Le bilan en demi-teinte du dispositif national 400 médecins

Publié le 23/06/2023
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Le dispositif « 400 médecins » prévoyait de renforcer la présence médicale dans les zones sous-dotées. Au bout de quatre ans, ce dispositif n’a pas complètement rempli ses objectifs de recrutement selon les régions mais a permis d’introduire des politiques de proximité en matière de santé. À l'exemple de la Bretagne.
Une réponse aux besoins de médecins dans les territoires isolés

Une réponse aux besoins de médecins dans les territoires isolés
Crédit photo : GARO/PHANIE

L’accroissement des besoins de soins de la population et l’inégale répartition des professionnels de santé laissent de nombreux territoires en difficulté dans lesquels il est difficile d’accéder à un soignant. Si bien que dans ces zones, les communes s’investissent de plus en plus et tentent d’attirer les jeunes médecins en leur proposant un statut salarié pour s’installer. Afin de répondre aux besoins de médecins dans les territoires isolés, Emmanuel Macron avait annoncé dans le cadre du plan Ma santé 2022, le recrutement de 400 médecins généralistes. Ce plan comprend deux volets, soit 200 postes de salariés et 200 postes en exercice partagé entre la ville et l’hôpital. Chaque région se voyait alors attribuer des effectifs de recrutement pour répondre aux besoins dans les territoires prioritaires identifiés.

Dans les faits, ce plan a connu des succès mitigés selon les régions. Un premier bilan en 2021 par Le généraliste annonçait que 249 postes étaient déjà pourvus. Cette analyse faisait aussi apparaître que les deux volets du plan fonctionnaient de manière inégale. Les médecins recrutés en exercice mixte ne représentaient que 30 % des embauches liées à ce dispositif. La direction générale de l’offre de soins (DGOS) expliquait ce désintérêt pour l’exercice mixte par la précarité des statuts dans les centres de santé et par la difficulté de construire un projet libéral et hospitalier en début de carrière. Bien que la DGOS n'ait pas répondu aux sollicitations du « Quotidien » pour des chiffres actualisés, le résultat semble se confirmer deux ans plus tard. Notamment à travers l'exemple de la Bretagne.

Le volet concernant l’exercice mixte « n’a pas rencontré le succès escompté en Bretagne », confirme Jeanne Baby, responsable du développement du programme 400 médecins salariés à l’ARS Bretagne. Les postes ont été créés par les établissements de santé, « mais la majorité des structures n’ont pas forcément trouvé les candidats ». Le dispositif octroyait à la région 20 postes (14 mixtes et 6 en salariat).

Un exercice salarié plus attractif

À l’inverse, le recrutement de médecins à des postes salariés en ambulatoire a rencontré un peu plus de succès. Ce volet portait l’ensemble du dispositif en 2021 puisqu’il représentait 70 % des embauches du plan 400 médecins salariés. Un mode d’installation qui séduit de plus en plus les jeunes générations comme le prévoyait la Drees dans une étude en 2017 qui voyait une population médicale plus souvent salariée. Ce type d’installation compte de nombreux avantages pour les jeunes médecins qui peuvent débuter leur activité avec un salaire et des horaires fixes, ainsi que des congés payés tout en se consacrant à la médecine et à la qualité des soins. Ils sont ainsi libérés des lourdeurs administratives et comptables de l’exercice libéral et peuvent consacrer plus de temps aux loisirs et à la vie de famille.

Cette tendance des jeunes générations à se tourner vers le salariat a donc profité au dispositif 400 médecins. Toutefois, le succès est « mitigé d’une région à l’autre », reconnaît Jeanne Baby, certaines régions ayant rempli leurs objectifs, d’autres non. « En Bretagne, de nombreux répondants se sont manifestés suite à l’appel à candidature lancé par l’ARS en mai 2019. C’est pourquoi on a décidé de financer des postes en plus de ceux qui nous ont été alloués », continue-t-elle. Le deuxième volet ayant bien fonctionné, neuf postes ont finalement été financés en salariat (sept étaient pourvus).

Développement de centres de santé

Ce système a eu des effets bénéfiques puisque dans certaines régions, il s’est accompagné de la création de centres de santé. « En Bretagne, sur les huit structures que nous avons financées, six n’existaient pas et ont pu être créées grâce à ce dispositif », complète Jeanne Baby. Encouragés par les mesures incitatives des agences régionales de santé (ARS) de leur territoire, de nombreux porteurs de projet (collectivités territoriales, centres hospitaliers, associations…) ont mis en place ce type de structures.

Il s’agit surtout d’une aide au démarrage afin de prendre en compte les dépenses d’équipement, les éventuels aménagements immobiliers ou les modifications permettant à des centres mono-professionnels de devenir pluri-professionnels. L’idée étant de mener des politiques complémentaires de celles des conseils régionaux qui lancent des appels à projet visant à la mise en place de centres de santé. Les ARS proposent aussi une garantie mensuelle de rémunération qui, sur une durée de deux ans, « permet de pallier le déséquilibre entre le coût salarial total du médecin généraliste pour l’employeur et le montant total généré par les actes réalisés », détaille Jeanne Baby. Des mesures qui peuvent ensuite servir de base de réflexion pour d’autres politiques comme en Bretagne où une politique régionale de soutien à la création des centres de santé a été mise en place par l’ARS.

Ce bilan en demi-teinte fait que la direction générale de l’offre de soins (DGOS) « a décidé de ne pas reconduire ce plan au niveau national », annonce Jeanne Baby. Néanmoins, les succès rencontrés peuvent fournir des pistes de développement de l’offre de soins. Ainsi, En Bretagne, face au succès avéré du volet numéro 2, des réflexions sont menées pour reconduire le dispositif en région et permettre ainsi de contribuer au renforcement de l’offre de soins dans les territoires les plus en difficultés.

Antoine Vergely

Source : Le Quotidien du médecin