« Voir les patients se mobiliser, me tomber dans les bras en pleurant, cela m’a fait réfléchir. » Le Dr Claire Bigorgne, unique médecin généraliste de Kermaria-Sulard (Côtes-d'Armor), petite commune bretonne de 1 000 habitants, a rouvert son cabinet médical depuis le 8 avril après une semaine de fermeture. « J’ai décidé de reprendre les consultations pour ne pas pénaliser mes patients qui m’ont soutenue et pour l’amour du métier », confie-t-elle au « Quotidien ». Plusieurs pétitions de soutien avaient également circulé.
Fin mars, la généraliste de 44 ans avait fermé temporairement son cabinet en guise de protestation contre la CPAM de Saint-Brieuc après une convocation pour « prescriptions atypiques ». La Sécu lui reprochait d'avoir « une part d'indemnités journalières en accidents de travail supérieure à la moyenne des médecins du secteur et des arrêts maladie de plus de 45 jours ». Le médecin avait dénoncé une façon de faire jugée « odieuse ».
À l’issue de ce rendez-vous, le médecin s'attendait à recevoir un courrier la prévenant de sa mise sous objectifs. Cette procédure est engagée pour les médecins prescripteurs excessifs d’arrêt de travail. Finalement, « j'ai reçu un courrier le 17 avril me disant que je n’étais pas mise sous objectifs mais sous surveillance. Un médecin-conseil a été désigné pour me chapeauter ». Selon le Dr Bigorgne, la mobilisation de ses patients et la médiatisation de sa situation ont fait « reculer légèrement » la CPAM de Saint-Brieuc.
Accompagnement
Sollicitée par « le Quotidien », la caisse confirme « qu'aucune procédure de ce type » (mise sous objectifs) n’a été engagée » à l'encontre de la généraliste. En revanche, la CPAM a programmé « un nouveau suivi de l’évolution des prescriptions d’arrêts de travail du 1er avril au 31 juillet 2019 ». « Cette période d’accompagnement permet au médecin de solliciter un médecin-conseil du service médical pour répondre à ses besoins et difficultés éventuels, afin de lui apporter des conseils face à des situations rencontrées dans sa patientèle », précise la caisse.
Un « accompagnement » que le Dr Bigorgne ne comprend pas. « Je n’ai rien à me reprocher. Si je décide d’arrêter un patient, c’est qu’il doit l’être ! Si le médecin-conseil n’est pas d’accord, il n’a qu’à convoquer le patient mais il ne le fait pas. »
« Quelque chose s'est cassé »
Malgré cette reprise des consultations grâce au soutien de la population, la généraliste ne cache pas que « quelque chose s’est cassé ». « Je n’avais pas à être traitée comme je l’ai été alors que je n’ai tué personne. Le choc psychologique ne s’effacera pas en un mois. »
Avec la médiatisation, la généraliste affirme avoir reçu des courriers d'autres médecins ayant subi les mêmes tourments. « Je ne suis pas seule, dit-elle. Si on arrive à faire une liste des médecins pour connaître les dégâts suite à ces entretiens, on pourra savoir le nombre de confrères qui ont dévissé. »
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