Un passage en force du ministère, c’est le ressenti qu’ont eu les organisations de médecins coordonnateurs lorsqu’elles ont découvert le décret d’application de la loi du 27 décembre 2023 (dite loi Valletoux).
La loi Valletoux stipule que « la fonction de médecin coordonnateur peut être exercée par un ou plusieurs médecins. En deçà d'un nombre de places au sein de l'établissement fixé par décret, la fonction de coordination est occupée par un seul médecin ». Le seuil en dessous duquel les missions d’encadrement légal d’une équipe soignante ne peuvent être exercées que par un seul médecin coordonnateur est défini à 200. En fait, la majorité des 11 000 Ehpad ont moins de 200 résidents. Sont donc concernés par le décret 144 Ehpad publics et 14 Ehpad privés associatifs.
Souci : ce décret ne prendrait pas assez en compte la réalité du terrain. D’une part, un tiers des Ehpad n’ont aucun médecin coordonnateur à disposition, pénurie médicale oblige ; d’autre part, les chanceux tournent souvent avec plusieurs professionnels qui, à deux ou trois, assurent le temps de travail nécessaire. Dans les Ehpad, on parle plus souvent d’équivalent temps plein (ETP) que de poste de médecin.
« Ce décret sort de nulle part, est contre-productif et va même casser ce qui fonctionne », réagit le Dr Pascal Meyvaert, à la tête du Syndicat des médecins coordonnateurs, Ehpad et autres structures, généralistes ou gériatres (SMCG, affilié à la CSMF). Selon le médecin, ce sujet du « seuil » n’a jamais été abordé lors des dernières réunions avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS, ministère de la Santé. Ce que réfute cette dernière.
Perte d’attractivité
Dans la pratique, le temps de travail des médecins coordonnateurs se répartit déjà selon le nombre de résidents. À savoir : un ETP de 0,40 pour un Ehpad de moins de 59 places ; un ETP de 0,60 entre 60 à 99 places ; un ETP de 0,80 entre 100 et 199 places ; et un ETP complet pour un Ehpad de 200 places et plus.
Avec ce nouveau décret, la coordination sera désormais occupée par un seul médecin si la capacité est inférieure à 200 places, et à au moins deux praticiens au-delà. Si l’intention est bonne, sa mise en œuvre est impossible en l’état actuel des choses, s’agacent les syndicats.
« Le législateur a trouvé une solution rapide mais pas forcément opérante pour trouver des médecins coordonnateurs dans tous les Ehpad de France », confirme la Dr Anne David-Bréard, présidente du Syndicat national de gérontologie clinique. Comme le Dr Meyvaert, la Dr David-Bréard craint que les médecins abandonnent leurs fonctions à cause d’un trop-plein de contraintes réglementaires.
Devenir médecin traitant en même temps que coordonnateur ?
Ce décret intervient dans un contexte déjà tendu entre le ministère de la Santé et les organisations syndicales de médecins coordonnateurs, très remontées contre une autre mesure qui consiste à leur demander d’assurer en même temps un suivi médical et de réaliser des prescriptions. Une réforme qui, là encore, grignote le peu de temps dont dispose ces professionnels pour les résidents. « Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut à tout prix sanctuariser le temps du médecin coordonnateur, confirme la Dr Odile Reynaud-Levy, présidente de la Fédération des associations nationales des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (Mcoor). Le temps de médecin traitant ne doit pas prendre le pas. »
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