof dévoile aussi les délais de rendez-vous dans les 10 plus grandes villes de France. Sept sur dix « sont passées sous la barre des 20 jours, soit trois villes de plus qu’en 2022 », relève l’enquête. A Toulouse, pour une demande de contrôle périodique de la vue, un rendez-vous sur deux est obtenu en 21 jours et à Nice, en 13 jours.
Développer les pôles libéraux
Malgré la décrue des délais d'attente, le syndicat veut accélérer et se fixe l’objectif rapide « ambitieux mais atteignable » de 15 jours de délai médian pour un rendez-vous. D’ici à 2025, « au niveau national, on peut estimer qu’un accès fluide aux soins ophtalmologiques sera assuré pour 80 % de la population (demeurant dans des agglomérations de plus de 50 000 habitants) », se projette la centrale.
Pour y parvenir, le Snof avance plusieurs mesures, déjà évoquées. L’ouverture dans cette spécialité d’au moins 200 postes d’internes par an dans les 10 prochaines années (contre les 150 actuels). Le syndicat propose de développer massivement les stages d’internes en libéral « en passant de 45 postes à 150 ». Il mise surtout sur le développement des équipes de soins spécialisés dans le cadre de pôles ophtalmologiques libéraux. Enfin, le syndicat propose l’ouverture généralisée de l’Optam (option de pratique tarifaire maîtrisée) dans les zones sous-dotées.
La financiarisation croissante du secteur fait partie des points de vigilance, après le déconventionnement cet été de 13 centres ophtalmologiques jugés frauduleux par l'Assurance-maladie. « La cessation d'activité de ces "cash machine" n'a pas eu d'incidence sur l'accès aux soins ophtalmologiques des patients en Île-de-France », recadre le patron du Snof qui y voit la preuve de la solidité du réseau libéral traditionnel.
* Enquête réalisée en septembre 2023 auprès d'un échantillon de 2 435 médecins ophtalmologistes pour l'enquête téléphonique. Et auprès de 4 006 ophtalmologistes pour la possibilité de prendre des rendez-vous en ligne.
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