Cardiologie, dermatologie, ophtalmologie… À l’instar des équipes de soins primaires (ESP), plus connues, les équipes de soins spécialisés (ESS) s’apprêtent à sortir à sortir de l’ombre et du flou. Définis pour la première fois dans la loi Buzyn de 2019 puis relancés sous forme d'expérimentations en 2021, ces collectifs de praticiens libéraux d’une même spécialité – hors médecine générale – qui choisissent volontairement d'assurer leurs activités de façon coordonnée avec d’autres acteurs d'un territoire ont commencé timidement à se déployer.
Mais faute d’impulsion, une dizaine d’ESS seulement existent sur l’ensemble du territoire, souvent portées par quelques leaders syndicaux ou praticiens moteurs, et financées de façon aléatoire par des URPS ou des fonds d’intervention régionaux (Fir) des agences régionales de santé (ARS).
Point de contact pour les médecins traitants
Les partenaires conventionnels ont donc décidé de changer de braquet. L’Assurance-maladie, hier réticente, veut croire à cette formule en mettant sur la table un financement pérenne afin de maintenir les équipes pionnières et susciter de nouveaux projets de prise en charge, toujours dans une logique de parcours. Le texte acte l’accompagnement de ces collectifs de spécialistes libéraux en fixant le cadre juridique, les critères conditionnels, les missions et le montant des dotations annuelles.
Car pour bénéficier des crédits conventionnels, il ne suffit pas d’être un regroupement informel de spécialistes volontaires, hors médecine générale. Une ESS doit réunir « au moins 10 % des professionnels libéraux de la spécialité concernée du territoire qu’elle couvre », sur un périmètre géographique a minima départemental (avec une cible régionale possible). À terme, le texte prévoit même d’intégrer « au moins 50 % » des praticiens libéraux de la spécialité concernée présents sur le territoire.
En clair, l’ambition est de mailler la France avec des équipes ayant atteint une masse critique suffisante pour structurer l’offre libérale de soins spécialisés (deuxième recours) et offrir un « point de contact » efficace aux médecins traitants, dans un contexte de pénurie et de délais d’attente interminables. Consciente de l’ampleur du défi, la convention précise que des « exceptions restent possibles à ces seuils minimaux ou au principe d’unicité de spécialité, sous réserve de validation de la commission paritaire nationale ». Une souplesse saluée par les syndicats.
Avis ponctuel, télé-expertise et consultations avancées
Le périmètre médical est un autre prérequis. L’ESS doit traiter les problématiques « liées à une spécialité médicale et non à une pathologie » unique. Surtout, le collectif, une fois constitué, doit s’articuler avec les organisations collégiales existantes de soins primaires (CPTS, dispositifs d’appui à la coordination, autres équipes) tout en intégrant des hospitaliers (en formalisant des liens avec les établissements proches).
En pratique, ces ESS devront proposer une organisation permettant « de donner un avis spécialisé ponctuel » aux médecins traitants, et ce « dans des délais réduits » sous la forme de consultation en présentielle, en visio ou de télé-expertise. Outre ces missions socles, les ESS peuvent contribuer au déploiement des consultations avancées pour les soins de leur spécialité notamment dans les zones d’intervention prioritaire (ZIP).
Jusqu’à 100 000 euros de dotation annuelle
Le financement étant le nerf de la guerre, la Cnam a prévu deux lignes budgétaires dès janvier prochain. Dès la création d’une équipe de soins spécialisés (lettre d’intention et signature de contrat ARS/CPAM), un « crédit d’amorçage » de 80 000 euros sera versé pour aider les porteurs de projets. Une fois le schéma validé, l’ESS perçoit une « dotation annuelle » comprise entre 50 000 et 100 000 euros, selon la taille de l’équipe (de 10 médecins à 100 médecins ou plus dans ces exemples).
À la tête d’une ESS de 70 spécialistes en ophtalmologie depuis deux ans, le Dr Vincent Dedes salue ce financement lisible qui correspond « à peu près aux besoins d’un collectif ». Selon l’ophtalmologiste lillois, cette enveloppe contribue à financer un poste de coordinatrice à temps plein, à indemniser les réunions des praticiens et les outils numériques nécessaires. « Il ne faut surtout pas créer une ESS pour le plaisir mais pour répondre à un vrai besoin, ajoute celui qui est aussi président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof). C’est pourquoi le projet doit fédérer plusieurs cabinets et non un seul pour assurer un maillage assez large ». Ce cadre conventionnel plus favorable, assure-t-il, devrait accélérer la création des ESS en ophtalmologie « où il y a un véritable engouement ».
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